Près de 20 millions de Chinois sont menacés d’intoxication à l’arsenic. Abondamment présent dans les gisements de minerais, l’élément peur se retrouver dans les nappes phréatiques. À partir d’un modèle de répartition de l’arsenic, une équipe suggère que certaines régions insoupçonnées encourent d’importants risques de contamination.

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    L'arsenicarsenic est naturellement présent dans les sols et peut polluer les nappes phréatiques. Cet élément est associé à plus de 245 minerais, notamment l'or, le cuivrecuivre ou le zinczinc. Fréquemment présent dans ces gisements, l'arsenic peut facilement atteindre les aquifères à la suite de l'altération des roches. À l'échelle mondiale, il est l'un des principaux contaminants de l'eau potable. En France, on considère que le taux acceptable d'arsenic dans l'eau est de 10 µg/l, mais en Chine, le seuil est fixé à 50 µg/l. Malgré cela, en 2005, sur les 445.000 échantillons d'analyse des nappes phréatiques prélevés dans le pays, on en comptait 20.000 qui dépassaient ce seuil.

    Une étude, parue la semaine passée dans la revue Science, estime que la pollution à l’arsenic des nappes phréatiques en Chine menace la santé de près de 20 millions de Chinois. Ce résultat se base sur l'élaboration d'un modèle de répartition de l'élément. D'après celui-ci, 6 millions de personnes consomment actuellement de l'eau contenant plus de 50 µg/l d'arsenic, et près de 15 millions de Chinois sont exposés à une eau affichant plus de 10 µg/l.

    Probabilités de dépassement du seuil de 10 µg/l d’arsenic dans les nappes phréatiques chinoises, de moins de 20 % (en bleu) à plus de 80 % en rouge. Des estimations plus précises sont difficiles à obtenir, principalement à cause du manque de moyens. © Rodríguez-Lado <em>et al.</em>,<em> Science</em>,<em> </em>2013

    Probabilités de dépassement du seuil de 10 µg/l d’arsenic dans les nappes phréatiques chinoises, de moins de 20 % (en bleu) à plus de 80 % en rouge. Des estimations plus précises sont difficiles à obtenir, principalement à cause du manque de moyens. © Rodríguez-Lado et al., Science, 2013

    Compte tenu de l'étendue de la Chine et des moyens que nécessite l'examen d'échantillons d'eau issus des captages des nappes, il faudrait encore une dizaine d'années avant d'avoir une estimation précise. Des chercheurs suisses, en collaboration avec une équipe chinoise, ont ainsi développé un modèle statistique qui évalue les zones à risque de contamination à l’arsenic à partir des données topographiques, pédologiques et géologiques existantes. Les résultats des simulations semblent jusque-là identifier correctement les zones polluées déjà reconnues par les autorités, grâce aux mesures effectuées in situ.

    Grands bassins versants contaminés à l’arsenic en Chine

    De façon plus surprenante, ce modèle a mis en évidence des zones potentiellement sensibles, qui n'avaient jusque-là pas été considérées. Sur près de 580.000 km2, les nappes phréatiques pourraient bien contenir plus de 10 µg/l d'arsenic. Les régions concernées sont la grande plaine du nord (Henan et Shandong), les bassins de l'Ejina (en Mongolie-Intérieure), du Hai He (le fleuve Blanc, qui traverse la province de Gansu, dans le nord du pays) et du Tarim, fleuve qui traverse le désertdésert du Taklamakan, à l'ouest du pays.

    Annette Johnson, impliquée dans l'étude, tempère ce résultat. « Il se peut que ce chiffre surestime les risques d'intoxication. Nous ne savons pas exactement combien de personnes ont accès à une eau traitée. » Les régions identifiées par le modèle sont des régions semi-arides où l'approvisionnement en eau dépend des nappes phréatiques.

    Ce modèle est déjà utilisé par les autorités chinoises pour identifier les zones à risque, où il faudrait analyser en priorité le contenu des nappes pour évaluer la pollution à l'arsenic. Ingérer sur le long terme les sels d'arsenic dissous dans l'eau peut engendrer des problèmes de peau, ainsi que des troubles cardiovasculaires, hépatiques et rénaux. Déterminer les risques encourus par la population est difficile en raison de la taille du pays, mais surtout de l'absence d'encadrement des puits de captage. Des milliers d'entre eux n'ont jamais été testés, et dans certains, des études déploraient la présence de 1.500 µg/l d'arsenic !