Une équipe d'étudiants français vient de remporter la médaille d'or d'un concours international d'innovations organisé par le MIT, aux États-Unis. Leur drone porte des bactéries génétiquement modifiées qui détectent des polluants atmosphériques. En volant selon une trajectoire précise, l'engin peut réaliser une cartographie en trois dimensions de la qualité de l'air à l'échelle d'une rue, d'un quartier, voire d'une ville. Futura avait rencontré des esprits inventifs.

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    Ces quatorze étudiants viennent de six écoles (Sup'Biotech, Ionis-STM, Ipsa, Epita, Epitech, e-artsup) et ont constitué une équipe pluridisciplinaire autour de Quantify, un projet franchement original : une culture de bactériesbactéries génétiquement modifiées pour réagir à la présence d'un polluant présent dans l'airair. L'idée n'a rien de farfelu : un tel engin permet de multiplier les points de mesure dans les trois dimensions, une faculté précieuse car, en ville, la pollution varie énormément d'une rue à l'autre ou d'une hauteur à une autre.

    Très abouti, leur projet a été présenté lors d'une compétition internationale baptisée iGEM (International Genetically Engineered Machine competition), organisée à Boston par le MIT (Massachusetts Institute of Technology). Résultat : une médaille d'or. L'équipe a même été nommée dans trois catégories : Best environment project, Best applied design, Best presentation. Dans son blogblog, le groupe Ionis (dont font partie ces écoles) rappelle que c'est la deuxième médaille d'or obtenue en deux participations pour ses étudiants.

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    Portées par un drone, des bactéries réagissent aux polluants de l'air

    Article initial paru le 2/5/2016 à 15:31

    Des bactéries transportées par un drone et génétiquement modifiées pour mesurer la pollution et la cartographier en 3D à l'échelle d'un quartier ou d'une ville : c'est le projet Quantifly, lancé par des étudiants du groupe Ionis. Des partenariats avec des industriels sont en train de le concrétiser et l'équipe commence à en parler.

    Il ne faut douter de rien pour avoir cette idée et commencer à la réaliser. Une équipe de quinze étudiants du groupe Ionis, près de Paris, provenant de diverses écoles, s'est formée pour réaliser un projet pour le moins complexe, au sens premier du terme, c'est-à-dire « composé de plusieurs parties ». « Nous voulions partir sur un projet lié à l'environnement et la mesure de la pollution nous a semblé un bon thème, car c'est un sujet de santé publique aujourd'hui », confie Alexandre Dollet, étudiant à STM et responsable communication de l'équipe de ce projet baptisé Quantifly.

    Côté biologie, c'est le travail d'un groupe de Sup'Biotech de trouver le moyen de modifier le génomegénome de bactéries pour leur faire détecter des polluants. « Pour l'instant, nous espérons le faire pour le benzènebenzène et le toluènetoluène - des COV (composés organiques volatilscomposés organiques volatils) - mais ce sera possible avec d'autres moléculesmolécules. En leur présence, la bactérie devient bioluminescente et sa lumièrelumière peut être mesurée ». Le système embarquésystème embarqué peut ainsi effectuer sa mesure plus rapidement que les procédés actuels. « Une amélioration de la technique, avec la microfluidiquemicrofluidique, permettra un jour de faire le travail en temps réel. »

    Le prototype de ces bactéries volantes n'existe pas encore. C'est donc un dessin schématique qui peut en montrer le principe : portées par un drone, les bactéries détectent des polluants atmosphériques courants et dangereux, les COV (ici du toluène). © Jessica Mathias, Sup'Biotech

    Le prototype de ces bactéries volantes n'existe pas encore. C'est donc un dessin schématique qui peut en montrer le principe : portées par un drone, les bactéries détectent des polluants atmosphériques courants et dangereux, les COV (ici du toluène). © Jessica Mathias, Sup'Biotech

    Mesurer la pollution plus précisément, plus finement et plus facilement

    Mais pourquoi embarquer cette installation dans un drone ? « Pour effectuer des mesures dans un large volumevolume, celui d'un quartier, voire d'une ville entière. On peut de cette manière cartographier la pollution en trois dimensions. » Et d'expliquer que la concentration de polluants peut varier beaucoup d'une rue à l'autre ou en fonction de l'altitude. Il est vrai que certains ont imaginé de faire mesurer la pollution par des pigeons... Pour cette cartographie, l'intérêt d'un drone est aussi d'obtenir un tracé précis et programmable. Bien sûr, le principe de la mesure avec des bactéries peut aussi être utilisé à l'intérieur d'un bâtiment. Selon ses initiateurs, le procédé permet un gain important en précision des mesures de polluants atmosphériques par rapport aux méthodes actuelles et offrirait un coût bien plus faible, avec une grande souplesse d'utilisation.

    Le projet, emmené par le chef de projet Clément Lapierre, semble en bonne voie. Des partenariats ont été noués avec des entreprises, qui ont fourni des moyens ou des compétences. Plusieurs groupes d'étudiants ont travaillé les différents aspects du travail, venus de l'E-artsup pour le design, de l'Epita et de l'Epitech pour l'informatique et de l'Ipsa pour l'aéronautique.

    L'équipe des bactéries volantes est prête pour le concours de l'iGEM 2016, cette compétition internationale de machines génétiquement modifiées. © Ionis-STM

    L'équipe des bactéries volantes est prête pour le concours de l'iGEM 2016, cette compétition internationale de machines génétiquement modifiées. © Ionis-STM

    Une innovation en voie de concrétisation

    « Nous avons tout validé in silico » : c'est indispensable pour présenter en octobre prochain, à Boston, aux États-Unis, ce prototype au concours iGEM International Genetically Engineered Machine competition, soit Compétition internationale de machines génétiquement modifiées), créé à l'origine par le MIT (Massachusetts Institute of Technology). Près de trois cents équipes internationales sont en compétition pour l'édition 2016 et « il faut un produit fini ». La barre est haute car les étudiants veulent faire aussi bien que l'équipe Ionis 2015, qui a remporté la médaille d'or avec une console de jeu vidéo faisant travailler de véritables bactéries.

    « Ils ont fait une étude de marché avec l'idée, à terme, d'un produit commercialisé », témoigne Valérie Pham-Trong, directrice de l'école Ionis-STM, où le cursus cumule la science et le management. « Pourquoi faudrait-il choisir entre les deux ?, plaisante-t-elle. Les business men voient les scientifiques comme des geeksgeeks et, à l'inverse, les scientifiques considèrent les hommes d'affaires comme des requins... » Elle souligne qu'il y a 80 % de scientifiques à l'entrée dans cette double voie, preuve que des amoureux de la science ont parfois envie de travailler en entreprise ou de monter leur start-upstart-up. Avec les technologies actuelles, aisément accessibles, des idées innovantes peuvent se concrétiser facilement, à l'instar du mouvementmouvement des « makers », un point sur lequel insistait le mathématicienmathématicien Cédric Villani lors d'un entretien qu'il nous avait accordé.