Au moment où s'installe le glacial « Moscou-Paris » sur l’Europe de l’Ouest, les températures en Arctique sont extraordinairement élevées. Le phénomène est de plus en plus fréquent et intense dans cette région où, pourtant, le Soleil ne se lèvera pas avant mars.

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    Une vague de froid qui traverse l'Europe et la France... il n'y a là rien d'exceptionnel. Le phénomène n'est en effet pas si rare, expliquent les météorologuesmétéorologues et les températures négatives enregistrées ces jours-ci -- dont l'effet est surtout accentué par le vent, la température ressentie -- ne devraient pas battre les précédents records, même si elles sont quelques degrés sous les normales saisonnières. Certes, certaines images sont inhabituelles comme le Colisée de Rome sous la neige, le Vésuve et Naples blanchis ou, plus près de nous, la Côte d'Azur et la Corse sous un manteaumanteau blanc... comme si tous ces sites de la douce Méditerranée avaient été pétrifiéspétrifiés par une tempête arctiquearctique. En tout cas, rien d'aussi remarquable que la « vague de chaud » qui traverse en ce moment le pôle Nord.

    Les températures en Arctique enregistrées ce mois de février 2018 sont en effet anormalement élevées pour la saisonsaison. Plusieurs fois, elles ont dépassé 0 °C, et ce durant plus de 24 heures ; le 24 février, il faisait 6 °C au cap Morris Jesup, au Groenland, où se trouve la station météo la plus au nord du monde, alors que les thermomètresthermomètres devraient plutôt afficher -25 ou -20 °C en cette période. Les écarts de température par rapport aux normales saisonnières sont très importants, d'environ 15 °C.

    Et pourtant, « c'est l'hiverhiver arctique. Le soleilsoleil s'est couché en octobre et on ne le reverra pas avant mars, a tweeté Robert Rohde, chercheur à Berkeley Earth. C'est la nuit perpétuelle, mais on est toujours au-dessus du point de congélation ». Le physicienphysicien souligne d'ailleurs dans un tweet du 26 février que cela fait « déjà 61 heures que les températures sont au-dessus du point de congélation ». Voilà qui pulvérise le précédent record de 16 heures, datant de fin avril 2011. N'est-ce pas un peu « bizarre » ? s'interroge-t-il, avec d'autres spécialistes, sur TwitterTwitter et FacebookFacebook.

    En rouge sur ce graphique, la température relevée en Arctique depuis janvier 2018. La moyenne est plus élevée que les normales saisonnières. © Zack Lave

    En rouge sur ce graphique, la température relevée en Arctique depuis janvier 2018. La moyenne est plus élevée que les normales saisonnières. © Zack Lave

    Fièvre en Arctique

    Des « coups de chaud » en Arctique, cela est déjà arrivé dans le passé mais, en moyenne, une fois par décennie. Ce qui inquiète les chercheurs, c'est que ces épisodes de fièvrefièvre sont plus fréquents et, surtout, plus longs et intenses. L'airair chaud et humide de l'Atlantique parvient à s'enfoncer de plus en plus profondément dans le cercle arctique, en raison des modifications de la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique causées par la diminution de la couche de glace dans la région.

    Affaibli, le courant-jetcourant-jet devient sinusoïdal et prend davantage des directions nord-sud. L'air plus doux n'est plus refroidi suffisamment, ce qui fragilise davantage encore la banquise arctique, qui, année après année, au cœur de l'hiver boréal, est au plus bas. « Une déstabilisation de la dynamique autour du pôle Nord pourrait entraîner des variations météorologiques extrêmes en hiver aux latitudeslatitudes moyennes nord et accélérer davantage le déclin de la glace de la mer arctique », redoute Robert Rohde.

    Sur ce graphique, figure le nombre d’heures consécutives enregistrées à la station météo la plus septentrionale du monde, où la température était supérieure à 0 °C. Avec 61 heures, février 2018 bat tous les records. Le soleil ne se lèvera pas avant mars, mais ces épisodes de chaleur en plein cœur de l’hiver boréal sont de plus en plus fréquents. © Robert Rohde

    Sur ce graphique, figure le nombre d’heures consécutives enregistrées à la station météo la plus septentrionale du monde, où la température était supérieure à 0 °C. Avec 61 heures, février 2018 bat tous les records. Le soleil ne se lèvera pas avant mars, mais ces épisodes de chaleur en plein cœur de l’hiver boréal sont de plus en plus fréquents. © Robert Rohde

    Changement climatique : un point de non-retour pour la banquise

    Peut-on y voir un symptômesymptôme du réchauffement climatiqueréchauffement climatique en cours ? Les données vont dans ce sens. Pour la NOAA (National Oceanic and Atmospheric AdministrationNational Oceanic and Atmospheric Administration), la région est aux avant-postes du changement climatique : « L'Arctique se réchauffe deux fois plus vite que n'importe quelle autre région du monde ». Dans son bulletin annuel de décembre 2017, l'agence américaine déclarait que l'Arctique « ne montre aucun signe de retour » par rapport aux décennies passées. Il semble que nous ayons franchi le point de non-retour -- on s'en approche aussi pour la limitation de la température globale à 2 °C. Nous ne reverrons plus d'aussi grandes banquisesbanquises qu'il y a quarante ans.

    C'est un problème pour le monde entier. Parmi les premières victimes de ces changements rapides, il y a l'ours polaire, devenu un emblème, qui ne trouve plus assez de nourriture pour se rassasier, faute de banquise. Conséquence globale de l'amincissement de celle-ci : moins de réverbération de la lumièrelumière solaire et, donc, un océan Arctique aux eaux plus sombres que la glace, qui absorbe plus d'énergieénergie et donc... se réchauffe plus vite. En fait, selon de nombreux scientifiques, ce n'est pas dans quarante ans que l'Arctique n'aura plus de banquise mais d'ici vingt ans seulement. La machine climatique est en train de se dérégler.


    L'Arctique est anormalement chaud !

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 31 décembre 2015

    Les températures au niveau du cercle polairecercle polaire arctique sont actuellement et temporairement plus élevées de quelques dizaines de degrés par endroits par rapport aux normales saisonnières. Certaines régions sont même montées au-dessus de 0 °C. Il n'est pas encore clair, cependant, que cette importante anomalieanomalie des températures soit une manifestation du réchauffement climatique.

    Depuis environ 48 heures, les médias bruissent d'une information qui peut paraître inquiétante. En effet, des prévisions issues des modèles météorologiquesmodèles météorologiques, et pas des modèles climatiquesmodèles climatiques utilisés par les membres du GiecGiec, laissaient entendre qu'au moins une partie du cercle polaire arctique allait connaître des températures anormalement élevées cette semaine. Il était même question pour ce jeudi de températures au-dessus du point de congélation de l'eau.

    Il ne s'agissait que de prédictions, ce qui n'a pas empêché certains d'affirmer, sans mesures réelles, que la température du pôle Nord était déjà au-dessus de quelques degrés Celsiusdegrés Celsius. Une bouée située au large du Groenland et à une latitude un peu plus basse que celle de l'archipelarchipel du Svalbard, situé dans l'océan Arctique à mi-chemin entre la Norvège et le pôle Nord, a bien mesuré le 28 décembre des températures de 0,2 et 0,7 °C. Mais ce 31 décembre, une autre bouée, plus proche du pôle Nord géographiquepôle Nord géographique, continuait à afficher des températures inférieures à - 9 °C.


    Un bilan du climat et de l'état de l'écosystème en Arctique. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK »
    © NOAAPMEL,YouTube

    Il fait tout de même froid près du pôle Nord

    L'Institut météorologique norvégien indique quant à lui sur une carte de prédictions que les températures doivent être effectivement anormalement douces et au-dessus de zéro dans la région occupée par la première bouée mentionnée plus haut. Cependant, en cliquant sur cette carte, on peut constater qu'il doit régner des températures inférieures à -25 °C tout près du pôle Nord géographique et cette tendance devrait continuer dans les prochains jours.

    En tout état de cause, il s'agit vraiment d'une anomalie importante des températures dans le cercle polaire arctique, supérieures d'au moins 20 degrés aux normales saisonnières dans certaines régions. On l'explique par la tempête qui a affecté récemment l'Atlantique nord et fait remonter des masses d'airmasses d'air chaudes. On peut y voir l'influence d'El Niño mais il est encore trop tôt pour relier cette anomalie temporaire de température au réchauffement climatique.

    L'évolution des anomalies de températures moyennes en Arctique depuis 1900 par rapport à la moyenne des années 1980-1990. On voit clairement le réchauffement climatique à l'œuvre. © NOAA

    L'évolution des anomalies de températures moyennes en Arctique depuis 1900 par rapport à la moyenne des années 1980-1990. On voit clairement le réchauffement climatique à l'œuvre. © NOAA

    Les régions arctiques seraient plus chaudes de 3 °C

    Il n'en reste pas moins que selon les spécialistes de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration, l'agence américaine responsable de l'étude de l'océan et de l'atmosphèreatmosphère), les températures moyennes en Arctique d'octobre 2014 à septembre 2015 étaient plus élevées de 3 °C par rapport à la normale. Ces températures fluctuent plus qu'ailleurs sur la TerreTerre mais elles montrent clairement un réchauffement plus élevé que celui de la Planète dans son ensemble. Les températures sur les terres émergées dans le cercle polaire arctique sont quant à elles en moyenne de 1,3 °C, ce qui est la valeur la plus élevée depuis au moins 1900.

    Pourquoi l'océan Arctique se réchauffe-t-il plus vite que le reste de la Planète ? Il y a deux raisons à cela. La première est que la diminution de la banquise, de la couverture neigeuse et de glace permet à l'océan et aux terres fermes d'absorber plus de chaleurchaleur. La seconde est que l'atmosphère étant toujours plus froide dans l'Arctique qu'aux TropiquesTropiques, elle rayonne moins d'énergie dans l'espace. Le bilan total est donc bien une boucle de rétro-action conduisant par amplification à une augmentation plus rapide et plus importante des températures.