Dans le monde entier, de plus en plus de mercure est émis dans l’atmosphère, mais c’est en Arctique que le risque de dépôt est le plus élevé. Lors d’une campagne de mesures de la Nasa, une équipe a découvert que lorsque la banquise se craquelle, le mercure atmosphérique est pompé jusqu’en surface, où des réactions chimiques favorisent son dépôt sur le sol. Constat déroutant car toute la chaîne alimentaire pourrait en subir les conséquences.

au sommaire


    C'est exactement ce type de nuages, formés juste au-dessus des zones d'eau libre dégagées lors de la fracture de la banquise, qui favorise le dépôt de mercure sur le sol. © Université d'Hambourg, Allemagne

    C'est exactement ce type de nuages, formés juste au-dessus des zones d'eau libre dégagées lors de la fracture de la banquise, qui favorise le dépôt de mercure sur le sol. © Université d'Hambourg, Allemagne

    La fracturation de la banquise arctique engendre un important dépôt de mercure sur la surface continentale et appauvrit la couche d'ozone. C'est la première fois qu'un lien entre la dynamique de la glace de mer arctique et des modifications dans la chimiechimie atmosphérique est mis en évidence. La découverte, survenue lors de la campagne Bromex de la NasaNasa en 2012, peut être alarmante. Le mercuremercure est un polluant toxique autant pour les plantes que les animaux. Si la banquise se craquelle plus souvent, en réponse au changement climatique, on peut s'attendre à plus de dépôts en surface, processus qui favoriserait l'incursion du polluant dans la chaîne alimentaire.

    Lorsque la banquise se fracture, l'eau de surface, plus chaude, entre en contact avec l'atmosphère. Cette interaction provoquerait un effet de descente de l'airair polaire engendrant des événements d'appauvrissement de mercure et d'ozone dans les basses couches atmosphériques. « Le mélange atmosphérique créé lorsque la glace de mer saisonnière s'ouvre est si fort, qu'il entraîne le mercure d'une couche supérieure de l'atmosphère vers la surface », commente Christopher Moore, impliqué dans cette étude.

    L'équipe de Christropher Moore étudie l'évolution de la chimie atmosphérique dans les écosystèmes nordiques fragiles à l'aide de ce type d'instruments. © Desert Research Institute

    L'équipe de Christropher Moore étudie l'évolution de la chimie atmosphérique dans les écosystèmes nordiques fragiles à l'aide de ce type d'instruments. © Desert Research Institute

    Le mercure atmosphérique descend jusqu’à 400 m d’altitude

    C'était en 2012, durant la campagne Bromex de la Nasa, que l'équipe de Moore a pu observer ce phénomène pour la première fois. Le processus de dépôts de mercure résultant de certaines réactions chimiquesréactions chimiques est connu depuis longtemps, mais c'est en l'observant en Alaska que l'équipe a pu en déterminer les mécanismes. Leurs résultats, qui font l'objet d'un article dans la revue Nature, sont basés sur l'ouverture de la banquise de Barrow, en Alaska. Durant sa mission, l'équipe de Moore a mesuré une importante élévation du niveau de mercure à proximité du sol autour de Barrow, juste au moment où la banquise s'est fracturée.

    Les scientifiques ont ensuite utilisé les images satellite de l'instrument Modis de la Nasa, qu'ils ont combinées à un modèle de transport des masses d’air et aux mesures de surface. Diverses sources et procédés chimiques ont été testés pour expliquer l'augmentation des niveaux de mercure, mais in fine seul ce mécanisme de « pompage de l'air polaire » permettait d'expliquer la répartition des régions où le taux de mercure avait augmenté. Dans l'article, Moore et ses collègues estiment que le mercure descend des hautes couches, jusqu'à 400 m au dessus de la surface.

    Plus de mercure ingéré par la chaîne alimentaire marine ?

    En Arctique, la majorité du mercure dans l'atmosphère est sous forme gazeuse, dont les sources sont dans les régions plus au sud. Lorsque le gazgaz est à proximité du sol, il subit des réactions chimiques complexes qui entraînent le dépôt de l'élément sur la surface. En général, lorsque le gaz n'est plus présent dans l'atmosphère, le processus de dépôt s'arrête, mais cette nouvelle découverte remet en cause cette idée. Les zones d'eau libre, dévoilées par le craquellement de la banquise, en interagissant avec l'atmosphère, provoquent un renouvellement de l'incursion de mercure vers les basses couches atmosphériques. Ce mécanisme maintient alors les mécanismes de dépôt du mercure.

    Le mercure est émis de façon naturelle lors des éruptions volcaniques ou de l'érosion des sols, mais la forme gazeuse présente dans l'atmosphère est souvent liée à la combustioncombustion d'énergie fossileénergie fossile. Pour tous les animaux, ce composé est toxique pour le système nerveux, chez l'Homme, c'est notamment un neurotoxique puissant, pouvant provoquer des perturbations rénales ou des problèmes de fertilité. Dans l'océan, le problème est d'autant plus important en raison du processus de bioaccumulationbioaccumulation. La découverte de l'équipe de Moore peut donc être inquiétante, parce qu'en dépit de son impact sur la santé, l'émissionémission gazeuse de mercure dans l'atmosphère augmente et la banquise s'amincit, se craquelant plus facilement. Une pollution à surveiller donc...