La densité du bois au sein des anneaux de croissance des pins scandinaves fournit de nouvelles informations sur notre climat passé. Les Romains pourraient, par exemple, avoir eu plus chaud que nous durant les mois d'été. La Terre se serait également refroidie durant 2.000 ans, jusqu’à ce que l’Homme commence à libérer massivement des gaz à effet de serre. 

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    Les anneaux de croissance observables dans des coupes de troncs d’arbre (ou de grosses branches) fournissent de précieuses informations sur les différents climats du passé. En effet, leurs tailles dépendent fortement des variations saisonnières de températures, les étés chauds sont par exemple marqués par des cernes plus larges. Grâce à des analyses dendrochronologiques réalisées il y a quelques années, des chercheurs avaient démontré que notre climat avait peu changé au cours des deux derniers millénaires, avant la révolution industrielle.

    Une nouvelle étude, toujours basée sur l'analyse des cernes de bois, remet maintenant ce résultat en cause. Selon Jan Esper de la Johannes Gutenberg University (Allemagne), l'hémisphère nord aurait subi un long refroidissement durant près de 2.000 ans, approximativement à partir de l'époque romaine. Ses travaux, présentés dans la revue Nature Climate Change, ont tenu compte de la densité du bois à l'intérieur des anneaux de croissance. Par rapport aux précédentes estimations, l'Angleterre aurait pu profiter d'un climat plus chaud que prévu en été au début de notre ère, ce qui justifierait le succès de la culture des vignes au nord de ce territoire par les Romains.

    Le climat passé révélé par des carottages de pins

    Des carottages ont été réalisés par l'équipe de Jan Esper sur 537 pins sylvestres Pinus sylvestris vivants, ou sur des troncs immergés (parfois depuis plus de 1.500 ans), en Finlande et en Suède. La densité du bois au sein des cernes a ensuite été mesurée grâce à des techniques radiographiques utilisant les rayons Xrayons X.

    Reconstruction sur base de données dendrochronologiques des anomalies thermiques moyennes des mois de juin, juillet et août (JJA), depuis -138 ans avant J.-C. jusqu'à nos jours (en bleu), et par rapport à un point de référence qui correspond à la moyenne des températures des mois d'été mesurées entre 1951 et 1980 (échelle des ordonnées). Le trait noir représente l'évolution moyenne du climat à l'échelle de la décennie ou du centenaire. Cet ajustement met en évidence les périodes chaudes et froides. La ligne en pointillés rouges présente la tendance au refroidissement de l'hémisphère nord, en été, durant les 2.000 ans qui ont précédé la révolution industrielle. © Esper <em>et al.</em> 2012, <em>Nature Climate Change</em>, Adaptation Futura-Sciences

    Reconstruction sur base de données dendrochronologiques des anomalies thermiques moyennes des mois de juin, juillet et août (JJA), depuis -138 ans avant J.-C. jusqu'à nos jours (en bleu), et par rapport à un point de référence qui correspond à la moyenne des températures des mois d'été mesurées entre 1951 et 1980 (échelle des ordonnées). Le trait noir représente l'évolution moyenne du climat à l'échelle de la décennie ou du centenaire. Cet ajustement met en évidence les périodes chaudes et froides. La ligne en pointillés rouges présente la tendance au refroidissement de l'hémisphère nord, en été, durant les 2.000 ans qui ont précédé la révolution industrielle. © Esper et al. 2012, Nature Climate Change, Adaptation Futura-Sciences

    La reconstitution des températures d'été (entre juin et août) a mis en évidence une succession de périodes chaudes (époques romaine et médiévale) et froides (aux VIe et XIVe siècle). Le climat aurait donc davantage varié dans le passé par rapport aux prédictions, établies notamment par Michael Mann de la Pennsylvania State University qui a produit le célèbre graphique de la crosse de hockey. Entre les années 21 et 50 après J.-C., la température d'été moyenne de la Scandinavie devait être supérieure de 1,05 °C par rapport à celle mesurée entre 1951 et 1980. Cette différence s'élèverait même à 2 °C si l'on compare l'époque romaine, la plus chaude au cours de ces deux derniers millénaires, avec les années 1451 à 1480.

    L’Homme aurait bien retardé la prochaine glaciation

    Une tendance au refroidissement de la planète depuis le début de notre ère avait déjà été soulignée par des chercheurs, essentiellement par Darrell Kaufman, en 2009, qui a analysé l'airair emprisonné au cours du temps dans les glaces de l’Arctique. Selon lui, la température de la TerreTerre diminuait de 0,21 °C par millénaire depuis 2.000 ans avant que la révolution industrielle ne survienne. Jan Esper a confirmé cette tendance, mais le chiffre qu'il avance est beaucoup plus important : 0,31 °C par millénaire. Ce refroidissement général serait attribué à des modifications du taux d'ensoleillement de l'hémisphère nord (environ -6 W/m² depuis le début de notre ère) et donc à des modifications connues de différents paramètres astronomiques, dits de Milankovitch, de notre planète (son obliquitéobliquité, son excentricitéexcentricité et sa précessionprécession). Selon l'auteur, les autres facteurs de forçage ne peuvent en effet pas expliquer l'amplitude des variations observées.

    Cette étude conforte également une autre hypothèse. Les émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre d'origine anthropique, massives depuis le début de l'ère industrielle, pourraient avoir interrompu l'arrivée de la prochaine ère glaciaire en mettant fin au refroidissement de la moitié nord de la planète. L'Homme aurait donc bien retardé la prochaine glaciation. Cette interprétation serait cependant remise en cause par plusieurs scientifiques qui rappellent que les mesures ont été prises à de hautes latitudeslatitudes et qu'elles ne concernent que les températures estivales. Certaines interprétations auraient pu, selon eux, être exagérées.