Les physiciens du National Institute of Standards and Technology (NIST) ont réussi à créer une variante de la célèbre expérience de Young avec des photons. Ils ont pour cela employé des atomes froids de rubidium piégés dans un réseau optique modulable. Bien que des figures d’interférences avec des atomes, et même des molécules de fullerènes comportant des dizaines d’atomes, aient déjà été observées, l’expérience comporte quelques variantes originales. Les chercheurs pensent pouvoir effectuer des calculs quantiques avec les atomes neutres manipulés dans le réseau optique et ainsi explorer des voies menant vers des ordinateurs quantiques.

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    Figures d'interférences obtenues avec un interféromètre atomique et des atomes ultra-froids.<br />Crédit : NIST.

    Figures d'interférences obtenues avec un interféromètre atomique et des atomes ultra-froids.
    Crédit : NIST.

    Dans la forme exacte de la mécanique ondulatoire de De Broglie, celle de Schrödinger, il n'y a pas à proprement parler d'ondes de matière dans l'espace-temps mais plutôt dans l'espace de phase d'un système mécanique. Rappelons que l'espace de phase d'un système de N particules est un espace à 6N dimensions, 3N pour les positions et 3N pour les quantités de mouvement. C'est dans cet espace qu'existe une onde se propageant et dont l'amplitude élevée au carré donne la probabilité d'observer des particules avec une position donnée. Cette considération est déjà suffisante pour se rendre compte à quel point la description des mouvements des particules dans l'espace et le temps en mécanique quantique est beaucoup plus subtil et indirecte qu'en mécanique classique.

    On peut effectuer des changements de coordonnées dans cet espace et faire apparaître celles du centre de massemasse d'un essaim de particules, par exemple celui des nucléonsnucléons et électronsélectrons d'un atomeatome. Il y aura donc une fonction d'onde associée au mouvement du centre de masse d'un atome ou d'une moléculemolécule, donc d'un point abstrait, et l'on pourra faire des expériences de diffractionsdiffractions et d'interférencesinterférences avec eux. C'est bien ce qui se passe, comme l'ont montré dès 1932 Stern et ses collaborateurs en produisant des interférences avec des faisceaux de molécules d'hydrogènehydrogène et des atomes d'héliumhélium.

    Dans l'expérience réalisée par les chercheurs du NISTNIST, on commence par réaliser un réseau optique à partir de plusieurs faisceaux laserlaser dans le domaine infra-rouge. Cela crée dans l'espace une zone où des atomes de rubidiumrubidium peuvent être piégés et quasiment immobilisés. Cela ressemble à un réseau cristallinréseau cristallin possédant des sites et, si l'on représente ce qui se passe en terme d'énergie potentielleénergie potentielle, on voit une série périodique de puits formant la géométrie d'un carton à œufs.

    20 000 atomes de rubidium ont alors été piégés sur les niveaux d'énergie de chaque puits de potentiel, initialement un par puits. Comme ces réseaux optiques sont pilotables par l'intermédiaire des trois paires de laser, on peut faire varier les caractéristiques du réseau comme dédoubler les puits de potentiel. Chacun des atomes de ces puits se retrouve alors dans une superposition quantique de positions, celles des deux nouveaux puits ayant bifurqué à partir de chacun des puits de l'ancien réseau optique. La situation est alors similaire à ce qui se passe dans l'expérience des trous d’Young où un photonphoton passe sous forme d'onde à travers deux fentes dans un état de superposition quantique entre les deux trajectoires possibles à travers les fentes.

    L'autre nouveauté, introduite par les chercheurs, a été de mettre initialement deux atomes par site avant la division. Il apparaît alors après division une superposition quantique de trois possibilités, un atome dans chaque site ou deux atomes dans l'un ou l'autre des nouveaux sites. Dans le cas de deux atomes dans un seul site, ceux-ci sont en interaction et au final il apparaît des modifications de la figure d'interférence que l'on peut obtenir en libérant les atomes du réseau et en les recueillant sur un détecteur. Cela permet aux chercheurs de vérifier leurs prédictions sur le nombre et l'état des atomes dans le réseau optique. C'est une étape importante pour voir si l'on peut faire et surtout contrôler des calculs quantiques avec de tels réseaux d'atomes piégés. Là se trouve peut être une clé pour de futurs ordinateurs quantiquesordinateurs quantiques performants.