Lorsqu’une plante carnivore peu habile à la capture des insectes rencontre une chauve-souris à la recherche d’un abri, cela donne naissance à une relation interespèce originale, où chacun y trouve son compte.

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    La chauve-souris Kerivoula hardwickii hardwickii trouve refuge dans la feuille conique de la plante carnivore Nepenthes rafflesiana elongata. © Holger Bohn

    La chauve-souris Kerivoula hardwickii hardwickii trouve refuge dans la feuille conique de la plante carnivore Nepenthes rafflesiana elongata. © Holger Bohn

    Lorsqu'on n'est pas doué pour quelque chose, le mieux est d'être inventif pour parvenir aux mêmes fins, à l'aide d'une stratégie différente. Une plante carnivore l'a bien compris. Alors qu'elle semble beaucoup moins à l'aise que ses congénères pour capturer des insectes, elle a mis au point un stratagème qui lui permet de se nourrir, tout en donnant refuge à un petit animal !

    Les plantes carnivores du genre Nepenthes poussent sur des sols pauvres en nutrimentsnutriments, et ont donc besoin d'un apport nutritif complémentaire. Elles capturent habituellement des arthropodes, le plus souvent des insectes qui s'approchent, attirés par les moléculesmolécules odorantes émises par la plante. La forme de cônecône des feuilles constitue un récipient dans lequel la proie est prise au piège et le fluide présent à la base du cône se chargera ensuite de digérer l'insecte.

    Les biologistes de l'université de Brunéi Darussalam ont découvert qu'une plante carnivore, Nepenthes rafflesiana elongata, est bien différente. Tout d'abord, d'un point de vue morphologique, la plante possède des feuilles qui sont jusqu'à quatre fois plus longues que les espèces voisines. De plus, cette plante carnivore particulière ne produit que peu de molécules odorantes perceptibles par l'Homme et capture environ sept fois moins d'insectes.

    Des chauves-souris bichonnées

    Pour survivre, elle a décidé de s'attaquer à beaucoup plus gros : une chauve-souris (Kerivoula hardwickii hardwickii). Les chercheurs ont remarqué, grâce à une expédition de six semaines dans les forêts équatoriales de l'île de Bornéo, que parmi les 223 plantes surveillées, 29 % contenaient une chauve-souris à un moment donné. Mâle ou femelle, les mammifères volants se laissent apparemment facilement prendre au piège.

    Le scientifique Ulmar Grafe sur son lieu de travail, au <em>Kuala Belalong Field Centre</em> de Brunei Darussalam. © Ulmar Grafe

    Le scientifique Ulmar Grafe sur son lieu de travail, au Kuala Belalong Field Centre de Brunei Darussalam. © Ulmar Grafe

    Selon les auteurs de l'article paru dans la revue Biology Letters, « c'est un cas unique de mutualisme animal-plante dans lequel les nutriments sont apportés par l'animal et non l'inverse ». Car en réalité, la chauve-sourischauve-souris ne se fait pas dévorer toute entière par la plante. Les feuilles coniques confèrent une protection au mammifère, qui n'est pas du tout en train d'agoniser dans les feuilles mais simplement... de se reposer, confortablement à l'abri des prédateurs, de la pluie et du soleilsoleil. De plus, les feuilles sont suffisamment grandes pour accueillir une mère et son petit, mais assez étroites pour que l'animal n'ait pas besoin de se cramponner à la paroi.

    Une relation interespèce unique

    Le fluide situé au fond de la feuille, destiné à digérer les insectes, est de plus moins abondant dans les feuilles aériennes (où sont retrouvées les chauves-souris) que dans les feuilles dites terrestres. L'adaptation morphologique est donc doublée d'une adaptation physiologique pour le confort du mammifère.

    La chauve-souris y trouve donc son compte, mais qu'en est-il de la plante ? Les scientifiques ont montré que si la chauve-souris ne constitue pas le repas de la plante, elle y participe. En effet, les fècesfèces de la chauve-souris, excrétés dans la feuille, sont récupérés et digérés par la plante carnivore. D'après les estimations, ce repas conférerait 33,8 % de l'azoteazote foliaire total, soit un apport nutritionnel non négligeable. « Cette relation mutualisterelation mutualiste semble être restreinte à Bornéo, et n'implique qu'une sous-espècesous-espèce particulière de K. hardwickii, et une variété de N. rafflesiana. »