Certains primates, au même titre que les Hommes, communiquent entre eux à l’aide de langages spécifiques à la région dans laquelle ils vivent. Les gibbons auraient donc un « accent » particulier suivant la zone de la forêt tropicale habitée !

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    Le gibbon est un petit primate vivant dans les forêts tropicales asiatiques. © Stuutjs, Flickr, CC by-nc 2.0

    Le gibbon est un petit primate vivant dans les forêts tropicales asiatiques. © Stuutjs, Flickr, CC by-nc 2.0

    Les rats, qui ne parlent ni ne comprennent le sens des mots prononcés par un humain, sont néanmoins capables de distinguer les différences d'intonations entre un Hollandais et un Japonais. Les Hommes ne sont donc définitivement pas les seuls animaux à utiliser ou comprendre des différences, plus ou moins subtiles, de langage. Mais qu'en est-il des autres animaux ?

    Les gibbons, un ensemble d'espèces de petits primates hominoïdes, peuvent effectuer des vocalises impressionnantes, ressemblant à celles des oiseaux et qui les distinguent des autres primates. Au cours du chant, l'énergieénergie est concentrée dans des syllabes à une seule bande de fréquence, une adaptation qui leur permet une transmission à longue distance du son dans les forêts tropicales. La fonction de ce chant, qui n'est pas très bien déterminée, serait probablement d'aider les gibbons à marquer leur territoire ou à s'accoupler.

    Le singe qui chante comme un oiseau

    Les scientifiques suspectaient que chaque espèce de gibbon utilisait son propre cri, mais la structure acoustique du chant n'avait jamais pu être clairement corrélée à la taxonomietaxonomie (l'appartenance de l'animal à une espèce ou à une sous-espècesous-espèce). La difficulté était d'autant plus élevée que les chants varient parfois selon les individus d'une même espèce, et parfois selon un même individu, laissant incertain le lien entre la phylogéniephylogénie et l'acoustique.


    Le chant des gibbons est un moment magique. © alwarren78, Youtube

    Quand l'acoustique rejoint la phylogénie

    Pour en avoir le cœur net, des scientifiques du German Primate Centre à Goettingen (Allemagne) ont suivi dans leur milieu naturel (Vietnam, Cambodge et Laos) six des sept espèces de gibbons appartenant au genre Nomascus. Les cris de ces primates, surnommés « gibbons à crête » à cause de la crête érigée des mâles, ont été enregistrés et analysés sur la base de 53 paramètres acoustiques, grâce à un spectrogramme permettant l'analyse des fréquences sonores en fonction du temps. Parallèlement, des analyses de l'ADN mitochondrialADN mitochondrial (la séquence du cytochromecytochrome b) ont été réalisées pour déterminer génétiquement leurs relations évolutives.

    Il aura fallu suivre 24 populations de gibbons, 92 groupes, soit 400 individus, pour parvenir à conclure de façon claire... que les gibbons ont des accents régionaux ! Les six espèces peuvent donc être différenciées uniquement sur la base de leurs chants, mais la subtilité des variations n'a pas facilité le travail des scientifiques, qui ont dû effectuer une analyse acoustique très fine.

    Des accents régionaux

    Pour simplifier, on peut dire que les deux espèces de gibbon les plus septentrionales (N. nasutus et N. concolor) ne parlent pas le même « langage » (car ils chantent de façon différente et reconnaissable) alors que les quatre espèces habitant plus au sud (N. leucogenys, N. siki, N. annamensis et N. gabriellae) partagent un « dialecte », mais utilisent des « accents » différents (les structures de chant sont très similaires).

    En plus des différences acoustiques observées de façon interespèce, une corrélation a pu être établie avec la localisation géographique des populations. Autrement dit, plus les gibbons vivent proches les uns des autres, plus leur « accent » est similaire. D'après ces résultats parus dans la revue BMC Evolutionary Biology, les gibbons ont donc, comme les Hommes, un accent relatif à la région dans laquelle ils vivent.