L’appareil photo Lytro est « plénoptique » : il saisit les images en profondeur et avec lui, on fait la mise au point… après, lorsqu’on regarde la photo. Le principe théorique est ancien et Adobe et Raytrix ont déjà présenté des modèles. Mais c’est la première fois qu’il se concrétise dans un minuscule appareil grand public. Issu de recherches à l’université Stanford, il tient dans la poche et ringardise les appareils actuels…

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    Le petit appareil photo que vient de présenter la start-up américaine Lytro ne ressemble à rien de connu. Ce boîtier de section carrée en aluminiumaluminium anodisé (41 x 41 x 112 mm, 214 g), qui évoque plutôt un gros paquet de chewing-gums, ne comporte pas tous les réglages habituels.

    Avec lui, on ne se préoccupe ni de mise au point ni d'ouverture de focalefocale ni de mode de prise de vue. On vise avec le petit écran LCDécran LCD de 3,3 cm de diagonale, on choisit la puissance du zoom (8x) et... clic-clac.

    Un objectif ouvrant à f2, un zoom 8x, un déclencheur, un petit écran à l'arrière, une coque en aluminium coloré : l'aspect du Lytro n'est pas conventionnel. Le cœur de l'appareil non plus. © Lytro

    Un objectif ouvrant à f2, un zoom 8x, un déclencheur, un petit écran à l'arrière, une coque en aluminium coloré : l'aspect du Lytro n'est pas conventionnel. Le cœur de l'appareil non plus. © Lytro

    Une image à reconstituer par logiciel

    Tout se passe ensuite sur ordinateur : l'image apparaît avec, comme d'habitude, un plan net et les autres plans flous. Mais en cliquant sur différents endroits, la zone cliquée devient nette, comme si la mise au point se faisait à ce moment-là. Par exemple, le personnage central devient flou tandis qu'apparaît nettement le murmur derrière lui. Les photographiesphotographies montrées sur le site de Lytro permettent de bien comprendre l'effet, illustré ici par des images capturées sur trois plans de la même photo (issue du site de Lytro).

    L'effet est saisissant et l'appareil n'est pas un prototype : il sera mis en vente l'an prochain aux États-Unis, en 8 ou 16 Go, enregistrant respectivement 350 et 750 images, aux prix, respectifs, de 400 et 500 dollars (290 et 360 euros environ). Le logiciel, actuellement sous MacOs, sera d'ici là adapté à Windows et permettra en outre de profiter des capacités d'un écran 3D.

    <br /><br />Trois images mais une seule prise de vue ! Sur celle du haut, l'otarie du premier plan est nette. Un clic sur l'otarie du milieu déclenche la mise au point sur elle et on peut aller jusqu'à rendre nette la maison de l'autre côté de la baie. © Jason Bradley/Lytro



    Trois images mais une seule prise de vue ! Sur celle du haut, l'otarie du premier plan est nette. Un clic sur l'otarie du milieu déclenche la mise au point sur elle et on peut aller jusqu'à rendre nette la maison de l'autre côté de la baie. © Jason Bradley/Lytro

    La plénoptique, une vieille idée

    Comment fonctionne-t-il ? Le principe consiste à enregistrer plusieurs images, grâce à un réseau de microlentilles installé entre l'objectif et le capteurcapteur. Ce dispositif capte la lumièrelumière de multiples directions et forme une image en mosaïque. Le capteur enregistre ainsi une succession d'images, comme si elles avaient été prises sous des angles différents. Un même point de la scène photographié correspond à autant de pixels qu'il y a de microlentilles. Un logiciel doit ensuite retrouver tous ces pixels pour former une image et il le fera différemment selon la zone cliquée par la personne devant l'écran.

    L'idée n'est pas neuve et repose même sur des travaux anciens. Elle s'est trouvé un nom : le procédé plénoptique. En 2007, Adobe avait déjà montré un prototype d'appareil plénoptique et l'entreprise allemande Raytrix propose une gamme à vocation professionnelle. Aux États-Unis, un jeune chercheur de la Stanford UniversityRen Ng s'est intéressé au sujet et a publié une thèse intitulée Digital Light Field Photographie, soit Photographie numériquenumérique plénoptique.

    Il est aujourd'hui à la tête de Lytro, l'entreprise qui veut proposer ce procédé au grand public. Cet étrange appareil diffère tout de même d'un modèle classique et ne va pas sans inconvénients. Lorsqu'il s'agit de visionner une photographie, il faut disposer du logiciel. Pour l'imprimer ou l'installer sur le cadre de mamie, il faudra choisir un plan et produire une image JPeg.

    Trois étapes du calcul de « démosaïquisation », illustrées dans la thèse de Ren Ng, alors chercheur à l'université Stanford. On comprend que l'ordinateur doit piocher dans chaque petite image, chacune formée par une des microlentilles du réseau installé entre l'objectif et le capteur. © Ren Ng

    Trois étapes du calcul de « démosaïquisation », illustrées dans la thèse de Ren Ng, alors chercheur à l'université Stanford. On comprend que l'ordinateur doit piocher dans chaque petite image, chacune formée par une des microlentilles du réseau installé entre l'objectif et le capteur. © Ren Ng

    Sans doute pas un concurrent des appareils classiques

    La résolutionrésolution des images est de qualité « HD », donc sans doute 720 pixels de côté (les images sont carrées) selon les spécifications données sur le site. Lytro ne parle pas en mégapixels mais en nombre de rayons : il y en aurait 11 millions. On est donc loin de la qualité d'un appareil photo classique, ce qui est logique puisqu'un point de l'image s'inscrit sur de multiples photosites du capteur. Les informations supplémentaires sur les différentes zones de netteté se paient ainsi, par une chute de la résolution.

    Le Lytro est donc puissamment novateur mais aussi puissamment original et n'entrera pas en compétition avec les appareils traditionnels. En revanche, son intérêt est réel pour saisir sur une seule image l'intégralité d'une scène, de l'avant-plan jusqu'à l'horizon.