Une petite figurine en ivoire de 6 centimètres de haut, représentant un corps de femme dont les organes sexuels ont été significativement exagérés, vient d’être découverte dans une grotte à Hohle Fels, dans le Jura souabe, en Allemagne. Son âge, estimé à 35.000 ans minimum, prend de court les préhistoriens en reculant d’au moins dix millénaires la date d’apparition de ce type d’art.

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    La statuette, taillée dans un seul bloc d'ivoire, a été exhumée en six morceaux à 20 mètres environ de l'entrée de la grotte, et à 6 mètres sous son niveau actuel, entre le 8 et le 15 septembre 2008 par une équipe d'archéologues dirigée par Nicholas Conard, de l'Université de Tübingen. Mesurant 6 cm de haut pour 3,4 cm de large, elle représente un corps de femme dotée d'une opulente poitrine et de larges hanches. Les fesses ainsi que les parties génitales ont été disproportionnellement agrandies et détaillées presque à l'excès, une pratique qui se retrouve sur de nombreux autres modèles du genre.

    On ne connaît toutefois ni la signification ni l'utilisation exactes de ce type d'objet, pourtant très répandu dans la période du Gravettien (29 à 22.000 ans), qui a livré de nombreuses « VénusVénus », telle la Vénus de Lespugues, découverte en 1922 en Haute-Garonne et datée de 25.000 ans. Avec un âge estimé entre 35 et 40.000, la nouvelle découverte vient bouleverser tout ce que l'on connaissait de la chronologie de cette époque reculée.

    La statuette, vue sous quatre angles différents. Cliquer pour grandir. Photo : EFE/Marijan Murat / H. Jensen, Université de Tübingen

    La statuette, vue sous quatre angles différents. Cliquer pour grandir. Photo : EFE/Marijan Murat / H. Jensen, Université de Tübingen

    La caverne ayant livré les fragments de la statuette - à présent complète - a également fourni de petites figurines d'animaux, ainsi qu'une représentation assez énigmatique moitié homme-moitié lionlion. L'utilisation en est inconnue, toutefois on remarque une excroissance sur la « Vénus », trop réduite pour représenter une tête, et qui pourrait avoir servi à la porter sur un collier ou en sautoir.

    Des répercussions sur l'Histoire des arts... et de l'Homme

    L'équipe d'archéologues a appliqué la méthode de datation au radiocarbone sur des os et d'autres objets découverts sur le site à proximité de la figurine. « Sa réalisation remonte à au moins 35.000 ans mais je pense qu'elle est bien plus ancienne », avance Nicholas Conard. En effet, selon l'article paru dans la dernière livraison de la revue Nature, les fragments ont été découverts à quelques centimètres de part et d'autre d'une couche géologique correspondant à l'âge de l'arrivée des premiers humains modernes en Europe, une période connue sous le nom d'Aurignacien et remontant à 40.000 ans.

    L'archéologue João Zilhão, de l'Université de Bristol (Royaume-Uni) souligne l'importance de cette découverte, qui permet d'établir avec quasi-certitude que les humains modernes ont commencé à créer l'art dès leur arrivée en Europe, ou très peu de temps après. La synchronisation de la naissance de l'art fait actuellement l'objet de débats au sujet de la nature et des origines des divers comportements humains. Certains scientifiques pensent en effet que le développement de l'art serait l'indication d'un développement plus avancé des capacités cognitives de l'Homme moderne, une des raisons pour lesquelles il aurait progressivement supplanté le Néandertalien.

    La Vénus de Hohle Fels est aujourd'hui la plus ancienne représentation humaine connue. Une statuette de mammouth en ivoire avait aussi été mise au jour par l'Université de Tübingen dans le même site, datée de 30 à 36.000 ans.