Retrouver de l'ADN de dinosaure, est-ce possible ? En a-t-on déjà retrouvé ? Et pourrait-on l'utiliser pour recréer un dinosaure en chair et en os ? Petit tour d'horizon scientifique pour comprendre les problèmes et les solutions concernant la conservation de l'ADN au fil des millions d'années...


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    De l'ADN de dinosaure n'a encore jamais été retrouvé... et il n'y a que très peu de chance de mettre un jour la main dessus ! © DR

    De l'ADN de dinosaure n'a encore jamais été retrouvé... et il n'y a que très peu de chance de mettre un jour la main dessus ! © DR

    Depuis le film Jurassic Park, l'idée folle de recréer un dinosaure grâce à un échantillon d'ADNADN est ancrée dans l'inconscient collectif. Dans ce scénario, les scientifiques avaient retrouvé et extrait le génomegénome de l'animal à partir d'une goutte de sang retrouvée dans un moustique, lui-même pris au piège dans de la résine et retrouvé plus de 65 millions d'années plus tard, précieusement conservé par l'ambre.

    Mais en général, les paléontologuespaléontologues à la recherche de dinosaures sont plutôt habitués à retrouver des fossiles, c'est-à-dire des ossements transformés en pierre. Dans ces conditions, les tissus ne sont à priori pas préservés, et l'on peut juste en déduire la morphologiemorphologie des animaux, ce qui nous apprend néanmoins beaucoup sur leurs habitudes alimentaires probables ou encore leur façon de vivre.

    D'après les fossiles retrouvés, les scientifiques pensent que les sauropodes étaient probablement végétariens. Pourra-t-on un jour le confirmer en observant l'un d'eux en plein repas ? © Raul Martin
    D'après les fossiles retrouvés, les scientifiques pensent que les sauropodes étaient probablement végétariens. Pourra-t-on un jour le confirmer en observant l'un d'eux en plein repas ? © Raul Martin

    Toutefois, il y a quelques années, un groupe annonçait la découverte de tissus de dinosaures dans des fossiles, où des protéinesprotéines (les moléculesmolécules issues de l'expression des gènesgènes) étaient peut-être conservées et pourraient alors être exploitées. C'était il y a six ans, et depuis lors aucune nouvelle ! Les chercheurs ont probablement été trop optimistes et ont été déçus... ou au contraire, sont peut-être en train de recréer un dinosaure vivant en toute discrétion !

    Retrouver de l’ADN de dinosaure sur un fossile ?

    Sommes-nous en pleine fiction ou sera-t-il un jour possible de retrouver de l'ADN de dinosaure, et mieux, de recréer un dinosaure vivant ? Si l'idée de Steven Spielberg de retrouver ces précieuses molécules n'est pas complètement farfelue, il n'en reste pas moins que les probabilités sont plutôt très, très faibles... sauf si l'on n'est pas trop exigeant sur leur qualité !

    D'ailleurs, des paléontologues auraient déjà retrouvé des petits fragments d'ADN dans un fossile de dinosaure en 1994, selon un article paru à l'époque dans la revue Science. Cette découverte a depuis été remise en doute, certains soupçonnant l'ADN en question de n'être qu'une contaminationcontamination par un ADN étranger (humain).

    Car si de l'ADN de l’Homme de Néandertal a déjà été retrouvé sur de vieux ossements fossilisés âgés de 38.000 ans, et a même pu être analysé et séquencé, du moins en partie, l'ADN de dinosaure serait en bien trop mauvais état pour parvenir au même résultat. En effet, le temps participe à la dégradation de l'ADN, au point de ne plus en laisser de trace sur les fossiles âgés de plus de 100.000 ans.

    Retrouver de l’ADN de dinosaure dans un moustique dans l’ambre

    Et qu'en est-il de l'hypothèse de Spielberg ? Imaginons que nous retrouvions un moustique ainsi piégé dans l'ambre, serait-il facile d'en obtenir de l'ADN de dinosaure ? Il faudrait déjà que l'insecte soit une femelle, qu'il ait vécu à la période des dinosaures, et qu'il en ait piqué juste avant d'être pris au piège. Peu probable, mais pourquoi pas ?

    L'ADN du sang de dinosaure devrait ensuite être prélevé à partir des globules blancsglobules blancs, des cellules sanguines qui sont beaucoup moins nombreuses que les globules rougesglobules rouges (privés de noyau et donc d'ADN). La quantité serait donc vraiment infime ! Pourtant, de l'ADN d'un charançon fossilisé dans l'ambre depuis 120 à 135 millions d'années avait déjà été retrouvé... avant que l'on ne soupçonne là encore le fruit d'une contamination !

    Des insectes peuvent être retrouvés pris au piège dans l'ambre depuis des millions d'années. © Mila Zinkova, Wikimedia, CC by-sa 3.0
    Des insectes peuvent être retrouvés pris au piège dans l'ambre depuis des millions d'années. © Mila Zinkova, Wikimedia, CC by-sa 3.0

    ADN : une molécule fragile

    Le problème vient du fait que l'ADN, qui a beau être la molécule de l'hérédité et qui passe de génération en génération, est très fragile. D'ailleurs, même au sein des cellules vivantes, il peut subir des attaques qui l'endommagent, des cassures qui sont en général sans conséquences car l'organisme est doté d'un grand nombre d'enzymesenzymes dont le rôle est de réparer l'ADN.

    En revanche, dès que l'ADN est livré à lui-même hors d'un environnement cellulaire normal, à la mort de l'animal par exemple, les agressions chimiques ou enzymatiquesenzymatiques sont encore plus nombreuses et les réparateurs enzymatiques ne sont plus présents. Ainsi, suivant les conditions environnementales (température, pH, humidité), l'ADN peut être dégradé rapidement. Surtout dans l'estomacestomac d'un insecte, bourré d'enzymes digestivesenzymes digestives, ou sur un fossile recouvert de microorganismesmicroorganismes ! Si des nucléotidesnucléotides peuvent malgré tout être retrouvés, c'est bien la séquence des milliards de bases qui ne pourra probablement pas être déchiffrée.

    Conservation optimale

    Pour obtenir un ADN de bonne qualité, dont la séquence est lisible, il faut donc que les méthodes de conservation soient optimales, privées de chaleurchaleur (dans le pergélisol), d'humidité (l'eau hydrolyse l'ADN), à l'abri des rayons du soleilsoleil (les UVUV modifient les liaisons chimiquesliaisons chimiques). C'est d'ailleurs à de très basses températures que sont traditionnellement conservés les échantillons biologiques dans les laboratoires de recherche (-20°C voire -80°C). On peut donc espérer retrouver un dinosaure pris au piège dans la glace, à l'image des mammouths retrouvés en Sibérie et en Alaska (âgés de 20.000 et 60.000 ans), qui ont permis le séquençageséquençage du génome du gros pachyderme, mais là encore, la conservation ne sera pas parfaite.

    Pour extraire de l'ADN à partir d'échantillons fragiles, deux précautions valent mieux qu'une (et même plus que deux) ! © S.C. Schuster <em>et al.</em>/<em>Mammoth Genome Project</em>
    Pour extraire de l'ADN à partir d'échantillons fragiles, deux précautions valent mieux qu'une (et même plus que deux) ! © S.C. Schuster et al./Mammoth Genome Project

    Néanmoins, si l'on a un jour cette chance, il faudra absolument éviter toute contamination provenant d'organismes étrangers (des chercheurs, mais aussi de bactériesbactéries, de champignonschampignons...). Des mesures drastiques devront alors être prises (charlottes, gants, masques, nettoyage des surfaces, pressurisation du laboratoire...) pour être certain de ne travailler qu'avec l'ADN préhistorique et d'éviter une dégradation supplémentaire. Il faudrait ensuite utiliser les moyens modernes de séquençage (le célèbre séquenceur 454), qui sont de plus en plus efficaces, alliant rapidité et fiabilité, même à partir de faibles quantités d'ADN.

    Besoin de l’ADN complet pour recréer un dinosaure

    Dans l'optique de recréer un dinosaure vivant, l'intégralité de l'ADN de l'animal est absolument nécessaire. En effet, même si l'on retrouve des morceaux d'ADN, on ne saura pas comment les agencer les uns avec les autres pour former une séquence cohérente et surtout correcte. On se retrouverait un peu comme avec un puzzle dont toutes les pièces sont emboîtables : on peut les assembler, mais l'on ne saura jamais si c'était comme cela à l'origine... à moins de s'inspirer de l'ADN d'animaux proches dont on connaît la séquence.

    Les poules pondront peut-être un jour des œufs de dinosaure ! © James Morton, Flickr, CC by-nc-nd 2.0
    Les poules pondront peut-être un jour des œufs de dinosaure ! © James Morton, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    Mais les oiseaux ont beau être les héritiers du peuple dinosaure, il est peu probable que leur génome soit resté très similaire au cours des dernières 60 millions d'années ! Le nombre de chromosomeschromosomes et l'agencement des gènes resteront probablement un mystère pour longtemps, voire pour toujours. À moins de faire des très nombreux essais en mélangeant au hasard l'ADN aviaire avec les morceaux d'ADN de dinosaure, d'insérer l'ADN dans un œuf de poule et d'attendre qu'il en sorte quelque chose ! Le travail s'annoncerait colossal et se terminerait probablement par un échec...

    En croisant toutes ces conditions, on obtient au final une chance à peu près nulle qu'il soit un jour possible de voir éclore un joli petit dinosaure qui ferait revivre sa glorieuse lignée. Mieux vaut regarder les oiseaux qui nous entourent comme des dinosaures transformés par des dizaines de millions d'années d'évolution...