Face à la résistance de plus en plus forte des bactéries aux médicaments, les chercheurs explorent d’autres solutions. L’une d’entre elles consiste à exploiter les bactériophages, des virus qui infestent les bactéries mais pas les cellules humaines. Une piste prometteuse...

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    Les bactériophages alternent entre deux phases : le cycle lytique, durant lequel la bactérie hôte lit l'ADN ou l'ARN viral et les multiplie jusqu'à exploser, sachant que chaque nouvelle particule formée va aller infecter une autre bactérie. L'autre phase s'appelle la lysogénie : il s'agit pour le virus d'intégrer l'ADN de son hôte, de rester silencieux et de se répandre à ses descendants, avant d'entreprendre le cycle lytique et de tuer les bactéries. © Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les bactériophages alternent entre deux phases : le cycle lytique, durant lequel la bactérie hôte lit l'ADN ou l'ARN viral et les multiplie jusqu'à exploser, sachant que chaque nouvelle particule formée va aller infecter une autre bactérie. L'autre phase s'appelle la lysogénie : il s'agit pour le virus d'intégrer l'ADN de son hôte, de rester silencieux et de se répandre à ses descendants, avant d'entreprendre le cycle lytique et de tuer les bactéries. © Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    L'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé semble très inquiète. La résistance aux médicaments devient croissante, et la nécessité de proposer des nouvelles solutions thérapeutiques de plus en plus urgente. Et si les antibiotiques étaient remplacés par des virus ?

    L'idée ne date pas d'hier. En 1915, des chercheurs avaient découvert la présence de tueurs de bactéries, qu'on a appelé bactériophages. Ces virus ont alors été étudiés dans le but de lutter contre certaines maladies. Des difficultés dans la compréhension de leur mode d'action et l'avènement des antibiotiques ont eu raison d'eux. On s'en est un peu désintéressé en ce qui concerne la santé humaine.

    Mais la roue a peut-être tourné. Les antibiotiques actuellement sur le marché commencent à montrer leurs limites, et ces virus ubiquistes (que l'on trouve dans tous les environnements) se présentent comme des candidats potentiellement intéressants. C'est du moins l'idée qu'a défendue David Harper, scientifique dans la firme britannique AmpliPhi Bioscience, lors de la conférence de printemps de la Société pour la microbiologie générale, qui se tenait à Dublin.

    Sur cette image on peut voir la bactérie <em>Mycobacterium tuberculosis</em>, à l'origine de la tuberculose, grossie 15.549 fois au microscope électronique à balayage. Certaines souches sont devenues résistantes à plusieurs antibiotiques, ce qui alarme sérieusement la communauté scientifique. Deviendront-elles résistantes aux bactériophages ? © Janice Haney Carr, <em>Centers for Disease Control and Prevention</em>, DP

    Sur cette image on peut voir la bactérie Mycobacterium tuberculosis, à l'origine de la tuberculose, grossie 15.549 fois au microscope électronique à balayage. Certaines souches sont devenues résistantes à plusieurs antibiotiques, ce qui alarme sérieusement la communauté scientifique. Deviendront-elles résistantes aux bactériophages ? © Janice Haney Carr, Centers for Disease Control and Prevention, DP

    Des thérapies à base de bactériophages déjà efficaces

    Lors de son intervention, il a rappelé que chaque bactériophage est très spécifique à un certain type de bactéries. De plus, il lui faut absolument le bon hôte pour se multiplier et entamer son cycle lytique, celui qui aboutit à la mort de l'unicellulaire. Cependant, plus la quantité de proies est importante, plus la croissance virale est rapide. En conséquence, la mortalité des bactéries grimpe aussi en flèche.

    Les bactériophages se posent donc en bon candidats pour lutter contre certaines maladies d'origine bactérienne, notamment des infections chroniques au niveau des oreilles, des poumonspoumons, ou consécutives à une blessure. Dans ces différents cas, David Harper précise qu'une petite dose de virus - il parle d'un nanogramme - appliquée sur le lieu de l'infection avec un spray ou une crème pourrait bien suffire à combattre et éliminer les bactéries pathogènespathogènes là où la médecine actuelle commence à connaître des difficultés.

    Pour l'heure, des essais cliniques sont en cours. En 2005, une première phase avait montré l'absence de danger pour la santé humaine. En 2009, l'efficacité de la thérapiethérapie a pu être attestée. Désormais, David Harper et son équipe se concentrent sur les pathologiespathologies contre lesquelles les traitements antibactériens ne suffisent plus, de manière à éviter que nous nous trouvions dépourvus quand la super-résistance systématique sera venue...