C'est une sorte de médecine écologique qu'imagine Stuart West, un biologiste britannique, basée sur l'utilisation machiavélique de bactéries refusant d'œuvrer pour la collectivité. Volontairement introduites chez un patient, elles pourraient perturber l'écosystème bactérien pathogène responsable de la maladie.

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    Quelques individus de Pseudomonas aeruginosa. Avant de passer à l'attaque, ils sauront attendre des renforts... © Pseudomonas.com

    Quelques individus de Pseudomonas aeruginosa. Avant de passer à l'attaque, ils sauront attendre des renforts... © Pseudomonas.com

    On sait que les bactéries prospèrent sous la forme de colonies et que les relations que les individus entretiennent entre eux sont très importantes. Mais on connaît très mal ce système de communication. L'un d'entre eux a déjà retenu l'attention des chercheurs, en médecine et en biologie. Appelé détection du quorum ou QS, pour quorum sensing en anglais, il donne à chaque bactérie une indication sur la densité de population d'individus, de sa propre espèceespèce ou d'autres.

    Ce mécanisme semble jouer un rôle dans la virulence. Le métabolisme d'une bactérie est manifestement modifié par la présence de ses congénères dans les parages. Elle entame alors, en quelque sorte, une collaboration, œuvrant pour la collectivité autant que pour elle-même. Dans le cas de bactéries pathogènes, la population devient ainsi plus virulente qu'une collection d'individus isolés. En 2004, Antoine Andremont (Laboratoire de bactériologie du Groupe hospitalier Bichat-Claude Bernar) et son collègue Raymond Ruimy, après un travail sur Pseudomonas aeruginosa, une bactérie opportuniste responsable de plusieurs infections nosocomiales, concluaient : « la connaissance des mécanismes moléculaires du QS offrent l'opportunité de développer de nouvelles cibles thérapeutiques dont l'objectif consistera à atténuer la virulence des souches au cours de l'infection ».

    Spécialiste de cette question, Stuart West, qui travaille à l'université d'Edimbourg, vient de présenter l'esquisse de cette voie thérapeutique nouvelle tirant parti de l'écologieécologie bactérienne, lors d'une conférence de la Royal Society à Londres. Les résultats de son équipe feront l'objet d'une prochaine publication dans la revue Current Biology et ont été partiellement diffusés par le site en ligne de Nature.

    Des individus asociaux pour semer la zizanie

    Dans un précédent travail (voir les liens à la fin de l'article), Stuart West avait montré qu'au sein de colonies en culture de Pseudomonas aeruginosa (dans la ligne de mire de la recherche biomédicale), certains individus refusent le jeu collaboratif. Ils détectent grâce au système QS la présence d'autres bactéries mais n'émettent eux-mêmes aucun signal, de manière à vivre incognito. La conséquence est un désordre grandissant dans la colonie. Même s'ils sont très mal compris, les mécanismes mis en évidence ont donné l'idée de les exploiter pour semer la pagaille parmi des colonies de bactéries pathogènes responsables d'une infection.

    C'est une nouvelle expérience sur la même bactérie, mais cette fois in vivoin vivo, qu'a rapportée Stuart West devant la Royal Society. Des souris infectées avec des Pseudomonas aeruginosa collaborant grâce au système QS meurent rapidement des suites de l'infection. En revanche, des bactéries de la même espèce mais n'émettant aucun signal QS ne provoquent qu'une mortalité relative. Mieux, chez des souris infectées avec un mélange des deux types de bactéries, le taux de mortalité est identique à celui généré par les seules bactéries « asociales ».

    Il y aurait donc bien lieu d'espérer, à terme, des traitements d'un nouveau genre, qui viendraient compléter voire prendre la succession des antibiotiquesantibiotiques, contre lesquels, on le sait, les bactéries pathogènes savent organiser la résistancerésistance...