La forte conductivité du manteau supérieur était une énigme pour les géophysiciens et les géochimistes. Une explication plausible vient d’être trouvée par un groupe de chercheurs de l'Institut des Sciences de la Terre d'Orléans et de l’Université de Palerme. Le manteau contiendrait des carbonates liquides, fortement conducteurs, ressemblant à ceux que l’on observe sur le célèbre volcan africain, l’Oldoinyo Lengaï. Les huit dixièmes du carbone craché par les volcans y serait piégé...

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    Les carbonatites fluides du Lengaï. Crédit : Patrice Visieloff

    Les carbonatites fluides du Lengaï. Crédit : Patrice Visieloff

    Le manteaumanteau supérieur de la Terre est composé pour l'essentiel de péridotites, des roches riches en olivine, amphibole et pyroxènes. L'olivine est un très bon isolant et on devrait donc s'attendre à ce qu'il n'y ait pas de courants électriquescourants électriques naturels dans le manteau. Or, ce n'est pas ce qu'on mesure indirectement depuis une trentaine d'années pour des profondeurs situées entre 70 et 350 km.

    La composition minéralogique et chimique du manteau supérieur doit donc être subtilement différente de celle déduite des observations de la propagation des ondes sismiquesondes sismiques à l'intérieur du manteau ainsi que des échantillons de péridotites que l'on retrouve sous forme de nodules dans les laveslaves crachées par certains volcansvolcans.

    Les laves de l'Oldenyo Lengaï. Crédit : Patrice Visieloff

    Les laves de l'Oldenyo Lengaï. Crédit : Patrice Visieloff

    Une hypothèse avancée depuis un certain temps est que d'importantes quantités de carbonecarbone se seraient accumulées dans le manteau supérieur depuis des milliards d'années. Oui mais sous quelles formes ? (On sait bien par exemple qu'il y a des diamantsdiamants à l'intérieur de la Terre.) Une autre question se posait aussi, même en admettant la présence de cette quantité de carbone, serait-elle dans un état propre à doter le manteau de la conductivitéconductivité observée ?

    Il existe un volcan presque aussi célèbre et magique que le lac de lave de l’Erta ale en Ethiopie. Il s'agit de l'Oldoinyo Lengaï en Tanzanie. Ce volcan est unique au monde car il est le seul en activité connu pour cracher des carbonates liquidesliquides. Ces laves constituent des carbonatites très fluides d'une température dépassant les 600 °C environ, d'aspect noirâtre à leur sortie. On peut s'en approcher sans s'équiper d'une combinaison protectrice contre le rayonnement thermiquerayonnement thermique et, une fois refroidies au contact de l'humidité de l'airhumidité de l'air, elles prennent en quelques heures une couleurcouleur blanchâtre.

    Cliquez pour agrandir. Les carbonatites fluides du Lengaï. Crédit : Maurice et Katia Krafft

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    Des implications pour la chimie de l'atmosphère et pour la tectonique des plaques

    Connu des géologuesgéologues depuis des dizaines d'années, ce volcan a acquis sa grande célébrité grâce à l'expédition de Maurice et Katia Krafft menée en 1988. Il est devenu depuis le passage obligé de tous les passionnés de volcanologie de la planète tout en étant encore épargné par l'afflux touristique que les volcans italiens connaissent. La formation des carbonatitescarbonatites est encore très mal comprise et de telles laves ne sont observables que dans bien peu d'endroits sur la planète. En particulier, celles du Lengaï sont en fait des natrocarbonatites riches en sodiumsodium.

    Fabrice Gaillard et ses collègues de l'Institut des Sciences de la Terre d'Orléans ont décidé de prendre le problème de la conductivité du manteau à bras-le-corps en étudiant en laboratoire la conductivité des carbonates liquides analogues à ceux du Lengaï. Les résultats obtenus et publiés dans Science sont impressionnants.

    Cliquez pour agrandir. Les carbonatites fluides du Lengaï. Crédit : Maurice et Katia Krafft

    Cliquez pour agrandir. Les carbonatites fluides du Lengaï. Crédit : Maurice et Katia Krafft

    La conductivité des carbonates liquides se révèle mille fois supérieure à celle du basaltebasalte qui, à l'état de magmamagma produit par la fusionfusion partiel du manteau, en était le seul conducteur potentiel. Une faible quantité de carbonates liquides dans le manteau supérieur suffirait donc à expliquer sa conductivité.

    Sur cette base, les chercheurs en ont conclu qu'un important réservoir de carbone devait donc bien exister dans le manteau supérieur à hauteur de 0,003 à 0,025 %. De façon intéressante, près de 80% du gaz carboniquegaz carbonique exhalé par les volcans de la planète en proviendrait. De plus, ces carbonates devraient réduire la viscositéviscosité du manteau, et donc influer sur le mouvementmouvement des plaques tectoniquesplaques tectoniques. Enfin, un lien avec la formation des diamants dans le manteau à partir des carbonates liquides se laisse même envisager.