Exploiter le méthane contenu dans les gisements d’hydrates de gaz sera-t-il bientôt possible ? Avec un premier test prévu en mars 2013 et des milliards de yens investis, le Japon s’engage dans un programme de recherche ambitieux  le long de ses côtes. Le but : une production commerciale dans les dix ans à venir.

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    Au niveau moléculaire, l'eau des clathrates forme une fine cage dans laquelle est emprisonné le gaz. À l'œil nu, ces composés ressemblent à de la neige... qui brûle. © USGS, Wikipédia, dp

    Au niveau moléculaire, l'eau des clathrates forme une fine cage dans laquelle est emprisonné le gaz. À l'œil nu, ces composés ressemblent à de la neige... qui brûle. © USGS, Wikipédia, dp

    La raréfaction des combustiblescombustibles fossiles ne pousse pas qu'aux économies. La hausse du prix de l'énergieénergie et les avancées technologiques ouvrent la porteporte à l'exploitation de gisements non conventionnels jusqu'ici inaccessibles.

    C'est le cas au Japon où, depuis la catastrophe de Fukushima, la question de la dépendance du pays à une énergie nucléaire, dont l'avenir est au minimum incertain, a pris une autre ampleur. Le Japon, pauvre en ressources énergétiques, souffre également d'une économie trop liée aux importations d'hydrocarbureshydrocarbures depuis le Moyen Orient. Trouver des sources d'énergie locales est devenu une priorité. Outre l'investissement dans le développement des énergies renouvelables, une forme particulière d'hydrocarbures a la faveur du gouvernement. Celui-ci vient en effet de s'engager à hauteur de 10 milliards de yens dans un programme visant l'exploitation commerciale des hydrates de méthane sous-marins dans les dix ans à venir.

    Les hydrates de gazgaz ou clathratesclathrates sont des composés formés à partir d'eau et de gaz dans des conditions de haute pressionpression et de basse température. Tout le long du talus continental (la pente qui relie les eaux côtières peu profondes aux abysses), la matièrematière organique qui se décompose produit, comme ailleurs, du méthane. Mais à plusieurs centaines de mètres de profondeur la pression se chiffre en dizaines de barsbars et il ne fait que quelques degrés. L'eau se combine alors avec le gaz pour former, au niveau moléculaire, une sorte de cage très fine où est enfermé le méthane. Le composé est stable à 600 mètres pour une température de 7 degrés celsiusdegrés celsius. À l'œilœil nu, la chose a l'aspect de la neige. Une neige étrange, qui s'enflammerait à la moindre étincelle car elle contient dans 1 cm3, 164 cm3 de gaz.

    En rouge, les zones susceptibles de renfermer des hydrates de méthane autour du Japon. Le test de mars 2013 aura lieu dans la portion de droite de la grande bande, au sud de l'île. © Jogmec

    En rouge, les zones susceptibles de renfermer des hydrates de méthane autour du Japon. Le test de mars 2013 aura lieu dans la portion de droite de la grande bande, au sud de l'île. © Jogmec

    Si les réserves mondiales, estimées entre 1 et 5 x 1015 m3 de gaz, sont vertigineuses, les clathrates sont un peu le serpent de mer des hydrocarbures : ils représentaient beaucoup d'espoir, mais malgré des efforts importants de recherche leur exploitation restait jusqu'ici difficile. Facilement déstabilisés par un changement de pression ou de température, ils ont d'ailleurs été suspectés d'engendrer des catastrophes et des naufrages.

    Trésor sous-marin ou boîte de Pandore ?

    Mais le Japon arrive à un tournant où des sources d'énergie locales vont lui devenir vitales. Le gouvernement a estimé qu'il était temps de mettre à profit l'expertise technologique accumulée depuis des années dans le domaine. Après avoir cartographié les gisements entre 2001 et 2008, le premier test grandeur nature d'exploitation d'un gisement d'hydrate de méthane sous-marin vient d'être programmé pour mars 2013. L'expérimentation va être conduite durant plusieurs semaines dans la zone côtière entre les provinces de Shizuoka et Wakayama, au sud-ouest de Tokyo.

    Si, pour l'indépendance énergétique et l'économie japonaises, ce programme semble une bonne nouvelle, il faut aussi compter avec quelques critiques. Tout d'abord, les clathrates peuvent être facilement déstabilisés. Une exploitation industrielle pourrait entraîner des rejets massifs de méthane dans l'atmosphère, un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le CO2. Au-delà, au moment où la planète entière s'est engagée à réduire les émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre, au moment où l'augmentation du prix des hydrocarbures incite à l'économie et à l'orientation vers des énergies plus propres, l'arrivée d'une nouvelle source de gaz n'est-elle pas un signal autorisant tous les gaspillages ?