En 1991, la loi Bataille définissait les axes de réflexion pour le stockage des déchets radioactifs à vie longue. En 2025, le site de Bure dans la Meuse devrait accueillir, à environ 500 mètres de profondeur, ces déchets hautement toxiques au sein d'une structure qui devra tenir pendant des dizaines de milliers d'années. Retour sur les origines et enjeux du projet.

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    Les déchets nucléaires à vie longue seront stockés dans les galeries du site de Bure. © Sulamith Sallman, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les déchets nucléaires à vie longue seront stockés dans les galeries du site de Bure. © Sulamith Sallman, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Il y a vingt ans, la loi Bataille (du 30 décembre 1991) a eu pour objectif d'organiser la recherche sur le traitement des déchets nucléairesdéchets nucléaires à vie longue (HAVL pour haute activité et longue duréedurée). Sept ans plus tard, le 9 décembre 1998, le site de Bure (Meuse) était officiellement choisi par le gouvernement français pour accueillir les recherches qui doivent déboucher sur un stockage géologique (à quelque 500 mètres de profondeur). Décision qui avait provoqué de nombreux mouvementsmouvements contestataires de la part des riverains et des associations écologiques.

    Les déchets radioactifs proviennent principalement des centrales nucléaires. Comme dans une centrale thermoélectrique, une source de chaleurchaleur transforme de l'eau en vapeur, qui fait tourner une turbine, produisant ainsi de l'électricité grâce à des alternateursalternateurs. La différence vient de la nature de la source de chaleur : la fissionfission d'atomesatomes instables, comme l'uraniumuranium et le plutoniumplutonium.

    Se débarrasser des produits non exploitables

    Lorsque ces atomes acquièrent un neutronneutron supplémentaire, ils deviennent encore plus instables, ce qui produit de l'énergieénergie. Ils finissent par fissionner, libérant d'autres neutrons qui serviront à exciter d'autres atomes.


    Présentation du site de stockage des déchets radioactifs de Bure. © Andra

    Les principaux déchets nucléaires sont les produits de fissions et les actinidesactinides mineurs. Les premiers sont les composés chimiques résultant du processus de fission, les seconds sont des atomes radioactifs, autres que le plutonium et l'uranium, non exploitables car non fissionnables. Une partie de ces déchets entrent dans la catégorie « haute activité et longue durée ». 

    Radioactivité de 1012 Bq/g

    Sont classés dans cette catégorie extrême, qu'on appelle également « cendres » du combustiblecombustible nucléaire, les déchets présentant une radioactivitéradioactivité d'environ 1012 Bq/g et dont la durée de vie radioactive est supérieure à mille ans. Selon l'Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifsAgence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), les déchets à haute activité ne représentent que 0,2 % de l'ensemble des déchets radioactifs français, mais ils sont responsables de 94,98 % de leur radioactivité.

    Processus de la fission nucléaire. À droite, l'encadré décrit un accident possible, la fusion du cœur, quand la température n'est plus contrôlée et monte trop haut, jusqu'à faire fondre le combustible (à ne pas confondre avec la fusion nucléaire, une autre voie pour l'énergie nucléaire, non encore exploitée). © Idé

    Processus de la fission nucléaire. À droite, l'encadré décrit un accident possible, la fusion du cœur, quand la température n'est plus contrôlée et monte trop haut, jusqu'à faire fondre le combustible (à ne pas confondre avec la fusion nucléaire, une autre voie pour l'énergie nucléaire, non encore exploitée). © Idé

    Jusqu'à présent, ils étaient temporairement stockés sur les sites de la Hague et de Marcoule, aux côtés de déchets à moyenne ou courte vie (CSFMA et CSTFA). Pour s'en débarrasser définitivement, les scientifiques ont pensé, dès les années 1960, à les enterrer dans les profondeurs de la Terre, au sein de couches de préférence imperméables et surtout, hors des zones à haute probabilité sismique.

    Avant 1997, trois sites étaient en concurrence : un dans la Haute-Vienne, un dans le Gard et celui de Bure, dans la Meuse. C'est ce dernier qui répondait davantage aux critères de sécurité : une roche peu perméable - de l'argile - n'ayant pas bougé depuis 140 millions d'années, soit 20 millions d'années après sa formation, à l'époque du Callovo-Oxfordien. Plutôt rassurant quand on veut stocker des déchets pendant environ cent mille ans.

    Cycles de composés radioactifs. Les déchets ultimes sont ceux qui ne peuvent plus être valorisés. © Nicolas Lardot, domaine public

    Cycles de composés radioactifs. Les déchets ultimes sont ceux qui ne peuvent plus être valorisés. © Nicolas Lardot, domaine public

    Un stockage pour l'éternité ?

    Cent mille ans ! C'est le temps que devra tenir cette constructionconstruction, comme toutes les autres en projet ou déjà bâties à travers le monde. En 2010, Michael Madsen réalise un film - Into Eternity - sur le projet Onkalo, l'équivalent finlandais du site de Bure. Dans la bande annonce, il rappelle qu'aucune construction humaine n'a tenu ne serait-ce qu'un dixième du temps qu'on demande à ces sites de stockage (les pyramides d'Égypte n'ont que cinq mille ans).

    Plan des galeries sous le laboratoire de Bure. © Andra

    Plan des galeries sous le laboratoire de Bure. © Andra

    Le laboratoire de Burelaboratoire de Bure, qui a été construit en 2000, est exploité par l'Andra qui effectue des tests visant à évaluer les propriétés de confinements du site et ce jusqu'à fin 2011 au moins, comme l'atteste une loi de 2006. Cette loi a également mis en place un calendrier prévoyant le début de la construction du centre de stockage en 2016 (jusqu'à présent, les travaux souterrains portent sur des galeries d'« expérimentation ») et le début du stockage à proprement parler en 2025.

    À condition que l'autorisation d'exploitation du site soit reconduite après 2011 et que le débat public prévu en 2013 (qui s'annonce particulièrement houleux entre les antinucléaire et les pro) débouche sur une issue favorable à l'Andra.

    En attendant, l'Andra propose de vous familiariser avec la radioactivité  jusqu'au 23 novembre grâce à l'exposition « La radioactivité, de Homer à Oppenheimer » (à Brienne-la-Vieille). En outre, il est possible de venir à la découverte du site de Bure qui n'a pas vraiment le vent en poupe. Difficile de redorer le blason du nucléaire en cette période post-Fukushima... Les visiteurs pourront alors se rendre dans les galeries profondes de près de 500 mètres afin de juger, par eux-mêmes, si le site de stockage représente ou non un danger pour les futures générations.