Dans son rapport de 2007, le Giec annonçait la possible disparition des glaciers de l'Himalaya en 2035. L'information était fausse, reposant sur une affirmation hasardeuse d'un scientifique, reprise ensuite par un journal. Le Giec reconnaît l'erreur. Pendant ce temps, les glaciers himalayens continuent de se rétracter...

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    Née en décembre 2009 lors d'une conférence de presse de glaciologues au congrès de l'American Geophysical Union, l'affaire fait grand bruit depuis la parution dimanche dernier d'un article dans un journal britannique, The Sunday Times. Le Giec (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat) a dû diligenter une enquête. En 2007, dans le rapport du groupe 2 du Giec (travaillant sur les risques socio-économiques liés aux changements climatiqueschangements climatiques), un paragraphe cite le cas des glaciers himalayens, affirmant que si l'augmentation des températures se poursuivait au rythme actuel, « la probabilité pour eux de disparaître en 2035 ou peut-être avant est très élevée » (« the likelihood of them disappearing by the year 2035 and perhaps sooner is very high if the Earth keeps warming at the current raterate »).

    Cette date est fantaisiste, estiment les glaciologues, qui ont d'ailleurs été surpris à l'époque par cette prédiction. Les glaciers du massif de l'Himalaya sont trop volumineux pour fondre aussi vite. Alors, d'où vient cette affirmation hardie ? Le Giec vient de l'expliquer. La source indiquée est un rapport du WWF datant de 2005, lequel avait repris l'information d'un magazine international, New Scientist. Ce journal n'est pas une revue scientifique à comité de lecture mais plutôt l'équivalent d'un Science&Avenir ou d'un Science&Vie. L'auteur de l'article avait cité un chercheur indien, Syed Hasnain. Celui-ci réagit aujourd'hui en expliquant que le Giec ne l'a jamais consulté.

    La personne ayant supervisé l'article du rapport 2007, Murari Lal, admet ne pas être un spécialiste du sujet et n'avoir pas vu l'erreur. Une autre date a été exhumée et fait penser à une grossière erreur, voire une coquillecoquille. En 1996, un rapport de Vladimir Kotlyakov, commandé par l'Unesco, faisait état d'une possible disparition de tous les glaciers des basses latitudeslatitudes, donc, aussi, ceux de l'Himalaya, mais... en 2350. On y trouve en effet : « Les glaciers hors des régions polaires décroîtront rapidement, à des taux catastrophiques et leur surface totale diminuera de 500.000 à 100.000 kilomètres carrés en 2350 » (« The extrapolar glaciationglaciation of the Earth will be decaying at rapid, catastrophic rates -- its total area will shrink from 500,000 to 100,000 km² by the year 2350 »). Or, ces chiffres indiquant la réduction de la surface globale sont bien ceux cités dans le rapport du Giec.

    Et pourtant ils fondent...

    Quoi qu'il en soit, le Giec reconnaît aujourd'hui l'erreur. Les glaciers himalayens seront toujours là en 2035. Dans un communiqué qui vient d'être publié, le Giec admet que « les procédures n'ont pas été appliquées correctement ». L'affaire est reprise à l'envi par les climatosceptiques, qui y voient un manque de crédibilité du travail de ces experts.

    On remarque cependant que cette annonce de la disparition des glaciers de l'Himalaya en 2035 n'existe que dans le rapport du groupe de travail 2 (ou G2, ou WG II), chargé non pas du bilan des recherches scientifiques sur le climat mais de l'étude sur la « vulnérabilité des systèmes socio-économiques et naturels aux changements climatiques » et sur les « conséquences de ces changements et les possibilités d'adaptation ». En revanche, la disparition des glaciers himalayens n'apparaît nulle part dans le rapport du groupe 1, chargé, lui, de « l'évaluation des aspects scientifiques du système climatique et de l'évolution du climat », ni même, d'ailleurs, dans la synthèse finale remise aux décideurs mondiaux.

    Pointer une - grosse - erreur dans le rapport du groupe 2 et en tirer des conclusions sur celui du groupe 1 et, partant, sur les travaux scientifiques dont il dresse le bilan, relève donc de l'amalgameamalgame douteux.

    Par ailleurs, la fonte des glaciers tropicaux est un phénomène bien réel. Bernard Francou, glaciologue de l'IRDIRD et spécialiste de la variation climatique sous les tropiquestropiques, nous avait parlé, à l'occasion du Sommet de Copenhague, de la fonte des glaciers andins, rapide et même spectaculaire. Dans le dossier qu'il a écrit pour Futura-Sciences, Bernard FrancouBernard Francou détaille l'intérêt de l'étude des glaciers des tropiques pour la compréhension des variations climatiques.

    La bourde du Giec n'empêchera pas la glace de fondre...