Découverte dans des conditions rocambolesques à la suite d’une vente aux enchères en 2001 à l’hôtel Drouot, une chondrite carbonée, baptisée « météorite Paris », apparaissait potentiellement importante pour la compréhension de la chimie prébiotique. Elle vient de livrer quelques secrets grâce au synchrotron Soleil, qui y a décelé des éléments organiques similaires à ceux du milieu interstellaire.

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    Les chondrites carbonées font partie des météorites les plus rares mais aussi les plus fascinantes pour les cosmochimistes et les exobiologistes. Elles contiennent de la matière organique relevant de la chimie prébiotiqueprébiotique. Ces météorites pourraient donc avoir apporté sur Terre les briques nécessaires à l'apparition de la vie au sein de la fameuse soupe chaude primitive, postulée par les biochimistesbiochimistes Alexandre Oparine (1894-1980) et John Haldane (1892-1964) dans les années 1920. Parmi les plus célèbres de ces chondrites carbonées, se trouvent les météorites du Lac Tagish, d'Orgeuil et de Murchison.

    Cette photographie de la météorite Paris montre la croûte de fusion formée lors de l’entrée atmosphérique en partie oxydée (traces orange) ainsi que l’intérieur bien préservé de la météorite (visible au centre) où l’on peut voir de petites inclusions blanches appelées chondres. © MNHN

    Cette photographie de la météorite Paris montre la croûte de fusion formée lors de l’entrée atmosphérique en partie oxydée (traces orange) ainsi que l’intérieur bien préservé de la météorite (visible au centre) où l’on peut voir de petites inclusions blanches appelées chondres. © MNHN

    Il existe une chondrite carbonée moins célèbre mais qui, lorsque sa vraie nature a été découverte, a pourtant stupéfié les cosmochimistes et les planétologues cherchant à comprendre la formation du Système solaire et l'apparition de la vie. Il s'agit d'une chondrite carbonée de type CM2 pesant environ 1,3 kgkg, et dont la « découverte » a été rocambolesque.

    Personne ne sait qui l'a trouvée sur Terre ni où elle est tombée. Elle était dissimulée dans une boîte acquise à l'occasion d'une vente aux enchères à Paris en 2001. Tout naturellement, lorsque sa vraie nature a été révélée quelques années plus tard à la suite d'une demande d'expertise à l'université de Nantes, la roche noire a été appelée la météorite Paris. 


    Le synchrotron Soleil, cet instrument gigantesque, ouvre aux scientifiques les portes de l'infiniment petit. Il produit une lumière extrêmement puissante qui permet d'explorer le cœur de la matière. © Synchrotron Soleil/Dailymotion

    Une équipe de chercheurs de l'Institut d'astrophysique spatiale (IAS/CNRS-université Paris Sud) a voulu en apprendre plus en utilisant la ligne Smis (Spectroscopy and Microscopy in the Infrared using Synchrotron) du synchrotron Soleil (CNRS-CEA). Grâce à sa forte brillance et sa résolutionrésolution spatiale pouvant atteindre 6 µm, les astrophysiciensastrophysiciens ont pu faire une excellente analyse de petites inclusions par microspectroscopie Raman.

    Une chondrite carbonée avec des molécules interstellaires fossiles ?

    Cette méthode (non destructive) d'observation et de caractérisation de la composition moléculaire et de la structure externe d'un matériaumatériau repose sur la diffusiondiffusion Raman, un phénomène optique découvert indépendamment en 1928, par les physiciensphysiciens indien et russe Chandrashekhara Venkata Râman et Leonid Mandelstam.

     
    Un extrait du documentaire du projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine, Du Big Bang au Vivant. Il parle d'une autre chondrite carbonée importante découvert il y a quelques années, la météorite du lac Tagish. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com/Youtube

    Mais pourquoi cette météorite a-t-elle attiré l'attention des cosmochimistes au point de monopoliser du temps sur une ligne de lumièrelumière du synchrotron Soleil ? Il se trouve que les chercheurs ont découvert il y a quelques années que la météorite Paris était unique, sans contrepartie dans les collections internationales.

    Jusque-là, bien que les chondrites carbonées soient de la matièrematière très primitive qui n'a guère été chimiquement et physiquement changée par des processus de différentiationdifférentiation, elles portaient tout de même des traces d'altération par de la circulation d'eau liquide ainsi que d'élévations importantes de température. Il était donc difficile d'interpréter avec certitude la mémoire de ces chondrites sur ce qui s'est déroulé au tout début de l'histoire du disque protoplanétairedisque protoplanétaire ou de la nébuleusenébuleuse protosolaire, dans laquelle brillait la mère présumée du Soleil, Coatlicue. Dans le cas de la météorite Paris, ces traces d'altération sont très faibles, si bien que les minérauxminéraux les plus anciens qu'elle contient y sont remarquablement préservés. Selon les chercheurs, ils sont si proches de l'état lors de leur condensationcondensation à partir du gazgaz de la nébuleuse protosolaire que l'on peut s'attendre à ce qu'il en soit de même pour des moléculesmolécules organiques existant dans de telles nébuleuses. La météorite Paris était donc une nouvelle fenêtrefenêtre potentielle sur la chimie prébiotique très primitive du Système solaire.

    Il existe en effet dans cette météorite, comme l'ont découvert les astrophysiciens, des molécules organiques possédant des signatures spectroscopiques dans l'infrarougeinfrarouge absolument similaires à celles observées dans certains nuagesnuages moléculaires du milieu interstellaire, plus précisément dans deux sources infrarouges observées il y a plus de 10 ans par le satellite européen Iso (Infrared Space Observatory). On peut penser qu'il s'agit bien de molécules fossilesfossiles issues de la nébuleuse protosolaire et non de molécules produites dans ces météorites après leur formation.