Cela fait trente ans que la science a fourni la réponse mais trop de gens semblent l’ignorer : non, les femmes qui ont leur règles n’attirent pas les ours. Enfin, pas les grizzlys, parce que les ours polaires pourraient se laisser tenter. Telle est la conclusion d’une étude hallucinante mais criblée de défauts. Alors mesdames, rassurées ?


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    En Europe, la figure de l'animal effrayant est incarnée par le loup, celui qui vient toujours gâcher nos contes de fées et qui veut dévorer les enfants ou les gentils petits cochons. En revanche, l'ours a bien meilleure presse et réconforte les petits la nuit lorsqu'il est en peluche. C'est d'ailleurs un célèbre nounours qui accompagnait le marchand de sablesable dans une ancienne émissionémission de télé.

    Outre-Atlantique cependant, le plantigradeplantigrade s'est montré quelquefois belliqueux à l'égard de l'homme. Et de la femme. À tel point qu'une rumeur née aux États-Unis relate que l'animal aime tout particulièrement les menstruations féminines. Mythe ou réalité ?

    Le contexte : 2 femmes dévorées par des ours pendant leurs règles

    Année 1967, Parc national de GlacierGlacier, Montana, États-Unis. Deux randonneuses sont retrouvées mortes après avoir été attaquées par des ours, des grizzlys plus exactement (Ursus arctos horribilisUrsus arctos horribilis). Très vite, le bruit court que les agresseurs ont été attirés par les menstruations féminines, puisque, semble-t-il, c'était pour elles la période de leurs règles (même si plus personne ne peut en attester). Le lieu des crimes était jonché de détritus laissé par les touristes, mais pour les Américains, cela n'avait rien à voir. Le sang utérin avait été le déclencheur. On déconseillait donc fortement aux femmes de sortir en forêt durant cette semaine du mois...

    Pour les scientifiques, il fallait en avoir le cœur net. En 1983, il avait été montré que les ours polairesours polaires mangeaient aussi bien la chair de phoque et les tampons usagés qu'on leur laissait, tandis qu'ils ignoraient les tampons imprégnés de sang humain qui ne provenaient pas des menstruations. En était-il de même pour les grizzlys ? Une étude menée par des agents de l'Office américain des forêts et publiée en 1993 dans The Journal of Wildlife Management allait mettre fin au suspense...

    Ce grizzly a l'air d'avoir d'autres préoccupations que de s'intéresser aux règles des femmes. © Pogrebnoj Alexandroff, Wikipédia, cc by 1.0
    Ce grizzly a l'air d'avoir d'autres préoccupations que de s'intéresser aux règles des femmes. © Pogrebnoj Alexandroff, Wikipédia, cc by 1.0

    L’étude : les tampons hygiéniques, mets de choix pour les grizzlys ?

    Pour avoir le fin mot de l'histoire, plusieurs expériences ont été proposées. D'abord, il s'agissait de mettre sous le nez de cinq grizzlys à la recherche de nourriture dans une décharge quinze tampons hygiéniques usagés... placés au bout d'une canne à pêchepêche. La manipulation était reproduite avec des protections intimes imbibées de sang utérin, préalablement congelées puis décongelées. Les auteurs considéraient que l'ours prêtait attention à l'objet s'il le mangeait, le reniflait avec insistance ou se roulait dessus. Mais les animaux s'en sont assez nettement détournés.

    Dans une seconde expérience, ils se sont rendus là où les gens nourrissent régulièrement les plantigrades à la main avec du maïs. Ils leurs proposaient un autre plat : six tampons usagés provenant de six femmes différentes. Là encore, les braves bêtes trouvaient mieux ailleurs. Lorsque les auteurs ont déposé sur un sentier emprunté par les ours de nouvelles protections déjà usitées, à côté d'autres non usagées, avec du sang non menstruel, ou imprégnées de bœuf, seules ces dernières ont eu du succès.

    Enfin la dernière partie est peut-être la meilleure. Sept femmes, volontaires (vraiment ?) et fertiles, ont été invitées à passer du temps tous les jours avec les gentils nounours (de deux à trois quintaux tout de même !) pendant deux mois consécutifs et à les nourrir à la main. Il faut parfois accepter de se dévouer pour la science mais le jeu en valait-il vraiment la chandelle ? Est-ce une mort digne que d'avoir été dévorée par un ours dans le but de savoir si les menstruations attirent les grizzlys ? Chacun est libre de juger... Heureusement, on ne dénombre aucune victime parmi les cobayes. Dans cette expérimentation, il fallait compter le nombre de fois où les animaux venaient de leur truffe humide renifler l'entrejambe de ces dames, et voir si la période des règles était la plus propice pour une fouille en règle. Une fois encore, cette région du corps n'attisait pas plus que ça les envies de chasse des oursons.

    Un tampon hygiénique, pour ceux qui ne connaissent pas, se compose de ces trois éléments. L'élément avec la ficelle va s'imbiber de sang durant les menstruations. C'est ce qui était présenté aux ours. © Shattonbury, Wikipédia, cc by sa 1.0
    Un tampon hygiénique, pour ceux qui ne connaissent pas, se compose de ces trois éléments. L'élément avec la ficelle va s'imbiber de sang durant les menstruations. C'est ce qui était présenté aux ours. © Shattonbury, Wikipédia, cc by sa 1.0

    C'est par la négative que les auteurs ont été obligés de répondre à leur question de départ : les grizzlys ne sont pas attirés par les menstruations.

    L’œil extérieur : les menstruations, ce n’est pas bon !

    On pourrait longtemps discuter de l'intérêt de telles études. Le fait est que la recherche a été publiée et qu'elle amène des informations nouvelles. Cependant, aussi insensée qu'elle ait été, cette étude souffre quand même de nombreux défauts.

    À une seule reprise, le sang menstruel a été comparé au sang humain récupéré de la circulation générale. Une unique expérience permet de confronter les femmes durant leurs périodes ou en dehors. On ne note aucun test avec des hommes, ne serait-ce que pour constater si les grizzlys ont plus de goût pour un sexe plutôt que l'autre...

    Malgré tous ces manquements, les résultats semblent clairs : les ours se désintéressent totalement des tampons hygiéniques et des menstruations féminines. On peut les comprendre. Mais désormais, on sait que les nounours sont dignes de pouvoir passer la nuit dans nos draps.