Les membres de la collaboration Planck ont annoncé avoir découvert un super-amas de galaxies trahissant sa présence par son interaction avec le rayonnement fossile. Des observations de ce genre donneront de précieux renseignements sur la formation des grandes structures de l’univers et le rôle de la matière noire.

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    Il faudra attendre décembre 2012 avant que ne soient publiées les premières analyses portant sur les images du rayonnement de fond diffusdiffus, observées par le satellite européen Planck. Mais l'ESA a déjà fourni il y a quelque temps des images brutes de PlanckPlanck, inutilisables pour préciser les paramètres cosmologiques mais montrant clairement une partie du rayonnement associé aux poussières de la Voie lactée.

    Il y a quelques semaines, les astrophysiciensastrophysiciens et cosmologistes de la collaboration Planck ont tout de même rendu publiques quelques-unes des observations astrophysiques livrées par le satellite. Il s'agit tout d'abord d'observations menées au niveau des amas de galaxies, et surtout de la découverte d'un super-amas inconnu jusqu'ici.

    Dans les deux cas, c'est une illustration d'un célèbre effet découvert par deux grands cosmologistes russes, d'abord théoriquement à la fin des années 1960, et ensuite observé pour la première fois en 1983. Il s'agit de l'effet Sunyaev-Zel'dovich (SZ).

    On ne présente plus Yakov Borisovich Zel'dovich, dont les contributions dans des domaines aussi divers que l'adsorption et la catalysecatalyse, les ondes de chocs, la physiquephysique nucléaire, la physique des particules, l'astrophysique, la cosmologiecosmologie et la relativité généralerelativité générale, sont innombrables.

    D'ailleurs Stephen HawkingStephen Hawking lui avait avoué lors de son premier voyage en ex-URSS : « Avant de vous avoir rencontré, je pensais que vous étiez un auteur collectif, comme Bourbaki ». Rashid Alievitch Sunyaev, lui, a été l'un des collaborateurs de Zel'dovich et il s'est vu attribuer récemment le célèbre prix Crafoord

    Qu'est-ce que l'effet Sunyaev-Zel'dovich ?

    Sur ce schéma montrant en ordonnée l'intensité (<em>Intensity</em>) du rayonnement de fond diffus en fonction de sa fréquence (<em>Frequency</em>) et de sa longueur d'onde (<em>Wavelength</em>) en abscisse, on voit clairement l'influence de l'effet Sunyaev-Zel'dovich. La courbe initiale de corps noir du rayonnement fossile est distordue et déplacée vers les hautes fréquences, pour donner l'intensité du rayonnement de fond diffus en traits pleins. © <em>Annu. Rev. Astron. Astrophys.</em>

    Sur ce schéma montrant en ordonnée l'intensité (Intensity) du rayonnement de fond diffus en fonction de sa fréquence (Frequency) et de sa longueur d'onde (Wavelength) en abscisse, on voit clairement l'influence de l'effet Sunyaev-Zel'dovich. La courbe initiale de corps noir du rayonnement fossile est distordue et déplacée vers les hautes fréquences, pour donner l'intensité du rayonnement de fond diffus en traits pleins. © Annu. Rev. Astron. Astrophys.

    Les deux chercheurs ont compris qu'un gazgaz d'électronsélectrons chauds, comme il en existe dans bien des situations astrophysiques, devait faire subir un effet Compton inverseeffet Compton inverse aux photonsphotons du rayonnement fossilerayonnement fossile. On sait que celui-ci possède un spectrespectre de corps noir, caractérisé par une relation précise entre la fréquencefréquence et l'intensité du rayonnement.

    En subissant des collisions (effet Compton) avec les électrons énergétiques d'un plasma chaud, les photons sont portés à des énergiesénergies plus élevées, ce qui se traduit par un déficit de photons de basses énergies pour le spectre du rayonnement fossile, mais corrélativement par un excès de photons à plus hautes énergies. La courbe du spectre du corps noircorps noir du rayonnement de fond diffus apparaît donc comme distordue et décalée vers les hautes fréquences, comme le montre le schéma ci-dessus.

    L'amas de galaxies de Coma. © <em>Digitized Sky Survey</em>

    L'amas de galaxies de Coma. © Digitized Sky Survey

    Il se trouve qu'il existe bel et bien des gaz d'électrons chauds, portés à des températures de plusieurs millions de kelvinskelvins, dans les amas de galaxies. Ce gaz rayonne copieusement dans le domaine des rayons Xrayons X, rendant possible la détection des amas de galaxies à l'échelle cosmologique. Cela a été fait par des satellites comme Rosat, ChandraChandra et XMM Newton. On peut d'ailleurs détecter ainsi la présence d'une forte composante de matière noirematière noire dans un amas. Sans elle et la gravitégravité qu'elle génère, le gaz de matière normale se serait échappé.

    L'amas proche de Coma, bien étudié, est très chaud. Il présente une émission forte dans le domaine des rayons X, observée avec le satellite Rosat. © ESA,<em> Planck HFI LFI consortia</em>, Rosat

    L'amas proche de Coma, bien étudié, est très chaud. Il présente une émission forte dans le domaine des rayons X, observée avec le satellite Rosat. © ESA, Planck HFI LFI consortia, Rosat

    Un outil pour la cosmologie

    L'effet SZ a donc été observé au niveau des amas de galaxies et il se trouve qu'il peut servir à observer leur distribution à grandes distances et à évaluer différents paramètres cosmologiques, comme la constante de Hubbleconstante de Hubble, la densité de matière dans l'universunivers observable, etc.

    Sur cette image composite multifréquences obtenue avec Planck, on voit un effet SZ fort avec l'amas de Coma. © ESA, Planck HFI &amp; LFI consortia, Rosat

    Sur cette image composite multifréquences obtenue avec Planck, on voit un effet SZ fort avec l'amas de Coma. © ESA, Planck HFI & LFI consortia, Rosat

    Avec son extraordinaire capacité à observer et mesurer le rayonnement fossile, le satellite Plancksatellite Planck est un outil tout désigné pour détecter des amas de galaxies avec l'effet SZ, et c'est bien ce qu'il a fait. Toutefois, pour éviter des méprises, il a fallu confirmer les candidats amas par des comparaisons avec des catalogues précédemment établis par le satellite Rosat. Dans le cas où ces candidats n'y figuraient pas, les chercheurs ont utilisé le satellite XMM NewtonNewton ; ils ont ainsi découvert un nouveau super-amas de galaxies, composé d'au moins trois amas massifs.

    Sur cette image composite multifréquences, on voit le super-amas de galaxies découvert par Planck (la couleur rouge signifiant un excès d'émission dû à l'effet Sunyaev-Zel'dovich dans le domaine des ondes submillimétriques). La taille de l'image est d'environ 15 x 15 minutes d'arc sur le ciel, la moitié de la taille de la Lune. © ESA, <em>Planck HFI LFI consortia</em>, XMM-Newton

    Sur cette image composite multifréquences, on voit le super-amas de galaxies découvert par Planck (la couleur rouge signifiant un excès d'émission dû à l'effet Sunyaev-Zel'dovich dans le domaine des ondes submillimétriques). La taille de l'image est d'environ 15 x 15 minutes d'arc sur le ciel, la moitié de la taille de la Lune. © ESA, Planck HFI LFI consortia, XMM-Newton

    Une clé pour comprendre la formation et l'évolution des amas et super-amas de galaxies

    Selon l'astrophysicienne Nabila Aghanim, de l'institut d'astrophysique spatiale d'Orsay : « C'est la première fois qu'un super-amas est découvert par effet SZ. Cette découverte importante ouvre une nouvelle fenêtrefenêtre sur l'étude des super-amas, elle est complémentaire de l'observation des galaxies qui les composent et des effets de lentilleslentilles gravitationnels qu'ils induisent. Nous pourrons ainsi mesurer la quantité de matière noire présente dans ces structures ».

    Et sa collègue Monique Arnaud du IRFU-SAp ajoute même : « Des observations plus détaillées de ces amas et super-amas, à la fois via l'effet SZ ou l'émissionémission en X, ainsi que d'autres observations à des longueurs d'ondelongueurs d'onde complémentaires, vont jeter une nouvelle lumièrelumière sur les processus physiques à l'œuvre au sein des amas de galaxies et nous permettront de préciser les relations entre galaxies, gaz et matière noire dans ces objets exceptionnels ».

    Sur cette image, le super-amas découvert par Planck est bien visible dans le domaine des rayons X. Elle a été obtenue avec le satellite XMM-Newton. Les contours blancs indiquent les régions où l'émission en rayons X est de même intensité, ceux-ci sont reportés sur l'image précédente de Planck. © XMM Newton

    Sur cette image, le super-amas découvert par Planck est bien visible dans le domaine des rayons X. Elle a été obtenue avec le satellite XMM-Newton. Les contours blancs indiquent les régions où l'émission en rayons X est de même intensité, ceux-ci sont reportés sur l'image précédente de Planck. © XMM Newton

    Les cosmologistes vont donc continuer à chercher des amas de galaxies avec Planck, afin de constituer un catalogue permettant de faire des statistiques, car comme le précise Dominique Yvon de l'IRFU/SPP : « Un seul amas de galaxie ne permet pas de comprendre le scénario de la formation des grandes structures de matières de notre univers. Pour cela, il est indispensable de connaître les abondances d'amas de galaxies en fonction de leur massemasse et de leur distance - la distance étant directement associée au temps dans l'histoire de l'Univers ».