La galaxie spirale Andromède s’est structurée il y a moins de 3 milliards d’années, à la suite d’une collision majeure survenue entre deux galaxies. C’est la conclusion rapportée par une étude adossée à des moyens de calculs informatiques sans précédent et dirigée par un astronome de l’Observatoire de Paris.

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    La grande nébuleuse d'Andromède a été décrite pour la première fois en 964 par l'astronomeastronome perse Abd al-Rahman al-Sufi. Répertoriée en 1923 comme galaxie, elle a souvent été considérée comme la sœur jumelle de notre Voie lactée. C'est sa plus proche voisine et cette proximité permet l'observation comparée de ses propriétés qui, jusqu'à aujourd'hui, intriguaient les astrophysiciensastrophysiciens.

    Une campagne d'observations américaine, menée entre 2006 à 2014, avait en effet souligné une différence considérable avec la Voie lactée : dans le disque géant d'Andromède, toutes les étoiles âgées de plus de deux milliards d'années, subissent des mouvements désordonnés, dont l'ampleur est presque comparable à leur mouvement de rotation autour du centre de cette galaxie. À titre comparatif, les étoiles du disque de la Voie lactée, dont fait partie notre SoleilSoleil, ne sont sujets qu'à un simple mouvement de rotation. Comment expliquer cette différence ?


    Simulation numérique de la collision des deux galaxies qui ont formé la galaxie Andromède il y a 1,8 à 3 milliards d'années. C’est la toute première fois qu’une simulation numérique, basée sur 24 millions de particules, parvient à reproduire une galaxie avec autant de détails. La collision gigantesque qui a eu lieu alors que notre Terre existait déjà, pourrait avoir laissé des traces dans notre environnement, le Groupe local. Elle est le seul moyen d’expliquer comment se sont formés le bulbe, la barre, les disques minces et épais, l’anneau stable de jeunes étoiles dans le disque, le récent événement de formation stellaire dans tout le disque, la structure 3D du « courant géant d’étoiles », les coquilles et amas diffus, et la distribution des étoiles dans le halo. © Observatoire de Paris

    À l'aide de modélisationsmodélisations effectuées sur les plus puissants moyens de calcul disponibles en France -- les calculateurs de l'observatoire de Paris (MesoPSL) et de GENCI (IDRIS - CNRS) --, et après traitement de près d'un téraoctet de données, une équipe scientifique franco-chinoise de l'Observatoire de Paris-PSL, du National Astronomical Observatory of China (NAOC), de l'observatoire astronomique de l'université de Strasbourg et du CNRS est enfin parvenue à caractériser les mécanismes physiquesphysiques de formation d'Andromède, levant ainsi le voile sur l'origine de sa formation. Les scientifiques ont démontré que seule une collision « récente » pouvait expliquer l'agitation des étoiles, collision suivie par un épisode de formation stellaire dans l'ensemble du disque géant d'Andromède.

    Des interactions entre galaxies qui finissent par fusionner

    Il y a 7 à 10 milliards d'années, à la place d'Andromède se trouvaient deux galaxies sur une même trajectoire de rencontre. Les astronomes ont optimisé par simulation les trajectoires de ces deux galaxies progénitrices. Ils ont découvert qu'elles avaient fusionné il y a 1,8 à 3 milliards d'années. Cette collision a donné naissance à Andromède telle que nous la connaissons. « Nous avons montré que la plus grande des deux galaxies progénitrices était environ quatre fois plus massive que la plus petite », précise François Hammer, astronome de l'Observatoire de Paris-PSL, premier coauteur de l'étude.

    La galaxie d’Andromède, M 31 dont le disque très incliné s’étend en diamètre sur environ 40 kiloparsecs. À gauche, M31 observée en couleurs réelles. À droite, simulation numérique à 24 millions de particules. L’insert, en haut et à droite de chaque image, montre que la simulation parvient aussi à reproduire la barre de la galaxie (sombre dans l’insert gauche, jaune dans celui à droite), ainsi que les régions de formation stellaire (bleues) qui appartiennent au disque d’Andromède. <em>© </em>Richard Crisp, Observatoire de Paris - PSL, Hammer <em>et al.</em> 2016

    La galaxie d’Andromède, M 31 dont le disque très incliné s’étend en diamètre sur environ 40 kiloparsecs. À gauche, M31 observée en couleurs réelles. À droite, simulation numérique à 24 millions de particules. L’insert, en haut et à droite de chaque image, montre que la simulation parvient aussi à reproduire la barre de la galaxie (sombre dans l’insert gauche, jaune dans celui à droite), ainsi que les régions de formation stellaire (bleues) qui appartiennent au disque d’Andromède. © Richard Crisp, Observatoire de Paris - PSL, Hammer et al. 2016

    Grâce à des calculs numériquesnumériques intensifs, les astrophysiciens parviennent pour la première fois à reproduire en détail l'ensemble des nombreuses structures qui composent la galaxie d'Andromèdegalaxie d'Andromède : le bulbe, la barre et le disque géant. Ce dernier inclut un gigantesque anneau d'étoiles jeunes dont la stabilité avec le temps restait inexpliquée, ce qui vient d'être résolu.

    Des courants de marée et des coquilles d'étoiles autour d'Andromède

    La galaxie d'Andromède est entourée de gazgaz et d'étoiles peuplant une région dix fois plus étendue qu'Andromède, communément appelée le halo. Des observations réalisées entre 2008 et 2014 sur le télescopetélescope franco-canadien à Hawaï (CFHTCFHT) montrent que le halo d'Andromède est peuplé par de gigantesques courants d'étoiles, dont le plus proéminent, s'appelle précisément le « courant géant d'étoiles ». Le disque géant présente des bords déformés, sur lesquels on retrouve également d'autres structures ayant la forme d'amas diffusdiffus ou de coquilles.

    En faisant une comparaison systématique avec ces observations qui sont les plus profondes du halo d'Andromède, la collaboration franco-chinoise est parvenue à reproduire et à comprendre l'origine de ces structures. Le « courant géant d'étoiles » ainsi que les coquilles proviennent du plus petit progéniteur, tandis que les amas diffus et la déformation du disque proviennent du plus grand. Cela explique pourquoi les premières structures sont sous-abondantes en éléments lourds par rapport aux secondes : le plus petit progéniteur étant moins massif, il a formé moins d'éléments lourds et d'étoiles que le plus grand.

    À gauche, vue détaillée des observations profondes ; à droite, la simulation opérée à l’aide de puissants calculateurs des parcs GENCI et MesoPL parvient à reproduire les observations et à en expliquer leurs origines. <em>© </em>Observatoire de Paris - PSL, Hammer <em>et al.</em> 2016

    À gauche, vue détaillée des observations profondes ; à droite, la simulation opérée à l’aide de puissants calculateurs des parcs GENCI et MesoPL parvient à reproduire les observations et à en expliquer leurs origines. © Observatoire de Paris - PSL, Hammer et al. 2016

    C'est la toute première fois qu'une simulation numériquesimulation numérique, basée sur 24 millions de particules, parvient à reproduire une galaxie avec autant de détails. La collision gigantesque qui a eu lieu alors que notre Terre existait déjà, pourrait avoir laissé des traces dans notre environnement, le Groupe localGroupe local. Elle est le seul moyen d'expliquer comment se sont formés le bulbe, la barre, les disques minces et épais, l'anneau stable de jeunes étoiles dans le disque, le récent évènement de formation stellaire dans tout le disque, la structure 3D du « courant géant d'étoiles », les coquilles et amas diffus, et la distribution des étoiles dans le halo.

    Référence

    • Ce travail de recherche a fait l'objet d'un article intitulé A 2-3 billion year old major merger paradigm for the Andromeda galaxy and its outskirts, par F. Hammer et al., paru le 15 février 2018 dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (arXiv : 1801.04279).

    Collaboration

    • L'équipe est composée de François Hammer (Observatoire de Paris-PSL), Yanbin Yang (Observatoire de Paris-PSL), Jianling Wang (National Astronomical Observatory of China), Rodrigo Ibata (observatoire astronomique de l'université de Strasbourg), Hector Flores (observatoire de Paris-PSL) et Mathieu Puech (observatoire de Paris-PSL).

    Un autre aspect de la simulation numérique de la collision des deux galaxies qui ont formé la galaxie Andromède il y a 1,8 à 3 milliards d'années. Elle est le seul moyen d’expliquer comment se sont formés le bulbe, la barre, les disques minces et épais, l’anneau stable de jeunes étoiles dans le disque, le récent évènement de formation stellaire dans tout le disque, la structure 3D du « courant géant d’étoiles », les coquilles et amas diffus, et la distribution des étoiles dans le halo. © Observatoire de Paris

    On a simulé la formation de la galaxie d'Andromède

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco, publié le 01/12/2010

    Des simulations numériques conduites par des chercheurs de l'observatoire de Paris et des observatoires astronomiques nationaux de l'Académie des sciences de Chine ont reproduit les caractéristiques de la galaxie d'Andromède à partir d'une collision galactique. En bonus, elles expliqueraient l'origine des nuagesnuages de Magellan.

    Tous les astronomes amateurs connaissent M 31. C'est en effet ainsi qu'est notée la galaxie d'Andromède dans le célèbre catalogue astronomique Messier, qui doit son nom à Charles MessierCharles Messier, ce grand chasseur de comètescomètes. Attendant le retour de la comète de Halleycomète de Halley dans la constellation du Taureauconstellation du Taureau, il la confondit avec la nébuleuse du Crabenébuleuse du Crabe. Il décida alors de dresser en 1774 un catalogue d'objets diffus et fixes sur la voûte céleste afin d'épargner aux autres chercheurs de comètes ce genre de méprise.

    La galaxie d'Andromède fait partie du groupe local de galaxies qui en comprend une quarantaine, dont la Voie lactée. Elle en est distante d'environ 2,5 millions d'années-lumièreannées-lumière et tout comme elle, c'est une galaxie spiralegalaxie spirale. L'une des rares visibles à l'œilœil nu, la galaxie d'Andromède se dirige vers la nôtre avec laquelle elle devrait entrer en collision d'ici 4,5 milliards d'années.

    Des univers-îles en collision

    En soi, l'évènement n'aura rien d'exceptionnel car les collisions de galaxies sont monnaie courante dans l'universunivers. Elles étaient même très fréquentes au début de son histoire. On a de bonnes raisons de penser qu'il s'agit là d'un processus majeur d'évolution et de formation des galaxies. Celles-ci grossiraient par captures et fusionsfusions de petites galaxies.

    Une combinaison de deux images montrant la galaxie d'Andromède (M 31) avec la Lune. En bas à gauche, on distingue bien la petite galaxie M 110 en orbite autour de M 31. © Nasa/apod/Adam Block et Tim Puckett
     
    Une combinaison de deux images montrant la galaxie d'Andromède (M 31) avec la Lune. En bas à gauche, on distingue bien la petite galaxie M 110 en orbite autour de M 31. © Nasa/apod/Adam Block et Tim Puckett

    Depuis quelque temps, les observations conduites en ultravioletultraviolet par Galex et en infrarougeinfrarouge par Spitzer montraient des structures dans la galaxie d'Andromède qui s'expliquaient bien par des effets de collisions ou de maréemarée entre Andromède et d'autres galaxies. Les astronomes pensaient d'ailleurs qu'Andromède s'était probablement formée par collision de deux galaxies de plus petites massesmasses. Mais ils ignoraient les détails et la chronologie précise du processus. On en sait aujourd'hui un peu plus grâce à des simulations numériques effectuées par six chercheurs du laboratoire Galaxies, étoiles, physique, instrumentation (GEPI) avec leurs collègues du NAOC (National Astronomical Observatories, Chinese Academy of Sciences).

    Tout aurait commencé il y a moins de 9 milliards d'années, lorsqu'une galaxie un peu plus massive que la Voie lactée a entamé une interaction gravitationnelle de façon importante avec une autre, trois fois moins massive. La collision produite, particulièrement violente, s'est terminée par la fusion des deux galaxies il y a 5,5 milliards d'années.


    Cette animation a été construite à partir des simulations numériques scientifiques. Le premier passage rapproché entre les galaxies se produit 700 millions d’années après le début de la simulation. De nouvelles étoiles se forment (couleur verte) jusqu’à la fusion des galaxies à 4,5 milliards d’années. Pendant le second passage, il y a 4,2 milliards d’années, une queue de marée (verte, flèche blanche) contenant de nombreuses étoiles relativement jeunes apparaît. Plus tard, une partie de cette matière retourne à la galaxie. Elle y forme un courant géant riche en étoiles qui reproduit bien les observations actuelles. Au final, la galaxie spirale ressemble à celle d’Andromède. © GEPI/Observatoire de Paris/NAOC/Sylvainours, YouTube

    Comme souvent lors des rencontres de ce genre entre galaxies, les forces de maréesforces de marées ont arraché des étoiles et des masses gazeuses, formant des courants et des queues de marée. D'après les simulations, près d'un tiers de la masse de la Voie lactée sous forme de ces queues de marée aurait été expulsé des deux galaxies entrées en collision.

    Les nuages de Magellan, des fossiles de queue de marée ?

    Ces mêmes simulations donnent comme produit final de la fusion une galaxie spirale ayant bien des caractéristiques de celle d'Andromède. À savoir un grand disque mince dans lequel s'inscrivent un anneau géant de gaz, un bulbe central massif, un gigantesque disque épais, un courant géant d'étoiles vieilles et de nombreux autres courants d'étoiles dans son halo périphérique.

    Le plus intéressant, peut-être, est exposé dans une seconde publication, venue après celle présentant les détails de la simulation. Des queues de marée ont toutes les propriétés pour expliquer la genèse des nuages de Magellan. Ces nuages, qui se dirigent vers nous à la vitessevitesse d'1 million de kilomètres/heure (350 km/s), sont en effet riches en gaz et de forme irrégulière. Ils semblent donc bien avoir pris naissance dans l'une des queues de marée de la simulation d'après les chercheurs.