Six années d’observations patientes à la recherche d’effets de microlentille gravitationnelle ont conduit à un résultat qui n’aurait surpris ni Démocrite ni Giordano Bruno. Chaque étoile de notre galaxie aurait au moins une planète : il y aurait donc des centaines de milliards d’exoplanètes. Et la majorité seraient rocheuses !


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    Presque toutes les exoplanètes découvertes à ce jour l'ont été par la méthode des vitesses radiales ou celle des transits (c'est le cas de Kepler 22b). Mais parmi les plus de 700 connues, une dizaine ont été révélées grâce à la technique des microlentilles gravitationnelles.

    Pour comprendre en quoi consiste cette méthode, rappelons que lorsqu'un corps céleste passe devant une source de lumière, son champ gravitationnel courbe les rayons qui en sont issus, à la façon d'une lentillelentille. On savait déjà que la gravitation pouvait dévier des rayons lumineux comme les observations d'Eddington l'avaient montré en 1919, lors de la célèbre éclipse qui servit de test à la relativité généralerelativité générale. Mais il avait fallu plus de quinze années avant que Rudi Mandl ne déduise la conséquence naturelle de cette observation et suggère à Albert EinsteinEinstein qu'il puisse exister dans l'espace de véritables lentilles gravitationnelleslentilles gravitationnelles. Ce dernier publia donc une petite note en 1936 avec des calculs simples, en concluant : « Bien sûr, il n'y a aucun espoir d'observer directement ce phénomène ».

    L'effet est faible mais le génial père de la théorie de la relativité générale avait été trop pessimiste. Depuis des dizaines d'années en effet, ce phénomène est employé par les astronomesastronomes pour percer les mystères de la matière noire, analyser le rayonnement fossilerayonnement fossile et même détecter des corps célestes ordinairement invisibles.

    Si l'on parle d'effets de lentille gravitationnelle fort et faible, celui utilisé par des astronomes pour découvrir des exoplanètesexoplanètes, dans le cadre des observations fournies par les équipes Planet et Ogle, est dit de microlentille gravitationnelle, comme il est expliqué dans un article aujourd'hui publié dans Nature.

    Les schémsa expliquant la découverte d'exoplanètes à l'aide de l'effet de microlentille gravitationnelle (gravitational microlensing en anglais). Des compléments d'explications sont dans le texte ci-dessous. © Nasa, Esa, and A. Feild (STScI)

    Les schémsa expliquant la découverte d'exoplanètes à l'aide de l'effet de microlentille gravitationnelle (gravitational microlensing en anglais). Des compléments d'explications sont dans le texte ci-dessous. © Nasa, Esa, and A. Feild (STScI) 

    Lorsqu'un corps céleste massif, comme un trou noir, une naine brunenaine brune ou tout simplement une étoileétoile peu brillante effectue un transit sur la voûte céleste devant une étoile plus brillante, le champ de gravitation du corps céleste se comporte donc comme si on interposait une lentille entre l'étoile brillante et nous. Comme on le voit sur le premier schéma à gauche ci-dessus, la courbe de lumière de l'étoile brillante montre une brusque augmentation temporaire de la luminositéluminosité apparente sur quelques dizaines de jours.

    Si une exoplanète tourne autour de l'étoile la moins brillante, on observera un second pic de luminosité durant quelques heures, surimposé sur le premier, comme l'expose le deuxième schéma en partant de la gauche. Ici, le schéma de droite montre une courbe de luminosité durant 30 jours, pour une naine rougenaine rouge passant devant une étoile jaune, avec une exoplanète en transit conduisant à un pic secondaire de luminosité durant huit heures.

    Des milliards de planètes ayant une masse similaire à celle de la Terre

    Détecter des exoplanètes avec cette méthode n'est pas facile. En revanche, les intervalles de massesmasses et de distances (planète-étoile) auxquels on a ainsi  accès sont assez étendus. Même avec peu d'observations, on peut obtenir des renseignements précieux sur la distribution en masse des exoplanètes dans la Voie lactée.

    Des millions d'étoiles ont ainsi été observées, ce qui a conduit Arnaud Cassan (Institut d'astrophysiqueastrophysique de Paris), premier auteur de l'article publié dans Nature, à formuler le bilan de cette étude dans les termes suivants : « Nous avons cherché les preuves de la présence d'exoplanètes par la méthode des microlentilles au cours de six années d'observations. Les données que nous avons obtenues montrent de manière remarquable que les planètes sont plus courantes que les étoiles dans notre galaxiegalaxie. Nous avons également trouvé que les planètes les moins massives, comme les superterressuperterres ou les NeptuneNeptune peu massifs, doivent être plus courantes que les planètes les plus massives. »

    Cela conforte de précédentes estimations indiquant qu'il y a probablement des milliards d'exoterres dans notre Voie lactéeVoie lactée. Nous avons donc des raisons de plus de partir à la recherche de monolithe noir...