Le système planétaire de l’étoile HR 8799 fut l’un des premiers à avoir été imagé directement. Des astrophysiciens viennent d'obtenir des spectres qui renseignent sur la composition chimique de ses quatre géantes gazeuses. Réalisée dans le cadre du Project 1640 grâce au télescope Hale du mont Palomar, la performance révèle des mondes étranges.

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    On se souvient des images extraordinaires d'exoplanètes autour de l'étoile HR 8799. Rappelons qu'il s'agit d'une étoile 1,6 fois plus massive que le Soleil et cinq fois plus lumineuse environ. Elle est située à 128 années-lumière de la Terre, dans la constellation de Pégase. C'est une étoile jeune, quelques dizaines de millions d'années, et le cortège d'exoplanètes qui l'entoure l'est donc aussi. Les Québécois Christian Marois, René Doyon et David Lafrenière ont d'abord réussi à imager directement trois de ces planètes avec les télescopes Keck et Gemini à Hawaï en 2008, comme ils le racontent dans la vidéo ci-dessous.


    En prenant la première photo d'un système exoplanétaire autour de HR 8799 en 2008, trois astronomes québécois ont accompli un exploit, dont l'écho a fait le tour du monde. Des milliers de chercheurs le tentaient depuis plusieurs années. Le projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine Du Big Bang au vivant parle aussi de la découverte des exoplanètes faite par ces chercheurs. © RadioCanada, YouTube

    On sait maintenant qu'il y a au moins quatre géantes gazeusesgéantes gazeuses (HR 8799 b, HR 8799 c, HR 8799 d et finalement HR 8799 e) autour de la jeune étoile. Or, une équipe d'astronomesastronomes de l'American Museum of Natural History travaillant dans le cadre du Project 1640 vient de publier un article sur arxiv que l'on peut considérer comme la première analyse chimique de la composition d'un système d'exoplanètes, celui de HR 8799.

    Coronographie pour exoplanètes au mont Palomar

    Pour obtenir ce résultat, les chercheurs ont utilisé les méthodes de l'optique adaptative et de la coronographie avec des instruments équipant le célèbre télescope Hale du mont PalomarPalomar, situé à 80 km au nord de San Diego, en Californie.

    La technique de coronographie initiée par Bernard Lyot au milieu du XX<sup>e</sup> siècle pour observer la couronne solaire permet aujourd'hui d'imager directement des exoplanètes. On distingue quatre planètes autour de HR 8799, numérotées b à e, a étant l'étoile. La lumière de celle-ci a été soustraite de l'image, comme le montre la zone sombre au centre, révélant les planètes bien moins lumineuses. © <em>American Museum of Natural History</em>

    La technique de coronographie initiée par Bernard Lyot au milieu du XXe siècle pour observer la couronne solaire permet aujourd'hui d'imager directement des exoplanètes. On distingue quatre planètes autour de HR 8799, numérotées b à e, a étant l'étoile. La lumière de celle-ci a été soustraite de l'image, comme le montre la zone sombre au centre, révélant les planètes bien moins lumineuses. © American Museum of Natural History

    Avec ces instruments, les chercheurs du Project 1640 peuvent produire des images d'exoplanètes d'un à dix millions de fois moins brillantes que les étoiles dans la lumière desquelles elles sont ordinairement noyées. Appliqués à l'étude des astresastres autour de HR 8799, ces instruments ont permis de vérifier simultanément que les exoplanètes ont une couverture nuageuse et qu'il est possible d'en analyser la composition et les changements dans le temps. Il s'agit d'une première pour un système d'exoplanètes.

    Énigme astrochimique

    Un lot de surprises est apparu lors de l'analyse des données spectrales obtenues dans l'infrarouge proche et qui concernent la composition chimique des atmosphèresatmosphères des exoplanètes géantes. On pouvait penser que leurs compositions seraient plutôt similaires. En effet, ces quatre planètes sont gazeuses, et de plus proches les unes des autres. Elles auraient donc dû naître à partir d'une région chimiquement homogène du disque protoplanétairedisque protoplanétaire entourant encore récemment HR 8799. On pouvait aussi supposer que leur composition ressemblerait à celle des géantes du Système solaire.


    Une vidéo impressionnante et scientifiquement correcte montrant les positions et la luminosité apparente des étoiles proches du Système solaire. Celles avec des exoplanètes sont entourées par un cercle bleu. On voit enfin la position de HR 8799, ses exoplanètes et les spectres obtenus par les astrophysiciens. © AMNHorg, YouTube

    Il n'en a rien été. Non seulement les géantes gazeuses de HR 8799 ne ressemblent pas à celles de notre Système solaireSystème solaire du point de vue chimique, mais elles présentent entre elles des différences difficilement explicables. On constate ainsi que :

    • HR 8799 b contient de l'ammoniacammoniac ou de l'acétylène (peut-être les deux), ainsi que du CO2, mais peu de méthane ;
    • HR 8799 c contient de l'ammoniac, peut-être un peu d'acétylène, mais ni CO2, ni une quantité importante de méthane ;
    • HR 8799 d contient de l'acétylène, du méthane et du CO2, mais l'ammoniac n'est pas encore détecté de façon convaincante ;
    • HR 8799 e contient du méthane et de l'acétylène, mais pas d'ammoniac ou de CO2.

    Ces résultats sont très étranges, car selon les astrochimistes, l'ammoniac et le méthane devraient naturellement coexister dans des quantités variables, sauf s'ils sont dans des environnements extrêmement froids ou chauds. Pourtant, les spectresspectres des exoplanètes autour de RH 8799 montrent qu'elles sont toutes à des températures que l'on peut considérer comme « tièdes », environ 1.000 kelvinskelvins.

    200 étoiles avec exoplanètes au programme

    On n'en est pas encore à détecter des exoterres ou des superterres autour de HR 8799, mais on peut penser qu'il en existe. Néanmoins, on se rapproche du jour où l'on connaîtra et surveillera de manière routinière la composition chimique et les modifications météorologiques d'un grand nombre d'exoplanètes dans la banlieue proche du Système solaire. Tout cela probablement dans quelques décennies.

    Avec de la chance, on pourrait finir par y trouver des biosignatures probables, et peut-être des technosignatures indiscutables. L'exobiologieexobiologie au sens large a probablement un bel avenir. En attendant et pendant encore deux ans, les membres du Project 1640 vont tenter d'imager directement des exoplanètes autour de 200 étoiles à moins de 150 années-lumière de la Terre.