L’intérêt du roi Louis XIV pour les Antilles (Martinique, Guadeloupe, Saint-Domingue) est motivé par la volonté de développer un commerce maritime d’envergure internationale basé sur le négoce colonial. L'économie sucrière constitue le pilier de la colonisation et de la société antillaise soutenue par la traite de millions d’esclaves africains.  


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    Avant 1660, la colonisation des Antilles dépend du système des engagés qui signent un contrat de trois ans contre l'espoir d'obtenir une terre, une fois leur service achevé. Ce flux migratoire des engagés permet le développement de plantations de tabac, café, canne à sucresucre, coton... Avec Louis XIV, l'État prend en charge l'exploitation des îles antillaises : les planteurs privilégient désormais le recours à la main d'œuvre africaine, incités en cela par l'effondrementeffondrement du prix des esclaves dans les années 1680. La transition vers une agricultureagriculture de grandes plantations s'effectue, en Martinique et en Guadeloupe, sur la période 1665-1670. À Saint-Domingue, le passage à l'économie sucrière s'effectue dans les années 1690 ; l'île se transforme en véritable « usine à sucre » et devient le premier producteur mondial au XVIIIe siècle. Dès 1700, Saint-Domingue produit 3.000 tonnes de sucre, avec 30.000 esclaves ; en 1790, la production atteint 80.000 tonnes grâce aux 500.000 esclaves employés dans ses plantations (à titre de comparaison, à la même date : 600.000 esclaves travaillent dans l'ensemble des colonies esclavagistes des États-Unis).

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    Habitation-sucrerie aux Antilles françaises vers 1667, par Sébastien Leclerc.© BnF, Dist. RMN- Grand Palais, image BnF.

    Le capital consacré à l'achat des esclaves représente entre 35 à 60 % du total investi dans une exploitation agricole. Les pertes humaines sont importantes : à Saint-Domingue, un tiers des captifs meurent dans les trois premières années de leur acquisition et la moitié est décédée après huit ans de bons et loyaux services. La règle demeure la nécessité d'un renouvellement régulier de la main d'œuvre et l'exigence d'un supplément d'ouvriers pour permettre l'extension des cultures sucrières.

    Le commerce triangulaire entre France, Afrique et Antilles

    Nantes devient le premier « port négrier » français avec près de la moitié des expéditions réalisées vers l'Afrique, chaque année ; arrivent ensuite La Rochelle, Bordeaux et Le Havre. Les bénéfices commerciaux des armateurs se réalisent ainsi :

    • vente d'objets manufacturés français demandés par l'Afrique, destinés à être troqués contre les esclaves,
    • vente de la cargaison (appelée « boisbois d'ébène ») aux Antilles : elle se fait par échanges d'esclaves contre les marchandises tropicales (sucre, tabac, coton ...) qui seront revendues en métropole.

    Le coût de la traite esclavagiste va sans cesse augmenter : le facteur principal reste l'éloignement des lieux de traite. Ils se situent au Sénégal (Saint-Louis, Gorée), en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo (région appelée la « côte des esclaves »). Au cours du XVIIIe siècle, l'épuisement des sites d'origine amènent les négriers à descendre vers l'Angola et même à contourner l'Afrique jusqu'au Mozambique.

    Les conditions de vie des esclaves à bord des navires ont été bien décrites : les captifs sont des marchandises et les conditions psychologiques de la détention entraînent des tentatives de suicide collectif ou des révoltes violemment réprimées. Sur les navires nantais au XVIIIe siècle, le taux de mortalité des esclaves est estimé à 15 % environ. 

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    Plan d'un navire négrier de Nantes, traite d'août à décembre 1769 ; les esclaves venant d'Angola (ils sont 312 au départ d'Afrique) sont entassés sur l'entre-pont. Château des ducs de Bretagne, musée d'Histoire de Nantes. © chateaunantes.fr

    La société des Antilles françaises

    À Saint-Domingue, le rapport entre blancs et noirs dans la population ne cesse de croître : dix esclaves pour un blanc en 1730, dix-sept esclaves pour un blanc en 1790. Cependant, le nombre d'esclaves libérés augmente au fil du siècle à Saint-Domingue (moins en Guadeloupe et Martinique) et l'on voit apparaître une population mulâtre, c'est-à-dire métissée, qui devient artisan, marchand ou à son tour propriétaire de plantation... et possède donc des esclaves. Les plantations sont majoritairement financées par des négociants français issus de la bourgeoisie ou de la noblesse de robe ; la grande plantation « capitaliste » est monopolisée par la haute noblesse de Cour. Un groupe social de « couleur » se développe en concurrençant les « petits blancs » et en occupant par exemple, des postes de gérant de plantation. La société coloniale est très contrastée, bâtie sur l'esclavage et l'argent mais sans véritable sommet, puisque les grands propriétaires sont en métropole et ne dirigent pas réellement leurs propres affaires.

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    Plantation-sucrerie en Guadeloupe, début XIXe siècle, lithographie d'après le dessin d'Evremond de Bérard, musée Victor Schœlcher, Pointe-à-Pitre. © Musée départemental Victor Schœlcher.

    À noter

    Le Code Noir (imposé par Louis XIV) a régi la vie des esclaves depuis 1685 : il leur donne un statut civil hors du droit coutumier français. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, énonce le principe de l'abolition de l'esclavage mais l'Assemblée constituante pose que ce principe ne s'applique qu'en métropole, où il n'y a pas d'esclaves !