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    Trois grottes découvertes en septembre 1998 et mai 1999 furent les premières de Bornéo contenant notamment un nombre très élevé d'empreintes de mains négatives (plus de 400). Elles ont également la particularité d'en présenter une quarantaine, soit en associations juxtaposées, soit explicitement reliées les unes aux autres par des lignes ou des tracés plus ou moins complexes et manifestement symboliques.

    L'art rupestre de Bornéo est-il lié à des rituels ? Ici, de la brume au-dessus des forêts et grottes de Bornéo. © Labanglonghouse, DP
    L'art rupestre de Bornéo est-il lié à des rituels ? Ici, de la brume au-dessus des forêts et grottes de Bornéo. © Labanglonghouse, DP

    Dans la plupart des cas, la disposition des empreintes négatives exprime au moins un choix esthétique délibéré, en même temps que des mouvements d'ensembles souvent partiellement ou totalement circulaires (exemple avec la photo 5 ci-dessous).

    5 - Le Bouquet de mains d'Ilas Kenceng.
    5 - Le Bouquet de mains d'Ilas Kenceng.

    Les mains négatives, ou la technique du pochoir

    On a même quasiment un cas d'école, dans deux grottes jumelles superposées qui contiennent environ 130 à 140 empreintes de mains chacune, qui ne sont associées à aucun autre signe, motif ou figuration. Un cas limite qui sera déterminant pour faire progresser la réflexion sur la fonction des mains négatives préhistoriques en général.

    La dizaine de grottes majeures qui ont été successivement découvertes dans le même secteur a confirmé, et même amplifié ces particularités tout à fait remarquables. Jusqu'à présent, ce sont près de 1.500 empreintes de mains négatives, dont plusieurs dizaines - reliées entre elles par des liens curvilinéaires évoquant souvent des végétaux - qui ont été inventoriées. Plusieurs dizaines d'autres présentent des motifs élémentaires différents rajoutés à l'intérieur de l'empreinte elle-même, qui les distinguent les unes des autres (exemple sur la photo 7 de Gua Tewet, à la page 7 de ce dossier).

    Les mains négatives, c'est-à-dire faite selon la technique du pochoir, semblent faire partie du stock culturel commun à l'ensemble des communautés archaïques des mondes anciens, puisqu'on les rencontre quasiment partout. Il faut néanmoins bien prendre conscience que l'utilisation de la technique du pochoirpochoir met cependant en œuvre une série immuable de gestes (une chaîne opératoire selon la terminologie des ethno-technologues) différente et beaucoup plus complexe et élaborée qu'une empreinte ou un tracé positifs.

    Les grottes de Gua Masri, des lieux de rituels ?

    Ainsi, les deux cavités jumelles superposées de Gua Masri, qui ne contiennent que des empreintes négatives agencées de manière particulière, sans aucun autre signe adjacent ou superposé, confirmeraient de manière évidente que les empreintes de mains répondent à un besoin ou à une aspiration spécifique et qu'elles se suffisent manifestement à elles-mêmes.

    En dehors des explications comme affirmations de marquage, d'appropriation, de signatures en quelque sorte, ou d'invocations des esprits chtoniens ou d'ancêtres résidants au-delà des parois rocheuses, on trouve le recours commun au souffle, à la projection d'ocre ou de substances particulières par la bouche, et à l'application des mains : une chaîne opératoire technique et conceptuelle correspondant aux divers gestes pratiqués depuis la nuit des temps par les guérisseurs notamment, et pour lesquels l'esthétique gestuelle est également déterminante.

    On peut alors avancer l'hypothèse que ces sites, ainsi que les marquages qui les particularisent, auraient été des lieux de réclusion, de pratiques de rituels spécifiques diurnesdiurnes et incluant le jeûne (corroboré par l'absence de tout vestige alimentaire ainsi que de charbonscharbons de foyers). En quelque sorte des ermitages, des lieux chargés d'influence et d'énergie destinés aux rituels d'initiation des guérisseurs, qu'ils soignent les individus ou la collectivité.