Le carbone est au cœur de la vie. Mais pas que… Alors lorsque des astronomes mettent la main sur une forme de carbone un peu particulière sur Mars, ils envisagent qu’elle puisse avoir été produite par la vie. Mais pas que…


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    Cela fait maintenant bientôt 10 ans que Curiosity parcourt le cratère Gale. Dix ans que le rover de la Nasa renvoie aux astronomesastronomes des données qui les aident à reconstruire peu à peu l'histoire de la planète Mars. Et aujourd'hui, des chercheurs rapportent avoir découvert, dans des échantillons de sol martien, une signature troublante. Le type de signature qui, sur notre bonne vieille Terre, est associée... à des processus biologiques !

    Le saviez-vous ?

    « La chose la plus difficile pour nous, c’est de réussir à oublier ce que nous savons de la Terre. » C’est ce que souligne Jennifer Eigenbrode, astrobiologiste au Goddard Space Flight Center (Nasa), dans un communiqué. « Revenir aux fondamentaux de la chimie et de la physique. Ouvrir nos esprits et sortir des sentiers battus. » Le tout pour éviter une interprétation trop hâtive de résultats d’analyse.

    Est-ce à dire que les astronomes ont enfin mis la main sur le Graal ? Qu'ils ont découvert la preuve de l'existence de formes de vie extraterrestre ? N'allons pas trop vite en besogne. Car même si les chercheurs qualifient leurs observations d'« extrêmement intéressantes », ils ont aussi déjà en tête d'autres processus plausibles pour les expliquer. Des scénarios « non conventionnels », certes, mais qui vont devoir être explorés avant de pouvoir conclure.

    Mais qu'ont-ils vraiment découvert ? Des roches avec des compositions en isotopes du carbone surprenantes. Rappelons que le carbone possède deux isotopes stables. Le carbone 12 et le carbone 13. Et comme le premier réagit plus rapidement que le second, une analyse de leurs quantités relatives dans un échantillon donne des informations utiles aux chercheurs. Dans les roches sédimentairesroches sédimentaires analysées par CuriosityCuriosity, ils ont ainsi trouvé des échantillons particulièrement riches en carbone 13 et d'autres, étonnamment pauvres en carbone 13.

    Les chercheurs de la Nasa ont analysé 24 échantillons provenant d’emplacements géologiques différents au cœur du cratère Gale. Ils ont mesuré, dans ces échantillons, les quantités des deux isotopes stables du carbone. Pour comprendre mieux l’évolution chimique et biologique de la planète Mars. Ici, la formation de grés dite de Stimson dans laquel il a été découvert des sédiments appauvris en carbone 13. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS
    Les chercheurs de la Nasa ont analysé 24 échantillons provenant d’emplacements géologiques différents au cœur du cratère Gale. Ils ont mesuré, dans ces échantillons, les quantités des deux isotopes stables du carbone. Pour comprendre mieux l’évolution chimique et biologique de la planète Mars. Ici, la formation de grés dite de Stimson dans laquel il a été découvert des sédiments appauvris en carbone 13. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS

    Nuage galactique ou ultraviolets

    Sur Terre, les sédimentssédiments aussi pauvres en carbone 13 sont ceux qui ont été exposés à une activité biologique. Un tapis microbien consommateur de méthane (CH4), par exemple. Mais les chercheurs ne peuvent pour l'heure pas affirmer que le même type de processus a eu lieu sur Mars. La présence de roches appauvries en carbone 13 pourrait aussi bien être due au passage de notre Système solaire dans un nuagenuage moléculaire galactique -- il semblerait que cela se produise environ tous les 200 millions d'années -- ou à une décomposition du dioxyde de carbonedioxyde de carbone (C02) par un rayonnement ultraviolet (UV).

    Le premier scénario est-il possible ? Pour cela, les astronomes rapportent qu'il aurait fallu que le nuage galactique en question ait d'abord provoqué une baisse de la température sur Mars. De façon à y former des glaciersglaciers. Sur lesquels la poussière aurait pu se déposer et demeurer une fois la glace fondue. Laissant derrière elle une couche de sédiments pauvres en carbone 13. Mais pour l'heure, il n'existe que des preuves extrêmement limitées de la présence de glaciers dans le passé du cratère Gale.

    La piste des UV est-elle plus prometteuse ? Là non plus, rien ne permet réellement de conclure pour l'instant. Des travaux montrent en effet que le rayonnement ultraviolet peut transformer le CO2 en composés organiques de type formaldéhydeformaldéhyde. Mais les chercheurs auront besoin de plus de résultats expérimentaux pour en être sûrs.

    Une signature biologique ?

    Avec toutes les précautions qui s'imposent en la matièrematière, les astronomes envisagent aussi un scénario qui mettrait au centre de l'histoire, des processus biologiques extraterrestres. Inspirés de ceux qui sont connus sur la Terre. Des bactériesbactéries de surface qui auraient produit une signature carbone unique en libérant du méthane dans l'atmosphèreatmosphère martienne. Le rayonnement UV l'aurait ensuite converti en moléculesmolécules plus grandes et plus complexes qui auraient finalement plu sur la surface et pourraient maintenant être préservées avec leur signature carbone distincte dans les roches martiennes.

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    « Sur Terre, les processus qui produiraient le signal carbone que nous avons détecté sont biologiques, confirme Christopher House, chercheur à la Pennsylvania State University (États-Unis). Nous devons comprendre si la même explication fonctionne pour Mars ». Car la Planète rouge est bien différente de la nôtre. Plus petite, plus froide, avec une gravitégravité plus faible et un mélange isotopique de départ différent de celui de la Terre. « Sur notre planète, il y a de la vie partout où nous regardons. Et elle influence le cycle du carbonecycle du carbone. Nous empêchant d'étudier ce qu'il pourrait être en l'absence de vie. »

    Les astronomes attendent désormais de savoir si Curiosity trouvera des signatures similaires sur d'autres sites. Ils espèrent aussi pouvoir analyser la teneur en carbone d'un panache de méthane relâché par la surface comme celui croisé par hasard par le rover en 2019. Une teneur qui pourrait valider ou non, l'hypothèse impliquant des micro-organismesmicro-organismes.