Covid-19 : une anomalie climatique réécrit la guerre de 1914-1918... et l'avenir de la pandémie

Par Emma Hollen
Responsable audio, journaliste scientifique
Le 04/10/2020

Une nouvelle étude étonnante vient bouleverser notre perception de la première guerre mondiale et nos prédictions quant à la propagation du coronavirus pour les mois à venir ! Tout commence dans la glace d'un col alpin...

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Au tout début de l’épidémie, le Covid-19 a été comparé à la grippe, d’aucuns la qualifiant de « grippette ». Or, il n’en est rien. Depuis, les scientifiques du monde entier ont mis en commun leurs observations, s’appuyant notamment sur celles des Chinois.

 

Comme si la guerre et la grippe espagnole ne suffisaient pas à faire des années 1914-1918 cinq des plus terribles du XXe siècle, il semblerait que le temps ait également été exécrable durant cette période. C'est en tout cas ce que révèle une nouvelle étude, qui réécrit les circonstances de la Grande Guerre. Publiée dans la revue GeoHealth et menée par le chercheur Christopher More, elle analyse les vestiges du temps (météorologique) des temps (chronologiques) passés, dont la trace fragile a été maintenue intacte au cœur d'un glacier alpin.

L'histoire écrite au cœur de la glace

Deux millénaires d'épopées humaines sont inscrits dans les 72 mètres de glace qui habillent le col Gnifetti, dans les Alpes italo-suisses. C'est dans cet épais manteau gelé que les chercheurs sont allés prélever une part de notre histoire, dans le cadre du « Historical Ice Core Project » dirigé par l'université d'Harvard et le Climate Change Institute de l'université du Maine, en collaboration avec l'université de Nottingham. Les analyses des carottages révèlent distinctement les traces d'une anomalie climatique survenue entre 1915 et 1918 qui, selon l'équipe, aurait participé à aggraver les conséquences de la guerre (environ 20 millions de morts) et de la pandémie de grippe espagnole (environ 50 millions de morts).

Les concentrations de sodium et de chlorure (les deux composants du chlorure de sodium, plus connu sous le nom de sel de table) dans la glace indiquent qu'un flux d'air glacé serait à cette époque arrivé de l'Atlantique du Nord ; une conclusion corroborée par les témoignages des soldats exposés aux pluies torrentielles et aux engelures dans les tranchées. « Nous avons constaté que la mortalité en Europe a atteint un pic à trois reprises durant la guerre, explique More, et ces pics se sont produits pendant - ou peu de temps après - des périodes froides et de fortes pluies causées par des afflux extrêmement inhabituels d'air océanique pendant les hivers 1914-15, 1915-16 et 1917-18 ; le tout créant une anomalie telle qu'on n'en observe qu'une fois par siècle. »

Climat et pandémie : mauvais ménage

Concernant la grippe espagnole, des études passées suggèrent qu'elle serait arrivée en Europe depuis l'Asie de l'Est sous une forme modérée. Elle aurait ensuite muté en une forme plus virulente sur le front suite à son exposition au gaz de chlore, avant de se répandre à l'international. Néanmoins, les chercheurs pensent que le climat exceptionnel de la période aurait également contribué à allonger la liste des victimes de la maladie. 

« L'une des choses que nous avons apprises lors de la pandémie de Covid-19 est que les virus semblent rester viables plus longtemps dans l'air humide que dans l'air sec. Il est donc logique que la transmission du virus ait pu être accélérée si l'air en Europe était plein d'humidité durant cette période de la première guerre mondiale, commente le directeur du programme de santé publique mondiale au Boston College, Philip Landrigan, qui n'a pas pris part à l'étude. Je pense que c'est une étude très convaincante et provocatrice qui nous fait réfléchir à l'interaction entre les maladies infectieuses et l'environnement d'une nouvelle manière. » Sans surprise, cette étude et la pandémie de Covid-19 donnent matière à réfléchir sur les conséquences à venir du réchauffement climatique...