Les enfants sont moins touchés par les formes graves de la Covid-19 que les adultes, ne développant, pour la plupart, que de légers symptômes, voire même aucun. Quels sont les paramètres pour expliquer une réponse immunitaire différente selon l’âge des individus ? Les chercheurs se sont intéressés à l’immunité innée, moins étudiée que la réponse immunitaire adaptative.


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    Pourquoi les enfants sont-ils moins sujets aux formes critiques de Covid-19 que les adultes ? Cette question est étudiée par de nombreux scientifiques depuis le début de la pandémie. Plusieurs pistes intéressantes se dessinent, suggérant notamment des différences au niveau des réponses immunitaires qui se mettent en place à la suite de l'infection par le SARS-CoV-2. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l'Inserm, de l'Université d'Angers et du CHU d'Angers, membres ou partenaires du Centre de recherche en cancérologiecancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA) ont montré que la réponse interféron, qui fait partie de la réponse immunitaire innée n'est pas la même selon l'âge des patients. Les résultats ont été publiés dans la revue Frontiers in Immunology en novembre 2021.

    Les symptômes de la Covid-19 varient grandement d'une personne à l'autre. Si certains individus sont asymptomatiques après avoir été infectés par le SARS-CoV-2, d'autres développent des formes graves de la maladie, pouvant aller jusqu'au décès. Dès le début de la pandémie, l'âge a été identifié comme facteur de risquefacteur de risque majeur de faire une forme sévère de Covid-19. Contrairement aux adultes, et notamment aux personnes âgées qui sont très vulnérables à l'infection, les enfants ne présentent généralement aucun signe clinique de la maladie (ou seulement des symptômes légers). De nombreuses équipes de recherche cherchent à comprendre quels paramètres de la réponse immunitaire pourraient expliquer cette différence de vulnérabilité au virusvirus entre les personnes âgées et les plus jeunes.

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    Dans ce travail collaboratif, les chercheurs et chercheuses de l'Inserm et de l'Université d'Angers au sein du Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers ainsi que des laboratoires de Virologie et d'Immunologie du CHU d'Angers, ont émis l'hypothèse que les enfants seraient protégés en raison d'une réponse immunitaire innée locale plus forte, au niveau de la muqueusemuqueuse nasopharyngée. Jusqu'ici l'immunitéimmunité innée face à la Covid-19 a été moins étudiée que la réponse immunitaire adaptative.

    Le saviez-vous ?

    Quelques rappels sur la réponse immunitaire

    • L’immunité innée est la réponse immédiate qui survient localement, au point d’entrée d’un micro-organisme pathogène, chez tout individu, et ce, même en l’absence d’un contact antérieur avec ce micro-organisme. Il s’agit de la première barrière de défense vis-à-vis des agents pathogènes. En cas d’infection virale, elle fait principalement intervenir des cellules « Natural Killer » qui tuent les cellules infectées par un virus. Elle induit aussi la production des interférons par les cellules infectées, et ces interférons protègent les cellules voisines de l’infection. 
    • L’immunité adaptative est une réponse qui mettra 5 à 7 jours avant d’être protectrice, lorsque le pathogène est rencontré pour la première fois (primo-infection) mais sera efficace plus rapidement lorsque le pathogène a déjà été rencontré (on parle de réponse mémoire). En cas d’infection virale, elle fait intervenir deux types de cellules immunitaires protectrices : des lymphocytes B producteurs d’anticorps qui se fixent au virus et le « neutralisent », c’est-à-dire empêchant son entrée dans les cellules et favorisant son élimination, et des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques qui tuent les cellules infectées. Les lymphocytes B et T reconnaissent des structures protéiques (du virus) appelées antigènes. 

    Après une infection virale ou une vaccination, le taux des anticorps et des lymphocytes reconnaissant le virus diminue dans le temps. Néanmoins, des lymphocytes B et T dit « mémoires » demeurent et patrouillent. Ils agiront plus vite et plus efficacement lors d’un contact ultérieur avec le même virus.

    Les interférons ne répondent pas de la même façon

    Dans leurs travaux, les scientifiques ont analysé les prélèvements nasopharyngés de 226 personnes venues réaliser un test PCRtest PCR dans un centre de dépistagedépistage « drive » au CHU d'Angers de mars 2020mars 2020 à mars 2021.  Parmi ces individus, 147 étaient infectés par le SARS-CoV-2.  « L'originalité de nos travaux est de ne pas avoir présélectionné les participants, pour ne pas biaiser les résultats, mais aussi de nous intéresser à l'immunité innée, et plus précisément à la réponse interféron », souligne Yves Delneste, chercheur Inserm ayant participé à cette étude.

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    Covid-19 : les réponses immunitaires sont différentes dans la muqueuse nasale et dans le sang

    Lorsque des cellules sont infectées par un virus quel qu'il soit, elles produisent rapidement des interférons (IFN) de type I (IFN-α/β) et de type III (IFN-l), qui sont de puissantes molécules antiviralesmolécules antivirales naturelles. On les appelle interférons car elles « interfèrent » avec la réplicationréplication du virus et protègent les cellules voisines de l'infection.

    Ces interférons ont tous une activité antivirale, mais leurs modes d'action ne sont pas redondants. En effet, chacun induit une réponse antivirale d'intensité et de duréedurée différente et agit de façon différente mais complémentaire sur la réponse immunitaire.

    Les interférons de type III, qui agissent principalement en protégeant localement l’épithélium, pourraient contrôler l’infection au point d’entrée

    Une réponse interféron insuffisante ou inadaptée ne permettra pas de contenir la réplication du virus ou pourra favoriser une réponse immunitaire pathologiquepathologique comme, par exemple, un emballement du système immunitairesystème immunitaire comme on le voit dans les formes graves de Covid-19.

    L'analyse des échantillons étudiés par l'équipe de recherche révèle que, chez les sujets infectés par le SARS-CoV-2, les profils d'expression des interférons de type I (IFN- α/β) et de type III (IFN-l) diffèrent avec l'âge. Ainsi, les enfants âgés de moins de 15 ans ont une expression accrue d'interférons de type III, molécules peu inflammatoires et d'action locale, qui contrôlent le virus localement au niveau de son point d'entrée, dans la muqueuse nasopharyngée. À l'inverse, les adultes, et en particulier les personnes âgées, expriment préférentiellement des interférons de type I, qui sont inflammatoires et ont une action plus systémique (dans tout l'organisme).

    Chez les enfants, la réponse immunitaire innée locale est plus forte et se situe au niveau de la muqueuse nasopharyngée. © Inserm
    Chez les enfants, la réponse immunitaire innée locale est plus forte et se situe au niveau de la muqueuse nasopharyngée. © Inserm

    « Ces résultats contribuent à expliquer pourquoi les enfants seraient moins sujets aux formes critiques de Covid-19 que les adultes. Les interférons de type III, qui agissent principalement en protégeant localement l'épithéliumépithélium, pourraient contrôler l'infection au point d'entrée, sans induire d'inflammationinflammation excessive généralisée, et éviter ainsi un glissement vers la tempêtetempête inflammatoire avec une destruction cellulaire massive que l'on voit dans les formes graves », soulignent Pascale Jeannin, professeure des universités et praticienne hospitalière, et Dominique Couez, professeure des universités, à Angers, qui ont dirigé ces travaux.

    En s'appuyant sur ces résultats, les scientifiques vont désormais mener une étude prospective pour évaluer si, chez les enfants qui présentent des signes cliniques de la maladie, les caractéristiques de la réponse interféron associée aux formes graves chez l'adulte sont présentes et si elles peuvent permettre de prédire l’évolution de l'infection.


    Covid-19 : des enfants développent des anticorps sans être testés positifs au virus

    Article de Emma HollenEmma Hollen, publié le 22 septembre 2020

    Une famille australienne a récemment offert un aperçu inattendu aux chercheurs quant à la manière dont le coronaviruscoronavirus infecte les plus jeunes. La majorité des enfants serait en effet capable de développer des anticorpsanticorps en présentant des niveaux d'infection indécelables.

    La pandémie de coronavirus a été constellée depuis ses débuts de retournements de situation et de développements inattendus. Globalement immunes aux effets les plus délétères du virus, les enfants ont fait l'objet d'une couverture moindre que les patients adultes atteints par la maladie, mais leur cas n'en est pas moins intéressant, ainsi que le révèle une nouvelle découverte. Les jeunes frères et soeurs d'une famille australienne auraient en effet développé des anticorps spécifiques au coronavirus sans pour autant avoir été testés positivement. Explications.

    Les bénéfices sans les inconvénients

    Lorsque Leila Sawenko et son compagnon Tony Maguire se rendirent sans leurs enfants au mariage d'un ami en mars dernier, ils ne se doutaient pas qu'ils y contracteraient la Covid-19. « Ce n'est qu'une semaine après notre retour de Sydney que nous avons commencé à ressentir l'effet d'une gueule de boisbois mêlée de décalage horaire -- la tête lourde et plus fatigués que d'habitude », commente Sawenko. Convaincus d'avoir transmis le virus à leur fille et leurs deux fils pendant l'intervalle durant lequel la maladie ne s'était pas encore déclarée, le couple fit passer un test à toute la famille... et obtint des résultats inattendus. 

    Les retours d'analyse se révélèrent négatifs pour les trois enfants, en dépit de l'exposition constante à leurs parents (la plus jeune dormantdormant régulièrement avec eux). Les personnels médicaux leur demandèrent alors de réitérer ces tests, notamment pour leurs deux fils, qui présentaient des symptômes modérés, mais une fois de plus, les résultats revinrent négatifs. Intrigués, les chercheurs décidèrent donc de prendre le relais avec des prélèvements plus exhaustifs et réguliers et firent une découverte étonnante : les enfants avaient développé des anticorps au virus suffisamment solidessolides pour éloigner la maladie, sans pour autant avoir jamais été testés positifs.

    Leila Sawenko, Tony Maguire et leurs enfants. © MCRI
    Leila Sawenko, Tony Maguire et leurs enfants. © MCRI

    Plus forts que les adultes ?

    « La plus jeune, qui est demeurée asymptomatique tout du long, présente la réponse immunitaire la plus forte », s’étonne l’immunologue Melanie Neeland, du Murdoch Children's Research Institute (MCRI). « En dépit de la réponse immunitaire active chez tous les enfants, les niveaux de cytokinescytokines -- des messages moléculaires présents dans le sang et capables de déclencher une réaction inflammatoire -- demeuraient faibles, ce qui semblent cohérent au vu de leurs symptômes modérés, voire inexistants. »

    Les chercheurs doivent encore comprendre les mécanismes ainsi que les implications de cette découverte étonnante, mais ce qui est sûr, c'est que celle-ci a le pouvoir d'apporter un éclairage nouveau sur la manière dont le virus infecte les plus jeunes. Leur hypothèse est que le système immunitaire des enfants serait en mesure de déclencher une réponse si efficace que la présence du virus dans leur organisme en deviendrait indécelable. Si tel est le cas, ces résultats soulignent également les limitations des tests actuellement à disposition pour détecter la présence du virus. N'oublions néanmoins pas que les cas d'infections graves chez les enfants et les nourrissons existent et qu'il reste important de protéger tout le monde sans discrimination d'âge.


    Covid-19 : la réponse immunitaire des enfants décryptée

    Article de Julie KernJulie Kern, publié le 22 septembre 2020

    La Covid-19 touche toutes les tranches d'âge mais pas de la même façon. Pour essayer de comprendre l'origine des différences entre les symptômes pédiatriques et ceux des adultes, des chercheurs ont décortiqué plusieurs aspects de la réponse immunitaire des jeunes et des moins jeunes.

    La Covid-19 s'exprime différemment chez les enfants et les adolescents que chez les adultes. Les cas pédiatriques (patients âgés de moins de 21 ans) sont souvent plus modérés. Une minorité de cas évolue vers une détresse respiratoire, contrairement aux adultes, ou vers un syndrome inflammatoire généralisé (MIS-C), une complication de la Covid-19 récemment décrite chez les jeunes.

    Au delà des facteurs de comorbiditécomorbidité qui apparaissent parfois avec l'âge, les scientifiques cherchent à comprendre pourquoi la Covid-19 prend des formes si différente selon l'âge. Dans une publication récente parue dans Science Translational Medecine, les scientifiques ont séparé les 60 cas pédiatriques et les 65 cas adultes de Covid-19 en cinq groupes. Le premier groupe rassemble les cas pédiatriques qui ne nécessitent pas de ventilationventilation (n=41), le groupe 2 les cas pédiatriques avec un MIS-C (n=20), le groupe 3 des adultes malades mais qui n'ont pas eu besoin de ventilation (n=33), puis le groupe 4 les adultes en détresse respiratoire sévère (n=27). Enfin, le dernier groupe concerne des cas pédiatriques qui n'ont pas évolué sur une MIS-C mais une détresse respiratoire. Seuls 4 cas sont compris dans ce groupe.

    Les caractéristiques de la réponse immunitaire, à savoir les cytokines sécrétées, les cellules immunitaires et la nature des anticorps sécrétés ont été analysés et comparés entre les cinq groupes pour essayer d'expliquer les différentes formes de Covid-19.

    Des cytokines différentes chez les jeunes que chez les adultes

    La première différence majeure entre les cas pédiatriques et les cas adultes est la nature des principales cytokines produites en réponse à l'infection. Chez les patients les plus jeunes, on observe une production accrue d'IL17A et d'IFN-γ dans le sérumsérum. Les scientifiques ont montré que la sécrétionsécrétion de ces deux cytokines était négativement corrélée avec l'âge des patients. Pour faire simple, plus le patient est âgé, moins il les sécrète.

    IL-17A et l'IFN-γ semblent être deux cytokines clés qui protègent les cas pédiatriques des complications pulmonaires qui font tant de dégâts chez les adultes. IL-17A est produite par un large panel de cellules immunes allant des lymphocyteslymphocytes T aux cellules de l'immunité innée. L'IFN-γ est synthétisée essentiellement par les lympocytes T et les cellules Natural Killer.

    Il existe aussi une différence entre les jeunes patients ayant une MIS-C et ceux n'en ayant pas. La survenue de la MIS-C est liée à un taux élevé d'IL-6 et d'IFN-γ. IL-6 est une cytokine connue pour son action pro-inflammatoire, ce qui est en accord avec la survenue de la MIS-C, un syndromesyndrome inflammatoire qui touche plusieurs organes.

    En haut, les diagrammes indiquent la production d'IL-6, d'IFN-ϒ et IL-17A. En bas, la courbe de la production de cytokine en fonction de l'âge. © Carl A. Pierce et al. <em>Science Translational Medecine</em>
    En haut, les diagrammes indiquent la production d'IL-6, d'IFN-ϒ et IL-17A. En bas, la courbe de la production de cytokine en fonction de l'âge. © Carl A. Pierce et al. Science Translational Medecine

    Les anticorps neutralisants plus présents chez les adultes

    Du côté des anticorps, ils sont aussi bien dirigés contre la fameuse protéineprotéine S du virus chez les enfants que chez les adultes. La divergence se trouve dans leur pouvoir neutralisant. L'activité neutralisante des IgG est beaucoup plus faible chez les cas pédiatriques que chez les adultes. La capacité neutralisante des immunoglobulinesimmunoglobulines est corrélée positivement avec l'âge et négativement avec celle d'IL-17A et d'IFN-γ.

    Cette étude suggère donc qu'une réponse immune médiée par les cellules sécrétant l'IL-17A et l'IFN-γ permet une meilleure résolutionrésolution de la maladie. Néanmoins, cette étude ne prétend pas clore le débat sur ce sujet, elle possède plusieurs limites comme des variations de certains résultats dues à la petite taille des groupes ou aux traitements reçus par les patients au cours de leur hospitalisation qui ont pu altérer certaines expériences.