La galaxie fantôme Antlia 2 a laissé des vagues dans la Voie lactée

Par Laurent Sacco
Journaliste
Le 22/06/2019

La galaxie naine ultradiffuse, découverte récemment en orbite autour de notre Galaxie avec la mission Gaia, serait bien responsable d'ondulations dans la répartition de la matière dans le disque de la Voie lactée. Des simulations numériques suggèrent même qu'Antlia 2 serait entrée en collision avec notre Galaxie.

[EN VIDÉO] Mission Gaia : la Voie lactée bientôt cartographiée
La mission Gaia de l'ESA a mesuré les positions et les vitesses d'un milliard d'étoiles dans la Voie lactée. Cela va permettre de reconstituer l'histoire de notre Galaxie, de mieux connaître sa structure mais aussi de partir à la chasse à la matière noire et aux exoplanètes.
 

Les observations faites notamment avec le télescope Hubble nous ont appris que les collisions de galaxies ne sont pas rares dans l'Univers observable. On a de bonnes raisons de penser que les fusions, qui les accompagnent parfois, ont permis la croissance des galaxies naines qui sont nées au cours des premières centaines de millions d'années après le Big Bang.

Notre Voie lactée doit être le produit de ces fusions et elle doit garder les traces des rencontres récentes avec d'autres galaxies dans les caractéristiques de son disque d'étoiles et de gaz. Les astronomes et les cosmologistes, cherchant à comprendre l'histoire du cosmos, ont donc décidé de se muer pour certains d'entre eux en archéologues galactiques. L'un de leurs outils principaux actuellement pour fouiller dans les strates galactiques est la mission d'astrométrie Gaia de l'ESA.


Sukanya Chakrabarti est professeur de physique et d'astrophysique au RIT (Rochester Institute of Technology). Elle essaye de comprendre le côté sombre de l'Univers, en particulier cette chose mystérieuse que nous appelons « matière noire ». Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ».© TEDx Talks

Les premiers résultats de ce satellite, qui permet de mesurer avec une précision inédite les positions et les vitesses d'un grand nombre d'étoiles dans la Galaxie et dans sa banlieue proche, ont confirmé récemment et indirectement une prédiction faite il y a une décennie par l'astronome Sukanya Chakrabarti.

Une méthode pour découvrir des galaxies naines très peu lumineuses

Il existait bien une galaxie naine diffuse, et même très fortement ultradiffuse, riche en matière noire, non loin de notre Galaxie, passée inaperçue jusque-là car très peu lumineuse, et qui perturbait indirectement par sa proximité et son champ de gravitation le disque de gaz formé d'hydrogène atomique de la Voie lactée. La nouvelle galaxie naine en orbite autour de notre Galaxie a reçu le nom d'Antlia (« la pompe », dérivé du grec ancien ἀντλία) 2 , car elle s'ajoute à une autre galaxie naine découverte il y a plus longtemps et portant le nom d'Antlia. On peut les observer justement dans la constellation peu lumineuse de l'hémisphère Sud établie par Nicolas-Louis de Lacaille au XVIIIe siècle et qu'il a appelée La Machine pneumatique.

Antlia 2 est à environ 422.000 années-lumière de la Voie lactée, elle est donc plus loin que le Grand Nuage de Magellan, mais son diamètre est comparable (environ 14.000 années-lumière) et sa luminosité est 10.000 fois moindre, ce qui explique qu'on ait mis autant de temps pour découvrir et établir sa présence.

Sukanya Chakrabarti et ses collègues ont utilisé les dernières données de Gaia pour nourrir des simulations numériques. Elles confortent l'hypothèse que l'influence gravitationnelle de la galaxie naine serait bien responsable des ondulations dans la répartition du gaz d'hydrogène atomique dans la partie externe du disque de la Voie lactée. Surtout, Antlia 2 serait même entrée en collision avec notre Galaxie dans un passé pas si lointain, comme l'expliquent les chercheurs dans un article disponible sur arXiv.

Chakrabarti pense que ce travail peut aider à développer des méthodes pour chasser des galaxies naines riches en matière noire et très peu lumineuses. On sait en effet que le modèle cosmologique standard prédit l'existence de plus de galaxies naines satellites des grandes galaxies qu'il n'en est observé. Elles sont peut-être là mais difficiles à débusquer comme Antlia 2. Enfin, les caractéristiques de la galaxie naine et son effet sur la Voie lactée sont fonction des modèles de matière noire utilisés et donc, elle pourrait servir de laboratoire pour tester ces modèles.