La science-fiction repose parfois sur des données scientifiques crédibles, comme c'est le cas dans nombre de romans d'Arthur Clarke. Peut-on en dire autant avec la question des voyages dans le temps du dernier opus du MCU avec les Avengers ?


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    Cela faisait des mois et des mois que tout indiquait que le voyage dans le temps était un élément clé de la trame de l'histoire de Avengers : Engame. Depuis le lancement du MCU (Marvel Cinematic Univers), les scénaristes des films ont tenté de rendre crédibles les pouvoirs de leurs superhéros en se basant sur la science, d'Iron Man à Docteur Strange en passant par Thor. Sans spoiler le film, on peut se pencher sur cette question au regard de la science du XXIe siècle.

    Inutile de dire que comme dans toutes les œuvres de science-fiction faisant usage du voyage dans le temps, il existe déjà une grosse difficulté avec la logique avant la physique. On tombe bien évidemment sur la question du paradoxe du grand-père, c'est-à-dire sur la contradiction qui consisterait à remonter dans le temps pour empêcher son grand-père d'exister avant qu'il ne puisse assurer la descendance future qui va ensuite voyager dans le passé. Par contre, il n'y aurait pas de contradiction si l'on voyageait dans le temps pour se retrouver dans la situation de provoquer cette descendance qui, sinon, ne serait pas arrivée. On serait alors en présence de ce que des physiciensphysiciens comme Igor Novikov, Kip Thorne et Stephen HawkingStephen Hawking ont appelé des boucles temporelles autocohérentes.

    Le voyage dans le temps et les mondes multiples quantiques

    Malheureusement, tout l'intérêt des voyages dans le temps en science-fiction c'est souvent de produire des incohérences logiques en supprimant des évènements désagréables dans le passé. Mais si de tels évènements ne sont pas arrivés, on retrouve le paradoxe du grand-père puisqu'il ne s'est jamais rien produit qui conduise à vouloir remonter dans le temps pour effectuer des changements.

    Il existe une solution logique à ce paradoxe en supposant l'existence d'une certaine physique. En l'occurrence, l'existence d'Univers parallèles bien particuliers dans une des versions de la mécanique quantique, dont le cosmologiste Max Tegmark nous avait parlé, l’interprétation des mondes multiples d’Everret.

    Le physicien David Deutsch, grand spécialiste des questions de l'information quantique et de la théorie des mondes multiples. © David Deutsch
    Le physicien David Deutsch, grand spécialiste des questions de l'information quantique et de la théorie des mondes multiples. © David Deutsch

    C'est le physicien David Deutsch, l'un des chercheurs à l'origine de la notion d'ordinateur quantique, qui a fourni la seule solution connue au paradoxe du grand-père. Rappelons que dans le cadre de la théorie des mondes multiples d'Everett, l'Univers serait en fait une sorte de multivers avec toutes les alternatives possibles réalisées dans une infinité de mondes parallèles. Lorsqu'un voyage dans le temps se produit, s'il est possible bien sûr, on ne pourrait déboucher que dans un de ces mondes parallèles et changer son propre passé serait donc impossible. On ne pourrait que modifier celui d'un des Univers parallèles où d'autres versions de soi-même ont déjà eu des histoires légèrement différentes. L'intérêt est donc discutable.

    Mais supposons que par une sorte de conviction éthique, on veuille néanmoins supprimer dans les myriades de branches du multivers tous les évènements désagréables. Les mêmes lois de la physique connues permettent-elles de remonter dans le passé de l'espace-tempsespace-temps, fut-il avec des bifurcationsbifurcations et des copies multiples ?


    Les Avengers mettent au point un plan d'attaque dans ce premier extrait en VF. Avengers : Endgame, dès le 24 avril au cinéma. © Marvel FR

    Il se trouve que cette question du voyage dans le temps a été considérée sérieusement par des scientifiques et en particulier par le prix Nobel de physique Kip Thorne. Pour faire court, on peut dire que la solution la plus crédible au problème du voyage dans le temps, dans le cadre de la physique moderne, serait de réaliser des trous de ver. Malheureusement, dans le cadre des théories de gravitation quantiquegravitation quantique standard, l'énergieénergie nécessaire pour créer et maintenir ouvert des tunnels dans l'espace-temps pour voyager dans le passé, dans le futur et même dans l'espace est absolument gigantesque.

    À moins que la fameuse massemasse de PlanckPlanck donnant l'échelle d'énergie où doivent commencer à se manifester les effets de la gravitation quantique soit beaucoup plus basse que prévu...

    Un trou de ver connectant deux régions de l'espace-temps permettrait, en théorie, de voyager en n'importe quel point de l'espace et du temps instantanément ou presque. © Wikipédia Commons
    Un trou de ver connectant deux régions de l'espace-temps permettrait, en théorie, de voyager en n'importe quel point de l'espace et du temps instantanément ou presque. © Wikipédia Commons

    Des trous de ver quantiques traversables ?

    C'est le cas dans certaines théories spéculatives qui ont été testées au LHCLHC et qui impliquaient que l'on puisse y créer des minitrous noirs et, selon certains, des minitrous de ver. Cet espoir a été déçu, ou pour le moins, le phénomène avec une basse masse de Planck ne serait possible qu'à des énergies un peu plus élevées, mais nous n'avons plus de raisons de penser que cette énergie soit de quelques TeV seulement comme c'était le cas.

    Bien évidemment, on pourrait considérer qu'Avengers : Endgame se produit dans un univers parallèle où cette masse de Planck est faible et plus généralement où les lois de la physique sont différentes et permettent les miracles technologiques irréalisables dans le nôtre.

    Dans un univers comme le nôtre, on devrait toutefois s'attendre à ce qu'au niveau des fluctuations quantiques de l'espace-temps, des trous de ver se forment, connectant des évènements microscopiques dans le temps et permettant donc à certaines particules de remonter dans le passé ou de voyager dans le futur.

    On pourrait donc envisager, à première vue, de miniaturiser un être humain et de le faire voyager à travers ces portesportes spatiotemporelles miniatures. Sauf qu'il n'existe aucun moyen connu de miniaturiser un objet en faisant varier sa taille. Et cela entre même en contradiction avec la mécanique quantique qui nous dit qu'en dessous d'une certaine taille, de l'ordre de celle des atomesatomes - qui sont incroyablement plus grands que les possibles trous de ver quantiques de l'espace-temps au niveau de la fameuse structure en écume de John Wheeler - la matièrematière se comporte de façon quantique justement. L'objet à miniaturiser se confondrait avec le flou quantique et n'aurait plus les structures classiques bien définies... Ou alors, il faut envisager d'aller encore plus loin en direction d'une nouvelle physique en admettant que les lois de la mécanique quantique peuvent être abolies et contrôlées à volonté...

    Un dernier problème, comment faire pour s'orienter dans les bons trous de ver quantiques et atteindre un point de l'espace-temps donné ? Là aussi, pas de réponse.