Considéré comme le plus grand sultan de l’empire ottoman, Soliman surnommé « le Magnifique » par les Occidentaux, « le Législateur » ou « le Grand » par les Turcs, règne de 1520 à 1566. Son immense territoire s’étend des Balkans jusqu’à la Perse et comprend la majorité des rivages d’Afrique du nord et de la mer Rouge. L’empire ottoman est fondé par les Turcs sur les ruines de l’empire byzantin : il se situe entre Europe et Asie et a pour capitale Constantinople.
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Soliman est reconnu comme l'un des monarques les plus éminents du XVIe siècle : il symbolise l'apogée de la puissance économique, politique et culturelle de l'empire ottoman. Il instaure des changements législatifs décisifs qui concernent la société, l'économie, le système judiciaire et l'éducation. Son code pénal général (le « Kanun »)) fixe la forme juridique de l'empire ottoman pour plusieurs siècles. Soliman est également un mécène qui supervise l'art, la littérature et l'architecture ottomane : il est renommé pour avoir soutenu une série de monumentaux développements architecturaux (mosquée Süleymaniye), qui placent Constantinople au centre de la civilisation islamique. Soliman fait également restaurer le dôme du Rocher et les mursmurs de Jérusalem ainsi que la Kaaba de La Mecque.
Les raisons d'une alliance
Dès son avènement en 1520 et profitant de la guerre qui s'engage entre François Ier et Charles Quint, Soliman reprend la politique d'expansion de son père Selim, vers deux aires géographiques bien déterminées : le Danube et la Méditerranée. En 1521, il s'empare de la ville de Belgrade qui est une place forte stratégique puis part à la conquête de Rhodes en 1522. L'île occupée par les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, sert de base aux corsaires chrétiens qui paralysent le trafic des navires marchands turcs et la route des pèlerins musulmans. Après un siège de cinq mois, Rhodes signe sa capitulation et Soliman acquiert la maîtrise de toute la Méditerranée orientale grâce à la prise de l'île.
En 1525, Charles Quint est victorieux de François IerFrançois Ier à Pavie (Italie) : le roi de France est fait prisonnier et envoyé à Madrid où il reste détenu pendant un an, en attendant le versement d'une rançon et la signature du traité de Madrid en janvier 1526, qui lui fait renoncer provisoirement à ses prétentions sur la péninsulepéninsule italienne. Pendant la captivité du roi de France, sa mère Louise de Savoie envoie deux ambassades à Soliman afin d'obtenir une alliance avec le sultan ottoman. François Ier souhaite se rapprocher de la seule puissance qui puisse vraiment inquiéter Charles Quint, dont l'immense territoire européen encercle le royaume de France. En 1528, un premier accord est conclu entre les deux souverains ; lorsque Soliman poursuit son expansion vers les frontières de l'empire germanique, l'Occident chrétien est persuadé qu'il s'agit d'un plan stratégique préparé conjointement par le roi de France et le sultan ottoman. François Ier réussit à contrer la propagande qui fait de lui le « très chrétien bourreau de la Chrétienté » en obtenant de Soliman des assurances sur la sécurité des lieux de culte.
Soliman entre Europe et Asie
Sous Charles Quint et son frère Ferdinand archiduc d'Autriche, les Habsbourg occupent Buda et la Hongrie. En 1529, Soliman remonte le Danube et prend la ville de Buda avant de tenter le siège de Vienne. Avec une armée de 16.000 hommes, les Autrichiens infligent sa première défaite à Soliman, inaugurant une rivalité entre Ottomans et Habsbourg qui va durer jusqu'à la Première Guerre mondiale. L'échec de Soliman devant Vienne représente l'apogée de la puissance ottomane et de son extension territoriale en Europe.
Après avoir « sécurisé » ses frontières européennes, Soliman choisit de se tourner vers la Perse (Iran), estimant que la dynastie des Safavides représente une menace pour l'empire ottoman. Le shah a fait assassiner le gouverneur de Bagdad, loyal à Soliman ; en 1533, Soliman ordonne à son grand vizir Ibrahim Pacha de mener une armée en Asie. En 1534, Soliman et Ibrahim Pacha font une poussée vers la Perse et la ville de Bagdad (Irak actuel) tombe en 1535, ce qui confirme Soliman comme « commandeur des croyants » et successeur légitime des califes abbassides de Bagdad.
Deux circonstances ramènent Soliman vers l'Occident : les offensives de Charles Quint en direction du Maghreb et les sollicitations de François Ier pour une alliance politique. En 1535, le roi de France envoie une délégation diplomatique à Constantinople, pour proposer à Soliman une opération navale conjointe contre Gênes, qui est la principale base maritime de Charles Quint en Méditerranée. L'ambassadeur de France Jean de la Forest a reçu des instructions militaires secrètes visant à organiser cette offensive commune et l'empire ottoman va fournir un soutien financier considérable au roi de France (peut-être 100.000 ducats ?). Des opérations navales conjointes se poursuivent jusqu'à la mort de François Ier, puis sous son successeur Henri II. L'Afrique du nord devient un lieu stratégique car les flottes ottomanes sont basées dans les ports d'Alger et Tunis. Le corsaire Barberousse est le grand amiral de la flotte de Soliman : il est considéré comme le fondateur de la Marine ottomane.
L’alliance franco-ottomane
En février 1536, un traité d'alliance en bonne et due forme est conclu : connu sous le nom de « Capitulations », ce traité offre à la France un droit de représentation permanente avec ambassade et consulat, ainsi que des avantages commerciaux avec la « Sublime PortePorte » (siège du gouvernement du sultan de l'empire ottoman). Qualifiée d'« alliance impie » en Occident, il s'agit de la « première alliance diplomatique non idéologique, entre un empire chrétien et un empire non chrétien ». L'ambassadeur Jean de la Forêt négocie sur le modèle d'accords commerciaux précédemment signés par Venise et Gênes avec l'empire ottoman. Les « Capitulations » permettent aux Français d'obtenir des garanties concernant la sécurité des biens et des personnes et un quasi-monopole sur le commerce avec l'Orient. Les vaisseaux étrangers sont autorisés à commercer avec la Turquie mais sous bannière française et après paiement de taxes. Les Français peuvent pratiquer leur religion dans l'Empire ottoman et se voient confier la garde des lieux saints. Les « Capitulations » sont renouvelées en 1604 et maintenues jusqu'à la naissance de la république de Turquie en 1923.
Les conséquences de l'alliance entre la France et l'empire ottoman sont multiples : elle remet en question la puissance des Habsbourg en Europe, elle permet l'augmentation des échanges culturels et commerciaux entre les deux Etats. Elle offre à l'empire ottoman un poids important sur la balance des forces politiques européennes.