À mesure que les moyens terrestres et spatiaux se modernisent, les scientifiques sont capables de recenser les géocroiseurs les plus menaçants pour la Terre. Mais si un de ces objets, à l'image d'Apophis, devait entrer en collision avec la Terre, laquelle des trois techniques de protection planétaire à l'étude aurait le plus de chance de nous protéger ? Une équipe de l'Institut de technologie du Massachusetts a peut-être la réponse.


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    La défense planétaire est un sujet de préoccupation au sein des agences spatiales. En 2007, la Nasa a conclu dans un rapport soumis au Congrès américain que dans le cas où un astéroïde se dirigerait vers la Terre, le moyen le plus efficace de le dévier serait d'utiliser une bombe nucléaire. Cela dit, si l'idée de faire exploser une charge nucléaire à proximité de l'objet (Near Earth Object)), en espérant que l'onde de choc modifie sa trajectoire, progresse chez les Américains, côté Européens, elle est plus ou moins abandonnée. Diplomatiquement, il sera très difficile à l'ESA de faire accepter ce scénario à certains de ses États membres, dont l'Allemagne, ventvent debout contre l'utilisation de l'énergie nucléaire. La deuxième option est celle d'un impacteur cinétique qui consiste à lancer un engin à très grande vitessevitesse afin de percuter l'astéroïde menaçant de façon à le dévier de sa trajectoire. Il s'agit de la solution la plus simple et techniquement réalisable dans des délais assez courts. Quant à la troisième et dernière option, il s'agit de modifier gravitationnellement la trajectoire d'un astéroïde par une sonde volant en formation. Bien qu'elle soit jugée efficace sur le papier cette technique nécessite des technologies qui ne sont pas suffisamment matures pour la mettre en œuvre.

    Mais, laquelle de ces trois techniques aurait probablement le plus de succès pour dévier un astéroïde filant droit sur la Terre ? En réponse à cette question, une équipe de scientifiques de l'Institut de technologie du Massachusetts a mis au point un outil capable de déterminer la technique qui aurait les meilleures chances de succès. Étant donné l'ensemble des propriétés incertaines d'un astéroïde, cet outil tient compte de plusieurs paramètres de l'astéroïde dont sa massemasse, sa vitesse, sa proximité avec un trou de serrure gravitationnel ainsi que les incertitudes associées à ces paramètres.

    Dévier un astéroïde, que ce soit par un percuteur cinétique ou en le tractant gravitationnellement, est la solution la plus simple pour se protéger d'un astéroïde filant droit sur la Terre. Du moins s'il est recensé suffisamment tôt. © ESA, Pierre Caril
    Dévier un astéroïde, que ce soit par un percuteur cinétique ou en le tractant gravitationnellement, est la solution la plus simple pour se protéger d'un astéroïde filant droit sur la Terre. Du moins s'il est recensé suffisamment tôt. © ESA, Pierre Caril

    Les deux astéroïdes les plus menaçants 

    Cet outil a été testé sur deux astéroïdes dont on connaît l'emplacement de leur trou de serrure gravitationnel. Il s'agit d'une zone à proximité de la Terre dont le franchissement perturberait gravitationnellement les astéroïdes, ce qui les amènerait sur une trajectoire de collision avec la Terre. Ces astéroïdes sont Apophis, qui doit survoler la Terre en dessous de l'orbite géostationnaireorbite géostationnaire en avril 2029 et Bennu, un astéroïde proche de la Terre et cible de la mission Osiris-Rex de la Nasa qui prévoit de rapporter sur Terre des échantillons de sa surface en 2023.

    Les scientifiques ont passé en revue et évalué laquelle de ces trois techniques serait la plus efficace pour dévier ces astéroïdes en fonction du temps dont les scientifiques disposent pour préparer une mission. Ils ont également simulé différentes distances entre chaque astéroïde et leur trou de serrure respectif et calculé pour chaque astéroïde une région « refuge » où il pouvait être dévié sans aucun risque pour la Terre et éviter de passer à proximité d'un trou de serrure gravitationnel.

    Concernant Apophis, s'il devait passer par un trou de serrure dans cinq ans ou plus, les agences spatiales auraient suffisamment de temps pour envoyer deux sondes de reconnaissance, dont une pour mesurer ses dimensions précises et calculer ses principaux paramètres, avant d'envoyer un impacteur dévier sa trajectoire. Si le passage dans un trou de serrure se produit dans les deux à cinq ans, les agences auraient suffisamment de temps pour envoyer une mission le caractériser afin de dimensionner l'impacteur utilisé pour le dévier. Par contre, si Apophis passe à travers son trou de serrure dans un an, il est trop tard. Aucune mission aurait suffisamment de temps pour l'atteindre et le dévier, quelle que soit la technique envisagée. 

    Quant à Bennu, il est dans un cas similaire. Mieux connu des scientifiques qu'Apophis, une mission de reconnaissance ne sera pas nécessaire. Il sera possible d'envoyer directement une mission d'impact pour le faire dévier de son orbite dangereuse pour la Terre.


    Astéroïdes : comment les dévier pour mieux protéger la Terre ?

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 25/07/2015

    Face au risque (faible mais pas nul) qu'un astéroïde de taille importante frappe la Terre, les agences spatiales étudient les moyens possibles pour protéger la planète. Selon l'idée actuelle, la déviation de l'objet serait la solution la plus pragmatique. Il ne reste plus qu'à acquérir les technologies nécessaires, ce qui n'est pas si simple...

    Parmi les 600.000 astéroïdes connus dans notre Système solaireSystème solaire, environ 10.000 sont classés comme géocroiseursgéocroiseurs et proches de nous (NEA, pour Near Earth Asteroids en anglais), présentant donc une menace pour la Terre. En d'autres termes, soit leur orbite coupe celle de la Terre, soit elle s'en approche si près qu'une modification de cette orbite pourrait les amener sur une trajectoire de collision avec notre Planète.

    Or, si tous les géocroiseurs de plus d'un kilomètre sont connus, seuls 80 % de ceux de 500 mètres, 20 % de ceux de 300 mètres et 10 % de ceux de 100 mètres sont recensés pour l'instant. En raison de l'amélioration des moyens d’observation et de surveillance du ciel, le nombre d'objets potentiellement dangereux pour la Terre ne peut qu'augmenter. D'autant que les progrès réalisés dans les optiques et les CCDCCD (Charge-Coupled Device ou dispositif à transfert de charge) rendent la détection et la caractérisation des astéroïdes à la portée de tous les astronomesastronomes amateurs.

    Avec un tel potentiel de découverte, on ne peut que jouer à se faire peur. Et, bien que les statistiques nous rassurent, le risque de collision étant tout de même voisin de zéro, les agences spatiales ne peuvent pas rester les bras croisés. Aujourd'hui, les scénarios de menaces des NEO sont connus et les exercices de simulation de collision avec la Terre permettent de se faire une idée précise des réponses à apporter pour s'en protéger. Et cette réponse, c'est la déviation, seule solution réaliste.

    Connaître les éphémérides des astéroïdes

    Toutefois, la première priorité est de mieux connaître les éphémérides des astéroïdes afin de permettre de lever les doutes sur des risques de collision. Aujourd'hui, les calculs de trajectoire sont si hasardeux que de nombreux astéroïdes sont annoncés comme impacteurs possibles avant que les scientifiques ne se rétractent. S'il subsiste une incertitude, la caractérisation de l'astéroïde menaçant devient la priorité. Taille, densité, structure interne et composition sont des paramètres essentiels qui détermineront de quelle façon l'astéroïde sera dévié de sa trajectoire.

    Le Cnes veut profiter du prochain passage d’Apophis au-dessus de la Terre, en 2029, pour envoyer une sonde voler en formation avec lui. L’objectif de la mission est de mieux connaître sa structure interne et son comportement aux effets de marée provoqués par la Terre, voire d’être en capacité de le dévier. © DR
    Le Cnes veut profiter du prochain passage d’Apophis au-dessus de la Terre, en 2029, pour envoyer une sonde voler en formation avec lui. L’objectif de la mission est de mieux connaître sa structure interne et son comportement aux effets de marée provoqués par la Terre, voire d’être en capacité de le dévier. © DR

    Trois solutions pour dévier un astéroïde

    La solution de facilité est de faire exploser à proximité de sa surface une charge nucléaire pour le dévier. L'astéroïde ne se fragmentera pas, même ceux constitués d'un empilement de débris. On s'attend à ce que le flux neutronique au contact de sa surface soit en mesure de le dévier de sa trajectoire. Autre méthode : un impacteur lancé à très grande vitesse contre l'astéroïde. Dans ce scénario, les scientifiques prévoient que la zone de l'impact va chauffer et provoquer un dégazagedégazage ce qui, additionné à la force de l'impact, devrait être suffisant pour le dévier de sa trajectoire.

    Enfin, si l'astéroïde est découvert suffisamment loin de la Terre, la troisième idée est celle du tracteur gravitationnel. Un engin suffisamment massif évoluant tout près de l'astéroïde pourrait le faire dévier lentement de sa route. Une technique qui sera testée sur l'astéroïde Apohis dont les possibilités d'impact dans les années à venir sont en débat. A contrario, si l'astéroïde est découvert trop près de la Terre, aucune de ces solutions de déviation n'est envisageable, par manque de temps.

    De toute façon, et c'est là que le bât blesse, aujourd'hui, on ne sait pas dévier un astéroïde. Aucune démonstration n'a été réalisée, à l'exception de la mission Deep Impact de la Nasa qui consistait surtout à creuser un cratère pour en étudier les éjectas. L'urgence est donc d'arriver à une coopération mondiale, de coordonner les efforts d'étude des technologies nécessaires et d'avancer sur les politiques de recherche et de développement afin d'être prêt le jour où une menace sera confirmée. C'est ce que préparent la Nasa et l'Esa avec la mission Aida qui doit dévier un astéroïde inoffensif en 2022.