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L'idée qu'il existe une relation entre la météorologiemétéorologie et les rayons cosmiques, ou plus exactement des flux de particules chargées dans l'atmosphèreatmosphère, est fort ancienne. C'est elle qui a été à l'origine de la première chambre à brouillardbrouillard, créée en 1912 par le physicienphysicien écossais Charles Wilson. En effet, le chercheur pensait que des ions libres, produits par des désintégrations radioactives sur Terre, servaient de germesgermes de nucléation pour la condensation de gouttelettes à partir de la vapeur d'eau.
La même année, Victor Franz Hess, un physicien autrichien et américain, mesure le taux d'ionisation en fonction de l'altitude, avec un électromètre à feuille d'or embarqué dans un ballon. Il constate que ce taux décroît jusqu'à 700 m, puis augmente au-delà. Hess conclut alors que le phénomène des éclairs provient d'un rayonnement d'origine cosmique, extérieur à la Terre, heurtant et ionisant les atomesatomes de la haute atmosphère. Nous savons maintenant qu'il avait raison, comme l'illustre de nos jours le détecteur de rayons cosmiquesrayons cosmiques AMS-02 à bord de l'ISS (Station spatiale internationaleStation spatiale internationale).
L’une des nombreuses images d'éclairs que l'on peut trouver sur le site de la National Oceanic and Atmospheric Administration (Noaa). S'agit-il vraiment de la manifestation d'une gerbe de particules secondaires produite par des rayons cosmiques et traversant un nuage ? © Noaa
Depuis presque vingt ans, le physicien russe Alexander Gurevich pense que non seulement les rayons cosmiques peuvent jouer un rôle dans la formation des nuages, mais surtout qu'ils pourraient bien être à l'origine de la foudre et du déclenchement des éclairséclairs. Les avis sont partagés à ce sujet, mais avec son collègue Anatoly Karashtin, il a conduit de nouvelles études concernant les impulsions radio associées aux éclairs. On connaît ce phénomène depuis un certain temps, mais les deux chercheurs pensent aujourd'hui avoir apporté des preuves supplémentaires en faveur de la théorie du « runaway breakdown », proposée naguère par Gurevich.
La foudre, analogie avec un détecteur de rayons cosmiques
La théorie du « runaway breakdown » reposait initialement sur l'idée que les particules des rayons cosmiques provoquent l'apparition d'une colonne de particules chargées secondaire, un canal ionisé, appelé traceur ou précurseur. C'est ce précurseur qui permet au courant de charges associé à la foudrefoudre de se produire. Les particules cosmiques, en entrant en collision avec les atomes d'un nuagenuage, provoqueraient en effet la formation d'électronsélectrons libres. Ces derniers seraient rapidement accélérés à de hautes énergiesénergies par les champs électriqueschamps électriques, créant de fortes différences de potentiel dans un nuage. Ces électrons, à leur tour, entreraient en collision avec d'autres atomes provoquant, par un phénomène d'avalancheavalanche, la production d'autres électrons accélérés, de positrons ainsi que l'émissionémission de rayons gamma.
Détection de particules cosmiques par les traces qu'elles laissent sous forme d'étincelles dans un détecteur de particules appelé « chambre à étincelles ». © Palais de la découverte, Dailymotion
Dans le cadre de la théorie de Gurevich, le phénomène de la foudre rappelle un peu ce qui se passe dans un détecteur de particules : la chambre à étincelles. Ce dispositif a eu son heure de gloire à peu près en même temps que la chambre à bulles. Elle est constituée d'une série de feuilles métalliques parallèles, entre lesquelles existent des champs électriques. Bien que ces plaques baignent dans un mélange de gazgaz nobles, il s'y produit des étincelles. Elles éclatent aux endroits où passent les particules qui traversent la chambre perpendiculairement aux plaques, celles-ci ayant ionisé le gaz durant quelques microsecondes.
Des hydrométéores amplifient l'effet des rayons cosmiques
Gurevich et Karashtin ont donc à nouveau tenter de convaincre les sceptiques que les impulsions radio détectées à l'occasion des oragesorages sont bien en relation avec des rayons cosmiques. Pour cela, ils ont alors analysé les données correspondant à 3.800 éclairs entre des nuages et le sol, enregistrés en Russie et au Kazakhstan. Obtenues avec un interféromètreinterféromètre radio qui permet de localiser la provenance de ces impulsions, les mesures, de par la forme des signaux collectés, accréditeraient la théorie de Gurevich, selon les deux chercheurs.
Mais comme ils l'expliquent dans leur article publié dans Physical Review Letters, la théorie du « runaway breakdown » n'est possible que si l'on rajoute une hypothèse supplémentaire. Sans elle, les énergies associées aux rayons cosmiques produisant les précurseurs seraient si élevées, que ces rayons seraient bien trop rares pour générer les 40 à 50 coups de foudre frappant le sol de la Terre à chaque seconde. Les deux physiciens ont donc introduit un nouveau mécanisme, lié à la présence dans les nuages d'hydrométéoreshydrométéores (gouttelettes d'eau et cristaux de glace), pour amplifier les décharges électriques et les impulsions radio produites.
Des géophysiciens externes travaillant sur la physiquephysique de la foudre ne sont toujours pas convaincus. D'après eux, il faudrait déjà que l'on constate une corrélation entre la variation des flux de rayons cosmiques, modulés par le cycle solaire de 11 ans, et celle de l'incidenceincidence des orages. Il reste encore bien du travail pour affirmer que l'on a enfin percé complètement le mystère de l'origine de la foudre.