Les scientifiques viennent de réaliser la mesure la plus précise d'alpha. Alpha ? La constante de structure fine, un nombre sans dimension qui représente l'intensité de la force électromagnétique, l'une des interactions fondamentales de l'univers.

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    Gerald Gabrielse, physicien de Harvard à la tête de l'équipe qui a mesuré alpha

    Gerald Gabrielse, physicien de Harvard à la tête de l'équipe qui a mesuré alpha

    Explications et entretien exclusif avec Gerald Gabrielse, physicienphysicien de Harvard à la tête de l'équipe qui a publié ce résultat.

    C'est l'une des constantes fondamentales de l'univers. Apha, appelée constante de structure fine, détermine la force des interactions entre les particules chargées et le champ magnétique. Une formule : e2/c hbar, où e est la charge électrique de l'électron, c la vitesse de la lumière et hbar la constante de Planckconstante de Planck divisée par 2π. Alpha est égale à environ 1/137, et se présente comme un nombre sans dimension, encore plus fondamental que e, la constante de gravitégravité ou même la vitesse de la lumière. Gerald Gabrielse et son équipe de l'université d'Harvard viennent d'améliorer d'un facteur 10 la précision de cette mesure (1) .

    On calcule alpha en mesurant g, le moment magnétiquemoment magnétique de l'électron, et en introduisant cette valeur dans les équationséquations de l'électrodynamique quantiqueélectrodynamique quantique (QED, pour « quantum electrodynamics »), la théorie qui décrit les interactions électromagnétiques entre particules chargées et particules virtuelles constitutives du vide. Résultats : les meilleures mesures de g comportaient jusqu'ici une incertitude de 4 x 10-12 (2) .

    Les physiciens de Harvard on d'abord amélioré la mesure de g : ils ont étudié le mouvementmouvement d'un électron pris individuellement et tenu dans une sorte de piège composé par des électrodesélectrodes chargées et des spires magnétiques ; le « piège » entraîne l'électron dans un mouvement circulaire, et provoque à certains endroits de l'orbiteorbite des oscillations dans la direction du champ magnétique. Schématiquement les transitions d'énergieénergie que cela génère permettent de déduire g. Avec ce dispositif, la précision a été améliorée de presque 0,76 x 10-12 .

    En liaison avec des équipes de l'université Cornell et des laboratoires de Riken au Japon, et en introduisant cette nouvelle valeur de g dans les équations QED, les chercheurs de Harvard ont ensuite réussi à calculer la nouvelle valeur d'alpha. Aujourd'hui 10 fois plus précise qu'hier : quelles conséquences ?

    Entretien exclusif avec Gerald Gabrielse

    Propos recueillis par Tech&Co pour Futura Sciences
    Gerald Gabrielse est Leverett Professor of Physics, Harvard University

    « Les atomes dans l'univers sont un petit peu moins liés entre eux que ce que nous pensions auparavant… »

    Futura Sciences : Quelle est la valeur de cette nouvelle mesure et de sa précision ?
    Gerald Gabrielse : « Notre nouvelle mesure détermine de meilleure façon la constante de structure fine. Avec une précision environ 10 fois supérieure à celle qui a jamais été mesurée, notre expérience fait mieux que toutes les méthodes rivales... »

    Futura Sciences : En quelques mots, comment avez-vous pu obtenir ce résultat ?
    Gerald Gabrielse : « On est parvenu à mesurer beaucoup précisément qu'auparavant le magnétismemagnétisme intrinsèque de l'électron, g. C'est, en quelque sorte, la taille de l'aimantaimant que contient en lui-même un électron. Cette nouvelle mesure, en même temps que des calculs eux-mêmes très précis, détermine la constante de structure fine beaucoup mieux que les méthodes alternatives utilisant des atomesatomes de césiumcésium et de rubidiumrubidium.

    Nous avons travaillé en créant un atome artificiel, dans lequel un électron individuel s'est trouvé lié (en termes d'énergie) avec notre dispositif expérimental. Le dispositif a joué ici le rôle du protonproton dans un atome ordinaire. La principale avancée dans cette "manip" est que nous fumes capables de distinguer clairement dans quel état d'énergie se trouvait l'électron à tous les moments cruciaux de nos mesures. »

    Futura Sciences : Quel est l'enjeu de ces résultats ?
    Gerald Gabrielse : « Déjà, c'est quand même un exploit d'arriver, en 2006, à mesurer deux des constantes les plus fondamentales de l'univers en même temps et avec une telle amélioration de la précision ! L'enjeu d'alpha est capital. Car c'est d'abord un membre éminent de la famille des constantes fondamentales, que l'on utilise directement en science, bien sûr, mais aussi indirectement et sans le savoir dans la technologie et même dans la vie de tous les jours...

    Scientifiquement, mesurer le magnétisme intrinsèque de l'électron comme nous le faisons est une sorte de sommet à gravir pour bien comprendre la structure interne de l'électron. Cela établit une bonne base pour des tests très précis de la théorie de l'électrodynamique quantique. Nous pourrions aussi envisager de redéfinir le kilogrammekilogramme en nous passant du kilogramme réel qui est pieusement conservé au Bureau International des Poids et Mesures à Meudon, près de Paris.

    Enfin, la constante de structure fine est une mesure de la façon dont les atomes sont étroitement liés entre eux. Or notre nouvelle mesure nous dit tout simplement que tous les atomes de l'univers sont un petit peu moins liées entre eux que ce que nous pensions auparavant... »

    (1) : New Determination of the Fine Structure Constant from the Electron g Value and QED, Phys. Rev. Lett. 97 030802
    (2) : New Measurement of the Electron Magnetic Moment Using a One-Electron Quantum CyclotronCyclotron, Phys. Rev. Lett. 97 030801