À l'ère du New Space, toutes les bonnes idées d'utilisation de la donnée spatiale donnent naissance à des projets solides de satellites, dont certains sont réunis en constellations. Parmi les projets les plus innovants, redécouvrons celui du Français Unseenlabs et sa constellation de petits satellites capables de détecter des navires dits invisibles. Cannelle Gaucher, responsable communication d’Unseenlabs, répond à nos questions.
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Dans le domaine de l'observation de la Terreobservation de la Terre depuis l'espace, le New Space a transformé la donnée spatiale en un produit à forte valeur ajoutée. Les progrès technologiques dans la miniaturisation des satellites, combinés à une offre diversifiée de services de lancement, ont donné lieu à l’émergence de nouveaux services et applications, certains particulièrement innovants, touchant des secteurs civils, scientifiques et militaires.
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Cela s'explique en grande partie par l'utilisation de constellations de petits satellites, imaginées, développées et exploitées par des start-upstart-up, dont certaines soutenues par des investisseurs privés. Cette dynamique a ouvert la voie à de nouveaux marchés, certains de niche, suscitant peu l'intérêt des agences spatiales qui n'en percevaient pas pleinement le potentiel.
Une constellation dédiée à la détection et à la géolocalisation des navires en mer
Parmi ces nouveaux services, certains sont français, à l'instar d'Unseenlabs. Cette entreprise a mis en place une petite constellation de satellites dédiée au suivi des navires non coopératifs, fournissant des données de radiofréquences assurant une caractérisation détaillée des navires et une géolocalisation précise. Ces informations trouvent des applications variées à travers le monde, intéressant des entités gouvernementales, des ONG, des assureurs, et bien d'autres. Unseenlabs se positionne en leader mondial dans la détection des signaux radiofréquences depuis l'espace.
Le suivi de navires non coopératifs
Il y a quelques jours, Unseenlabs a lancé deux nouveaux satellites, BRO-10 et BRO-11, à bord d'un lanceur Falcon 9 de SpaceX. Ces satellites sont les dixième et onzième satellites de la constellation Unseenlabs. Concrètement, Unseenlabs parvient à suivre ces navires, indépendamment des conditions météorologiques ou de l'heure de la journée. Cette capacité a des implications significatives dans la lutte contre diverses activités illicites telles que la pêche illégale et le déversement d'hydrocarbures.
Nous donnons la parole à CannelleCannelle Gaucher, responsable communication d'Unseenlabs.
Futura : D’où est venue cette idée de constellation de détection des signaux radiofréquences depuis l’espace ?
Cannelle Gaucher : L'idée de développer une constellation de satellites pour la détection des signaux radiofréquences depuis l'espace a émergé en 2015. Elle est le fruit de la collaboration entre Jonathan et Clément Galic, deux frères et ingénieurs spécialisés dans le secteur spatial. Inspirés par le mouvement NewSpace aux États-Unis, qui a révolutionné l'accès à l'espace grâce à la réduction des coûts et à l'innovation technologique, ils ont envisagé d'exploiter l'expertise de Jonathan en Renseignement d'origine électromagnétique (ROEM). Ils ont perçu l'opportunité de créer un service inédit : la surveillance des navires par la détection de leurs signaux radiofréquences depuis l'espace. En approfondissant leur compréhension des besoins du secteur maritime, ils ont constaté une lacune significative en visibilité sur les océans. Cela les a motivés à se concentrer sur la surveillance maritime, offrant ainsi aux acteurs de ce domaine (gouvernements, assureurs, armateurs, ONG (organisation non gouvernementale), etc.) une nouvelle forme de données pour le suivi et la détection des navires, y compris ceux cherchant à échapper à la détection, afin d'assurer la sécurité maritime et la protection de l'environnement marin.
Futura : La mise au point des satellites a-t-elle été compliquée et nécessitée de nouvelles technologies ?
Cannelle Gaucher : Effectivement, le développement de nos satellites a présenté des défis complexes et nécessité des innovations technologiques majeures. Notre technologie distinctive réside dans la capacité de nos satellites à détecter des signaux radiofréquences avec une seule unité, contrairement à l'approche conventionnelle qui repose sur un système de triangulationtriangulation avec trois satellites. Cette singularité dans la conception et la fonctionnalité de nos satellites représente non seulement une avancée technologique significative, mais aussi un avantage concurrentiel pour nous et nos clients.
Futura : Quel est le principe de fonctionnement de la constellation pour détecter les navires ?
Cannelle Gaucher : Notre constellation de satellites utilise une technologie avancée qui capte les ondes électromagnétiques, plus spécifiquement les signaux radiofréquences, depuis l'espace. Cette capacité nous permet de détecter les émissionsémissions passives provenant des systèmes électroniques des navires. À la différence des méthodes de surveillance maritime traditionnelles, notre technologie est capable de repérer tous les navires, y compris ceux qui tentent de rester cachés. En effet, de nombreux bateaux éteignent délibérément leurs balises de localisation pour se soustraire à la surveillance et se livrer à des activités illégales comme la pêchepêche non autorisée, le déversement interdit de substances ou divers trafics en haute mer. Grâce à notre système, nous sommes en mesure de localiser ces navires dits « invisibles » avec une précision kilométrique.
“Grâce à notre système, nous sommes en mesure de localiser ces navires dits « invisibles » avec une précision kilométrique”
Futura : Quelles sont les limites opérationnelles de la constellation ?
Cannelle Gaucher : Actuellement, nous ne rencontrons pas de contraintes opérationnelles majeures. Toutefois, l'extension de notre constellation de satellites nous permettra d'accroître notre capacité à servir davantage de clients. Il existe une forte demande pour les données radiofréquences, et notre but est de répondre efficacement à ces besoins diversifiés. Avec nos satellites actuellement en orbiteorbite, nous sommes en mesure de surveiller une zone spécifique toutes les quatre à six heures. L'augmentation du nombre de nos satellites améliorera la fréquencefréquence de surveillance sur une même zone, ce qui nous permettra même de suivre les mouvements des navires en quasi-temps réel. De plus, un plus grand nombre de satellites signifie une capacité accrue à fournir des données à nos clients. Il est aussi important de noter que trouver des opportunités de lancement pour nos satellites représente un défi, même si jusqu'à présent nous avons réussi à placer tous nos satellites en orbite sans difficulté majeure.
Futura : Quel est l’état de déploiement de la constellation ?
Cannelle Gaucher : Grâce à l'ajout récent de deux satellites, notre constellation se compose maintenant de 11 satellites, tous positionnés à une altitude d'environ 520 kilomètres. Cette configuration nous permet de revisiter chaque zone surveillée toutes les quatre à six heures. Nous prévoyons de lancer six autres satellites au cours de l'année 2024. Notre objectif à plus long terme est de porter notre constellation à 25 satellites d'ici 2025. Avec cet élargissement, nous serons en mesure d'obtenir un temps de revisite encore plus court.
Futura : Encore plus court, c’est-à-dire ?
Cannelle Gaucher : En augmentant le nombre de satellites dans notre constellation, nous pouvons améliorer significativement la fréquence à laquelle nous revisitons une zone donnée. En atteignant un total de 25 satellites, nous serons capables de survoler une même zone toutes les trente minutes.
Futura : Quelles sont les évolutions futures des satellites ?
Cannelle Gaucher : Actuellement, nous ne partageons pas d'informations sur les développements futurs de nos satellites ou de nos services.
Futura : À partir de la détection des signaux radiofréquences depuis l’espace, d’autres usages sont-ils possibles que ceux liés à la détection des navires, les envisagez-vous dans le futur ?
Cannelle Gaucher : Bien que notre technologie ait le potentiel de s'appliquer à d'autres secteurs, notre focus actuel est exclusivement sur la surveillance maritime.
Futura : Quels sont ces domaines qui pourraient tirer parti de l’utilisation de la détection de signaux radiofréquences ?
Cannelle Gaucher : Pour l'instant notre travail se concentre sur les partenariats avec des acteurs du domaine maritime, tant dans le secteur public (comme l'Action de l'État en mer) que privé (y compris les assureurs, les armateurs et les entreprises offshoreoffshore).
Futura : Une application militaire de vos services est-elle à l’étude ?
Cannelle Gaucher : Non, pas à ce jour.