Europe, satellite galiléen de Jupiter, présente des signes tangibles d’une véritable tectonique des plaques à sa surface. C’est la première fois que ce processus est observé ailleurs que sur la Terre. Légèrement plus petit que la Lune, cet astre renferme plus d’eau que la planète bleue et abriterait un océan d’eau liquide. Un monde considéré comme potentiellement habitable dans notre Système solaire.

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    Portrait d’Europe, une des plus grandes lunes de Jupiter. Sur cette image de Galileo, on distingue sa surface de glace d’eau caractéristique émaillée de centaines de lignes, crevasses et fractures. La banquise épaisse de 20 à 30 km recouvre vraisemblablement un vaste océan d’eau liquide. Un monde potentiellement habitable distant de 778 millions de km du Soleil en moyenne. © Nasa, JPL, Ted Stryk

    Portrait d’Europe, une des plus grandes lunes de Jupiter. Sur cette image de Galileo, on distingue sa surface de glace d’eau caractéristique émaillée de centaines de lignes, crevasses et fractures. La banquise épaisse de 20 à 30 km recouvre vraisemblablement un vaste océan d’eau liquide. Un monde potentiellement habitable distant de 778 millions de km du Soleil en moyenne. © Nasa, JPL, Ted Stryk

    Lorsqu'il observa pour la première fois Jupiter, au début de l'année 1610, le Florentin GalileoGalileo Galilei découvrit autour d'elle, non sans étonnement, la présence de quatre satellites. Près de quatre siècles plus tard, plus exactement entre décembre 1995 et septembre 2003, une sonde spatiale qui portait son nom vint explorer la planète géante et sa banlieue, approcher tous ces corps célestes encore méconnus et survoler une douzaine de fois Europe. Les scientifiques -- et le grand public -- découvrirent alors sur les clichés magnifiques de Galileo, des détails stupéfiants de sa surface gelée, zébrée d'une multitude de lignes et de crevasses. Que peut bien cacher ce monde glacial légèrement plus petit que la Lune (environ 3.120 km de diamètre) ?

    Comme l'avaient indiqué des observations terrestres, Europe est entièrement recouverte de glace d'eau. En surface, sa température moyenne est estimée à - 150 °C. En revanche, de nombreux signes suggèrent qu'à l'intérieur, sous une banquisebanquise de 20 à 30 km d'épaisseur, il existe un vaste océan d'eau liquide dont les abysses seraient en contact avec le noyau rocheux... Située, certes, à quelque 800 millions de km (en moyenne) du Soleil, cette lune n'en est pas moins considérée, depuis plusieurs années, comme potentiellement habitable. Un astre fascinant qui ne cesse d'intéresser les astronomesastronomes et les exobiologistes de la planète Terre.

    Le satellite galiléen Europe (3.120 km de diamètre) possède l’une des surfaces les plus jeunes du Système solaire. Une tectonique des plaques de glace d’eau n’a de cesse de transformer sa banquise. Des preuves tangibles d’un processus de subduction ont été mises en évidence par deux chercheurs qui ont étudié les données acquises, entre 1995 et 2003, par la sonde spatiale Galileo. Des cryovolcans ont été remarqués près des bandes de glace fraiche. © Nasa, Noah Kroese, I.NK

    Le satellite galiléen Europe (3.120 km de diamètre) possède l’une des surfaces les plus jeunes du Système solaire. Une tectonique des plaques de glace d’eau n’a de cesse de transformer sa banquise. Des preuves tangibles d’un processus de subduction ont été mises en évidence par deux chercheurs qui ont étudié les données acquises, entre 1995 et 2003, par la sonde spatiale Galileo. Des cryovolcans ont été remarqués près des bandes de glace fraiche. © Nasa, Noah Kroese, I.NK

    La glace se renouvelle à la surface d'Europe

    Intrigués par l'expansion et le renouvellement, observés dans certaines régions, de la banquise du sixième plus gros satellite naturel, Simon Kattenhorn (université de l'Idaho) et Louise Prockter (laboratoire de physiquephysique appliquée de l'université Johns Hopkins dans le Maryland) ont revisité les données acquises par feufeu la sonde spatiale Galileo (au terme de sa mission, en 2003, celle-ci fut volontairement échouée dans l'atmosphèreatmosphère de JupiterJupiter afin qu'elle ne s'abîme pas à la surface d'Europe). Puisque cette lune glacée ne grossit pas, il leur a donc fallu explorer d'autres explications à ce processus et la seule qui tient la route à leurs yeuxyeux est celle d'une tectonique des plaques.

    Sur de nombreuses images, on peut voir de vastes bandes où semble émerger de la glace fraîche. Leurs bordures sont comme déchirées et séparées, à l'instar de ce qui est observé au fond des océans sur notre planète. Dans leur article publié dans la revue Nature Geoscience, les deux chercheurs évoquent une véritable tectonique des plaquestectonique des plaques qui animerait continuellement la surface du satellite naturel. Rappelons qu'avec un âge estimé entre 40 et 90 millions d'années (seulement), la surface d'Europe est une des plus jeunes du Système solaireSystème solaire. Aussi, comme chez nous, une part de ces plaques de glace se rencontrent et se chevauchent, l'une plongeant sous l'autre -- phénomène connu sous le nom de subductionsubduction -- et, ailleurs, de la matièrematière semble remonter et renouveler l'écorce. En reconstituant une partie (134.000 km2)) de sa surface, comme pour un puzzle, les deux scientifiques ont constaté qu'environ 20.000 km2 manquaient à l'appel, vraisemblablement recouverts. Pour étayer ce scénario, des formations s'apparentant à du cryovolcanisme ont été plusieurs fois observées près des lignes de fractures. Pour eux, il est envisageable que la glace qui plonge sous une plaque se réchauffe et favorise ainsi l'émergenceémergence ponctuelle de coulées de lavelave d'eau...

    Dans les abysses de ce satellite glacé

    « Si elle dispose d'un système global de tectonique des plaques, Europe ressemble plus à la Terre que nous l'imaginions, résume Simon Kattenhorn. Non seulement cette découverte en fait un des corps du Système solaire les plus intéressants géologiquement, mais cela présuppose aussi une communication bidirectionnelle entre l'extérieur et l'intérieur, un processus qui a des implications significatives pour le potentiel d'Europe comme monde habitable. »

    Curt Niebur, chercheur à la NasaNasa dans le cadre du programme des planètes externes, ne dit pas autre chose : « l'étude d'Europe pose des questions fondamentales sur cette lune glacée potentiellement habitable et la recherche de la vie ailleurs que sur Terre ». Le vaste océan qui, par ailleurs, contient plus d'eau liquide que la Terre, apparaît donc comme le moteur de cette activité superficielle et aussi comme un milieu propice à la vie. Il ne nous reste plus qu'à nous rendre sur place. À ce propos, la Nasa a lancé un appel à idées.