Depuis plus de 200 ans, le merveilleux son du Stradivarius n'a pas été égalé. D'après une équipe internationale de chercheurs, son secret de fabrication tiendrait dans un cocktail chimique. Et plus précisément, dans un traitement du bois contre les vers.


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    Entre 1644 et 1737, le plus célèbre luthier d'Italie a confectionné quelque 1.200 violons : Antonio Stradivari. Aujourd'hui, il n'en reste que la moitié. Seuls les violons de son contemporain, Guarneri deldel Gesù, émettent des sons d'une qualité comparable aux Stradivarius. Mais pourquoi ? En plusieurs siècles, aucun artisan n'est parvenu à un tel résultat. Selon une récente étude, ce serait dû aux traitements du bois des instruments, mis au point et tenus secrets par ces deux luthiers.

    « La présence de ces produits chimiques indique une collaboration entre les luthiers et les pharmacienspharmaciens locaux à l'époque, estime Joseph Nagyvary, chercheur en biochimie et coauteur de l'étude. Stradivari et Guarneri auraient voulu traiter leurs violons pour empêcher les vers de ronger le bois, car les infestationsinfestations de vers étaient très répandues à cette période. »

    Les produits décelés ne se trouvaient pas qu'à la surface de l'instrument, mais également à l'intérieur du bois. « Stradivari et Guarneri avaient leur propre méthode exclusive de traitement du bois, à laquelle ils auraient pu attribuer une importance considérable », ajoute le scientifique, précisant que le système de brevets n'existait pas à ce moment-là, ce qui aurait forcé les deux artisans à garder secrète leur recette.

    Un cocktail chimique

    Cette équipe de recherche s'est penchée sur des tables d'harmonie d'instruments, c'est-à-dire les parties de l'instrument qui reçoivent la vibration à amplifier. Le bois, de l'épicéa, ne présentait des signes d'une manipulation artificielle que dans le cas des tables faites à CrémoneCrémone, la ville où sont nées Stradivari et Guarneri. Celles issues d'instruments modernes n'arboraient pas les mêmes détails de composition.

    Les chercheurs ont également été en mesure d'identifier les minérauxminéraux utilisés pour le traitement et leurs fonctions potentielles. Le borax et les sulfates métalliques auraient servi « pour la suppression des champignonschampignons », écrivent-ils, le sel de table pour le contrôle de l'humidité, l'alunalun pour la réticulation moléculaire - ce qui perfectionne la résistancerésistance à l'eau et à la putréfaction du bois -, et la potasse ou la chaux vive pour le traitement alcalin. L'ensemble aurait donc eu un impact, notable, sur la qualité acoustique du violon.

    Le moderne dépassera-t-il les maîtres ?

    « Toutes mes recherches, depuis de nombreuses années, ont été basées sur l'hypothèse que le bois des grands maîtres a subi un traitement chimique agressif et que cela a eu un rôle direct dans la création du grand son de Stradivari et de Guarneri », avoue Joseph Nagyvary. Une intuition désormais confirmée par ces données.

    Les auteurs supposent que leur découverte peut « s'étendre à d'autres instruments intégrant des tables d'harmonie en épicéa », tels que le piano ou la harpe. De là, « il y a peu de raison de croire que l'artisanat italien du XVIIIe siècle ne peut pas être reproduit ou même dépassé à l'aide de la science moderne », assènent-ils.

     

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