Dans la région centrale de la Voie lactée, un mystérieux nuage moléculaire dense et froid devrait contenir aussi des pouponnières d'étoiles en formation selon la théorie standard de la formation des étoiles. On sait depuis des années que ce n'est pas le cas et un débat vif s'est développé pour savoir pourquoi. Le télescope James-Webb a été mobilisé pour tenter de résoudre cette énigme.
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Il existe depuis environ un siècle une théorie, affinée par la suite, et que l'on doit au physicienphysicien, astronomeastronome et mathématicienmathématicien britannique James Jeans (1877-1946) qui explique qu'un nuagenuage de matière sous forme de gaz d'une densité et d'une température données doit s'effondrer gravitationnellement si sa masse est supérieure à une valeur calculée qui porteporte aujourd'hui le nom de masse de Jeans. Elle permet de savoir quand un tel nuage est dans les conditions de former une pouponnière d'étoiles.
L'effondrementeffondrement du nuage initial peut faire évoluer localement la densité et la température de sorte que le nuage se fragmente à son tour en régions encore plus denses qui vont donner des étoiles, parfois sous forme d'étoiles doubles, transitoirement ou non -- on estime d'ailleurs que notre Soleil est peut-être né avec un frère jumeau qui s'est ensuite éloigné.
La théorie de Jeans semble toutefois curieusement en échec lorsque l'on considère la Zone Moléculaire Centrale (CMZ), un complexe gazeux d'un diamètre compris entre 1 000 et 2 000 années-lumière autour du Centre galactiqueCentre galactique. On sait qu'il contient certains des nuages de gaz les plus denses et les plus massifs connus dans la Voie lactée mais nombre de ces nuages présentent étonnamment peu de preuves d'une activité généralisée de formation d'étoiles.
C'est particulièrement surprenant dans le cas d'un nuage de gaz turbulent surnommé « la brique », The Brick en anglais, et plus savamment sous le nom de G0.253+0.016. Les astrophysiciensastrophysiciens débattent depuis des années de la raison de ce manque de genèse de nouvelles étoiles et tout naturellement, on pouvait penser que les capacités exceptionnelles du télescope spatialtélescope spatial James-Webb (JWSTJWST) pouvaient aider littérairement à y voir plus clair, les nuages moléculaires et poussiéreux étant nettement moins opaques dans l'infrarougeinfrarouge que dans le visible. Or, le JWST observe dans une bande de l'infrarouge.
La glace de monoxyde de carbone, une clé de la formation des étoiles et des planètes ?
L'équipe dirigée par l'astronome Adam Ginsburg, de l'Université de Floride, l'avait bien compris et il vient aujourd'hui de publier un article sur cette énigme en utilisant le JWST dans The Astrophysical Journal, article que l'on peut trouver en accès libre sur arXiv.
Sous le regard du JWST, la brique s'est révélée composée d'une quantité étonnamment élevée de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone (CO) gelé. En fait, on ne savait pas vraiment combien il devait s'en trouver et les théories habituelles prévoyaient une quantité bien moindre. Cette découverte a donc de profondes implications pour notre compréhension des processus de formation des étoiles. Les théoriciens vont devoir revoir leurs copies.
En fait, la présence importante de glace de CO implique normalement un nuage très froid avec une importante formation d'étoiles. Que ce ne soit pas le cas implique que le nuage est plus chaud (qu'il n'y paraît naïvement) que les nuages comparables. Mais pourquoi ?
Ce qui est sûr, c'est que, comme l'explique Ginsburg dans un communiqué, « avec le JWST, nous ouvrons de nouvelles voies pour mesurer les moléculesmolécules en phase solidesolide (glace), alors qu'auparavant, nous étions limités à l'étude du gaz. Cette nouvelle vue nous donne un aperçu plus complet de l'endroit où se trouvent les molécules et de la manière dont elles sont transportées ».
Ce que l'on peut dire aussi, c'est qu'il faudra peut-être repenser ce qui s'est passé dans le disque protoplanétaire à l'origine des planètes du Système solaireSystème solaire, les géantes de glace en particulier car on a toutes les raisons de penser qu'elles se sont formées à partir de poussières enrobées dans une gangue de glace, par forcément d'eau.
Le JWST a donc fait étalage de sa capacité à aborder ce genre de questions et, dans un avenir proche avec lui, Ginsburg vise une étude plus approfondie des glaces célestes : « Nous ne connaissons pas, par exemple, les quantités relatives de CO, d'eau, de CO2 et de molécules complexes. Grâce à la spectroscopie, nous pouvons les mesurer et avoir une idée de la façon dont la chimiechimie progresse au fil du temps dans ces nuages ».