Adénovirus, herpesvirus et papillomavirus. Ces trois pathogènes que nous connaissons bien auraient déjà affecté les Préhistoriques il y a 50 000 ans. C’est ce que révèlent des chercheurs brésiliens qui ont retrouvé leur signature ADN dans les os d’un Néandertal.


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    AnginesAngines, gastro-entérites, herpèsherpès... et si NéandertalNéandertal avait souffert des mêmes maladies que nous ? C'est en tout cas ce qu'affirment une équipe de chercheurs de l'Université de São Paulo au Brésil.

    S'il est certain que les humains de la préhistoire étaient affectés par de nombreux maux, on ne savait pas, jusqu'à présent, si les virus en cause étaient les mêmes que ceux que nous connaissons aujourd'hui. Une nouvelle étude pourrait cependant apporter des réponses à cette question.

    Trois types de virus retrouvés dans les os d’un Néandertal

    Car en analysant l'ADNADN prélevé dans les os d'un individu Néandertal mort il y a 50 000 ans, une équipe de scientifiques a réussi à identifier la signature de trois virus qui circulent toujours à l'heure actuelle : un adénovirusadénovirus, habituellement responsable de maladies respiratoires, de conjonctivitesconjonctivites ou de gastro-entéritesgastro-entérites, un virus de l’herpès généralement responsable d’affections de la peau, et un papillomavirus, sexuellement transmissible.

    Les adénovirus représentent une famille de virus qui nous affectent régulièrement. © Mix and Match Studio, Adobe Stock
    Les adénovirus représentent une famille de virus qui nous affectent régulièrement. © Mix and Match Studio, Adobe Stock

    S'il a été envisagé que la signature ADN de ces virus ait résulté d'une contaminationcontamination a posteriori, les résultats des analyses suggèrent qu'ils ont bien affecté l'individu Néandertal dont les restes ont été retrouvés dans la grotte de Chagyrskaya en Russie. Leur séquence génétiquegénétique est en effet légèrement différente de celle de ces trois familles de virus qui circulent à l'heure actuelle. Il s'agirait donc des plus anciens virus affectant des humains découverts à ce jour.

    C'est dans la grotte de Chagyrskaya en Russie qu'ont été retrouvés les restes de l'individu néandertalien. © Tbviola, <em>Wikimedia Commons</em>, cc by-sa 4.0
    C'est dans la grotte de Chagyrskaya en Russie qu'ont été retrouvés les restes de l'individu néandertalien. © Tbviola, Wikimedia Commons, cc by-sa 4.0

    Et si Néandertal avait été décimé par une épidémie ?

    Ces résultats, qui sont présentés dans un article qui n’a pas encore été évalué par d’autres scientifiques et qui sont donc à prendre tout de même avec précaution, pourraient aider à comprendre l'extinction de Néandertal. Parmi les hypothèses proposées, il y a en effet celle de l’épidémie qui aurait ravagé cette espèceespèce humaine il y a environ 40 000 ans en Europe.


    Les virus respiratoires seraient plus anciens que l'Homme moderne

    Le plus ancien virus humain connu vient d'être découvert dans des échantillons datés de 31.000 ans. Mais cet adénovirus, qui infecte encore aujourd'hui la plupart des jeunes enfants, nous aurait été transmis par nos ancêtres de Neandertal.

    Article de Céline DeluzarcheCéline Deluzarche publié le 18 juillet 2021

    Les virus respiratoires nous gâchent nos hivershivers depuis au moins 31.000 ans. Mais leur origine pourrait même remonter à beaucoup, beaucoup plus loin, avant même l'apparition d'Homo sapiensHomo sapiens, suggère une nouvelle étude de chercheurs danois et britanniques pré-publiée sur le site bioRxiv.

    SofieSofie Holtsmark Nielsen et ses collègues ont analysé deux dents issues des restes humains trouvés sur le site archéologique de Yana, dans l'extrême nord de la Sibérie, et datées de 31.600 ans. De précédentes analyses ADN avaient pu déterminer qu'elles appartenaient à des enfants âgés de 10 à 12 ans. En menant des analyses plus avancées, l'équipe a découvert dans les dents la trace ADN de quatre Herpesvirus, dont l'herpès simplexsimplex, responsable notamment des boutons de fièvrefièvre. Mais les dents contenaient également de l'ADN d'adénovirus C humain (HAdV-C), bien connu pour entraîner des affections respiratoires bénignes chez les enfants.

    Un agrégat d’adénovirus humains. © CDC, Dr. G. William Gary
    Un agrégat d’adénovirus humains. © CDC, Dr. G. William Gary

    Plus vieux virus humain : un record repoussé de 25.000 ans

    « Ce virus est le plus ancien chez l'Homme à ce jour », assure Sofie Holtsmark Nielsen. Le record appartenait jusqu'ici à un virus de l'hépatite Bhépatite B âgé de 7.000 ans (Lire ci-dessous). « Cela repousse donc de 25.000 ans la preuve directe d'infections virales humaines », souligne la chercheuse. Mais l'équipe ne s'est pas arrêtée là. Elle a procédé à une reconstruction phylogénétiquephylogénétique du virus, en comparant l'ADN viral ancien à celui des souches modernes. Leur ancêtre communancêtre commun a ainsi pu être déterminé et daté. « Ces virus évoluent avec leurs espèces hôtes respectives, parfois sur des millions d'années », explique Sofie Holtsmark Nielsen. Selon ses conclusions, le plus ancien ancêtre d'adénovirus C serait ainsi apparu il y a 701.850 ans (avec une fourchette comprise entre 487.000 et 963.000 ans), soit bien avant Homo sapiens (il y a 300.000 ans). Les infections respiratoires auraient donc déjà affecté nos cousins néandertaliens qui peuplaient l'Europe il y a 400.000 ans.

    Le saviez-vous ?

    L’adénovirus C humain (HAdV-C) est un virus très contagieux responsable d’infections respiratoires bénignes chez les enfants, notamment les moins de deux ans. Ce virus est notamment très utilisé comme vecteur viral pour les vaccins ou les thérapies géniques (sous une forme atténuée).

    Les virus aussi vieux que la vie elle-même

    « Nos résultats suggèrent que la diversité génétique actuelle de l'HAdV-C est antérieure aux origines humaines modernes et provient probablement de nos ancêtres hominidéshominidés, écrivent les auteurs dans leur étude. On ignore cependant si cette diversité est le résultat de lignées virales divergentes migrant hors d'Afrique avec leurs hôtes humains, ou de transmissions interespèces à partir d'humains archaïques en dehors de l'Afrique ». Impossible également de savoir si ces anciens virus étaient plus ou moins pathogènespathogènes qu'aujourd'hui.

    Grâce aux progrès de l'analyse ADN, les chercheurs sont aujourd'hui en mesure de reconstruire les génomes de virus à partir de fragments de génome très incomplet. De récentes études ont ainsi permis de démontrer que le virus de la rougeole a émergé il y a plus de 2.500 ans, et que la bactériebactérie responsable de la pestepeste daterait de 5.700 ans. Mais les virus sont sans doute aussi vieux que la vie elle-même. Des virus infectaient déjà les insectesinsectes il y a 300 millions d'années, a montré une étude de 2001 publiée dans la revue PNAS.


    Hépatite B : le plus vieux virus jamais séquencé

    Article de Céline Deluzarche publié le 17/05/2018

    Deux équipes de chercheurs ont séquencé le génome d'un ancien virus de l'hépatite B à partir de dents et d'os humains. Ce virus, qui aurait circulé il y a environ 7.000 ans, est sensiblement différent de celui que nous connaissons actuellement chez l'Homme.

    Deux études récentes ont réussi à identifier et séquencer le génome d'anciens virus de l'hépatite B. La première, mise en ligne le 10 mai 2018 sur le site bioRxiv (où les chercheurs partagent des versions encore non publiées de leurs travaux), émane d'une équipe menée par Ben Krause-Kyora et Johannes Krause. Ces deux chercheurs allemands ont analysé trois dents de squelettes datés de 1.000 à 5.000 avant JC. La seconde, dont le principal auteur est le zoologistezoologiste Eske Willerslev (université de Copenhague), a été publiée dans Nature le 9 mai dernier. Elle s'est penchée sur des échantillons âgés de 800 à 4.500 ans.

    Pour reconstituer les génomes des virus, Eske Willerslev et ses collègues ont un peu « fouillé les poubelles », plaisante le chercheur. Ils ont en effet analysé les séquences qui avaient été éliminées parce qu'elles n'appartenaient pas au génome humain. C'est à partir de ces morceaux que l'on peut reconstruire les génomes des virus, « un peu comme un puzzle », résume Eske Willerslev, cité par The Atlantic. En fait, ce n'est pas un génome mais de multiples formes différentes du virus de l'hépatite B (16 pour la première étude, 12 dans la seconde) que les chercheurs ont découvertes.

    Encore plus étonnant, aucune de ces formes ne correspond à une souche actuellement connue chez l'Homme. Cinq d'entre elles semblent en revanche similaires à des souches observées en Afrique chez le chimpanzéchimpanzé et le gorille. D'après les calculs de Krause-Kyora, le virus de l'hépatite B aurait circulé en Europe de l'ouest et centrale depuis au moins 7.000 ans avant JC. Jusqu'ici, le plus ancien virus jamais étudié provenait d'un enfant momifié du XVe siècle dans la région de Naples.

    Des virus de l'hépatite B. © Sanofi Pasteur
    Des virus de l'hépatite B. © Sanofi Pasteur

    Prédire l’évolution des virus actuels

    Cette découverte est très importante car elle nous renseigne sur l'évolution possible des virus actuels. Jusqu'à maintenant, on a uniquement séquencé les souches récentes. « C'est comme si on essayait de comprendre l'évolution en étudiant seulement des animaux vivants », illustre Terry Jones, interrogé par l'Evening Standard, chercheur à l'université de Cambridge et co-auteur de l'étude parue dans Nature. Or, certaines des mutations découvertes sont susceptibles de revenir, observe Eske Willerslev, le principal auteur. En étudiant ces anciennes formes, par exemple en les injectant chez des souris, on pourrait observer leurs effets et leur virulence. L'étude d'anciens virus nous aide également dans la compréhension des migrations des Hommes préhistoriques.

    L'hépatite B est actuellement l'un des virus les plus répandus chez l'être humain. On dénombre plus de 250 millions de porteurs chroniques, selon l'OMSOMS, et la maladie serait responsable de près de 900.000 décès chaque année. L'hépatite B infecte le foiefoie mais le virus circule dans le sang et se retrouve donc dans les os et les dents. De plus, si les chercheurs se sont spécifiquement intéressés à ce virus, c'est parce que son matériel génétiquematériel génétique est composé d'ADN et non d'ARNARN (comme ceux d'Ebola, de la rougeolerougeole ou de la grippe par exemple), ce qui rend donc possible son séquençageséquençage avec des méthodes classiques.