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Le papillon monarque (Danaus plexippus) est autant connu pour sa beauté que pour ses migrations en essaims de millions d'individus, parcourant des milliers de kilomètres vers la chaleurchaleur hivernale du Mexique. Des couleurscouleurs vives l'ornent toute sa vie, aussi bien au stade larvaire où la chenille est jaune voire verte, qu'au stade adulte où les ailes portent des couleurs orange, noires et blanches. Ces couleurs intenses sont, la plupart du temps, un signal destiné à repousser les prédateurs qui savent alors que leur proie est probablement toxique.
Le papillon monarque ne déroge pas à la règle : sa chenille se nourrit effectivement d'un genre de plante, les asclépiades, qui rendent ses tissus toxiques, même lorsqu'elle passe au stade adulte. Ces plantes, dont une douzaine d'espèces servent de repas aux chenilles monarques, contiennent plus ou moins de cardénolides, des moléculesmolécules de la famille des stérols, qui peuvent provoquer un arrêt du cœur (d'où leur nom provenant du grec cardiacardia pour cœur).
Les chenilles se sont adaptées et sont devenues insensibles à ce poison. Cette évolution n'est pas dénuée d'intérêt, loin de là : non seulement les chenilles deviennent immangeables pour les prédateurs, mais en plus les cardénolides les protègeraient contre des parasites internes.
Ophryocystis elektroscirrha est un protozoaireprotozoaire qui infecte spécifiquement le système digestif de l'insecte rampant et persiste jusqu'au stade papillon. Une infection sévère est une menace pour le papillon, qui vole moins bien et meurt précocement des suites de pertes de fluides corporels. Il n'y a aucun moyen de se débarrasser du parasite, ni pour la chenille, ni pour le papillon et les femelles papillon infectées transmettent le parasite à leur progéniture.
La chenille infectée du papillon monarque se nourrit aléatoirement d'asclépiades toxiques ou non. © Université Emory
Une action transgénérationnelle
Des chercheurs de l'université Emory à Atlanta, qui suspectaient la consommation thérapeutique de plantes médicinales par les animaux, se sont intéressés au traitement du parasite par les papillons (voir la vidéo en anglais). Au laboratoire, deux types de plantes (toxique et non toxique) ont été proposées aux femelles papillon. Alors que les insectes non infectés choisissent aléatoirement l'espèce d'asclépiade pour y déposer leurs œufs, les femelles infectées se tournent préférentiellement vers l'espèce toxique.
Cette préférence ralentit la progression du parasite et de la maladie au sein de la progéniture, grâce à l'action antiparasite des cardénolides. Pourtant, à l'état de chenille, l'insecte ne fait pas la différence. Infectée ou pas, la chenille se nourrira de manière aléatoire sur les plantes toxiques ou non toxiques.
Ces résultats, présentés dans Ecology Letters, sont importants car ils démontrent pour la première fois l'usage de plantes médicinales par des animaux sauvages. Plus surprenant encore, cette médecine est transgénérationnelle car elle agit sur la progéniture de l'insecte et non sur l'insecte lui-même.
Bien que réalisé dans un laboratoire, ce phénomène se produit aussi probablement dans la nature. En effet, le papillon peut retrouver les deux espèces de plantes et a donc également le choix de pondre sur la plante qu'il juge meilleure pour sa progéniture.