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Les fourmis tisserandes, Oecophylla smaragdina, vivant en Asie et en Australie, sont arboricolesarboricoles. Elles bâtissent leurs nids en assemblant des feuilles grâce à des fils de soie produits par leurs larves. Chaque colonie peut abriter 500.000 individus, où les ouvrières s'organisent en deux classes : les mineures, qui restent cloîtrées, et les majeures, seules autorisées à des vadrouilles à l'extérieur.
Comme toutes les fourmis, les tisserandes possèdent des glandesglandes mandibulaires pouvant libérer des phéromonesphéromones, notamment utilisées pour informer leurs congénères sur la localisation de nutrimentsnutriments en traçant une véritable piste odorante. Ces signaux chimiques, perçus par les antennes, sont complexes et peuvent même rendre compte du type de nourriture en présence. Dans cet exemple, la communication est directe, il n'y a pas d'intermédiaire.
Mark Elgar et plusieurs de ses collègues de l'université de Melbourne, ont voulu tester l'existence d'une communication indirecte et d'une conservation d'informations au sein des colonies de fourmis tisserandes. Chaque individu posséderait une odeur propre caractéristique de son nid d’origine, et reconnaissable par des fourmis étrangères. L'agressivité exprimée lors d'affrontement entre individus de nid rivaux serait liée à l'historique des rencontres ayant eu lieu antérieurement entre d'autres représentants de ces mêmes groupes. Ce résultat, présenté dans la revue Naturwissenschaften, implique que chaque colonie possède une mémoire collective compilant des données sur l'adversaire.
Les fourmis tisserandes exhibent de jolies couleurs, qui peuvent être utilisées pour caractériser l'individu en présence. Par exemple, les reines sont vertes tandis que les mâles sont noirs. Des ouvrières, comme celle montrée ici, peuvent mesurer jusqu'à 1 centimètre. © Pierre Pouliquin, Flickr, CC by-NC-2.0
Un comportement social poussé à l’extrême chez les fourmis
Des expériences ont été menées sur le terrain. Les chercheurs ont prélevé 12 colonies principales de fourmis tisserandes. Ils les ont ensuite associées avec deux autres nids, les intrus, en les séparant par des distances variables. Des rencontres ont été organisées entre des groupes de 3 fourmis (une du nid principal et deux intruses) au sein d'une arènearène de 5 cm de diamètre. L'un des deux insectes étrangers était issu d'une colonie ayant déjà interagi avec le nid principal. Les comportements ont alors été observés et répertoriés pendant 3 minutes. Ces expériences ont été répétées durant 6 jours.
Après chaque rencontre, les tisserandes retournent directement à leur colonie d'origine, où elles doivent fournir des informations sur la provenance de l'adversaire et sur l'intensité de l'agressivité de la rencontre. Concrètement, des individus issus des mêmes nids ont fait preuve d'une pugnacité croissante lors de chaque rencontre ultérieure avec les membres des deux mêmes nids d'intruses, quelle que soit la distance séparant les nids.
Selon les auteurs, les fourmis compileraient des données sur leurs rivales en rapportant les caractéristiques de la signature chimique (de l'odeur) indiquant la provenance des intruses. Afin d'être sûr que les odeurs portées par les individus n'étaient pas émises au moment de la rencontre, les mandibulesmandibules des intruses ont été amputées, les empêchant donc de libérer des informations olfactives. Seule subsiste l'odeur corporelle, laquelle diffère d'une colonie à l'autre.
La conclusion des auteurs est que les tisserandes alimenteraient ainsi une mémoire collective permettant à chaque individu de mieux connaître ses adversaires potentiels avant même de les rencontrer. Un tel système constituerait un avantage considérable dans un monde régi par la compétition. Mais il reste encore inconnu... Le mécanisme de la transmission des informations et la façon dont elles sont conservées au sein du nid doivent encore être explorés. Il est difficile d'imaginer qu'un seul et unique individu puisse passer son temps à prévenir chaque membre de sa colonie...