Le tsunami qui a accompagné l’éruption du Hunga Tonga-Hunga Ha’apai en janvier dernier a surpris les scientifiques par sa rapidité et sa propagation à travers les océans du monde entier. Dans un nouvel article, une équipe de scientifique détaille le mécanisme capable de causer un tel tsunami.


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    Le 15 janvier 2022, le volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apai explosait, produisant l'une des plus violentes éruptions du XXIe siècle. Cet événement s'est accompagné de l'émissionémission d'un important nuage de cendres et de gaz, provoquant de nombreuses perturbations dans l'atmosphère. L'explosion a également engendré un tsunami qui s'est propagé à une vitessevitesse exceptionnellement rapide à travers tous les océans du globe. Il aurait effectivement traversé le Pacifique, l'Atlantique et l'océan Indien en moins de 20 heures, à une vitesse d'environ 1.000 km/h. Du jamais vu !

    Un tsunami pas comme les autres

    Il est fréquent que des tsunamis soient générés au moment d'une éruption volcanique en mer. Ce phénomène est souvent provoqué par un effondrementeffondrement du flanc du volcan, par les tremblements de terretremblements de terre associés, par des écoulements de matériel pyroclastiques ou encore par des explosions ayant lieu sous l'eau. Cependant, aucun de ces mécanismes ne semble assez puissant pour avoir généré le tsunami d'ampleur mondial lors de l'éruption du Hunga Tonga-Hunga Ha'apai.

    Une équipe de scientifiques de l'Université de Lisbonne au Portugal a donc cherché à comprendre ce qu'il avait bien pu se passer ce jour-là. L'avantage est que cet événement a été particulièrement bien documenté à travers le globe, grâce à un dense réseau d'instruments. En se basant sur les données atmosphériques et du niveau marin, les chercheurs se sont rendu compte qu'il ne fallait pas chercher la cause du tsunami dans le milieu océanique, mais bien dans l'atmosphère.

    Leur étude, publiée dans la revue Nature, suggère que le tsunami ait en effet été causé par des ondes de gravité acoustiques, générées par la puissante explosion du volcan sous-marin.

    Motifs nuageux formés par des ondes de gravité. © Nasa, <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Motifs nuageux formés par des ondes de gravité. © Nasa, Wikimedia Commons, domaine public

    Une amplification du tsunami par un phénomène de résonance

    Les ondes de gravitégravité acoustiques sont des ondes qui voyagent à la vitesse du sonvitesse du son dans un milieu fluide (eau, airair) soumis aux effets de la gravité. Elles sont communément produites lors des violentes éruptions, séismes ou explosions d'origine anthropique et peuvent se propager sur des dizaines, voire des centaines de kilomètres. L’éruption du Hunga Tonga-Hunga Ha’apai ayant eu lieu à faible profondeur, proche de la surface, ceci a permis à l'énergieénergie d'être facilement transmise dans l'atmosphère, sous la forme d'un panache s'étalant au niveau de la surface océanique. C'est cette configuration qui aurait permis un fort couplage entre l'air et l'eau et la génération d'un tsunami via le transfert d'énergie par les ondes de gravité acoustiques.

    En se propageant à la surface de l'eau, ces ondes de gravité acoustiques ont excité cette interface, en transférant notamment de l'énergie à l'océan et générant par là même une vaguevague de tsunami. En interagissant avec la vague ainsi créée, les ondes de gravité sont entrées en résonancerésonance. Ce phénomène a permis de renforcer et d'amplifier le tsunami, lui permettant de voyager très vite, longtemps et sur de grandes distances. Les données montrent d'ailleurs que le début de la perturbation atmosphérique par les ondes de gravité coïncide avec la formation du tsunami. Celui-ci aurait ainsi voyagé à une vitesse 1,5 à 2,5 fois supérieure aux tsunamis « classiques » produits lors de précédentes éruptions volcaniques.

    Bien qu'intrigante, l'hypothèse que des ondes atmosphériques puissent générer des tsunamis n'est pas nouvelle. Cependant, c'est la première fois qu'elle est clairement documentée par de nombreuses données acquises en temps réel.


    La Nasa révèle que l’éruption du volcan des Tonga a atteint l’espace

    Une éruption volcanique, ça peut avoir de lourdes conséquences. Sur Terre. Mais aussi dans l'espace, nous révèlent aujourd'hui des chercheurs de la NasaNasa après avoir analysé les données recueillies après l'éruption spectaculaire du volcan des Tonga en janvier dernier.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, publié le 15 mai 2022

    Le 15 janvier dernier, le volcan sous-marin Hunga Tonga-Hunga Ha'apai entrait en éruption. L'événement a propagé un tsunami dans tout l'océan Pacifique. Le bruit de l'éruption a été entendu jusqu'en Alaska. À plus de 8.500 kilomètres de là. Sa colonne éruptiveéruptive -- comprenez, le nuagenuage de gazgaz volcanique chaud et de téphras qui s'élève au-dessus d'un volcan en éruption --, a atteint les 30 kilomètres d'altitude. Aujourd'hui, des chercheurs de la Nasa nous apprennent que des effets de cette éruption ont été enregistrés jusque dans l'espace.

    Des observations satellite montrent que l'éruption volcanique a créé d'importantes perturbations de pressionpression dans l'atmosphère. Donnant naissance à des ventsvents violents. Des vents qui ont accéléré au fur et à mesure qu'ils montaient en altitude. Lorsqu'ils ont atteint l'ionosphèreionosphère -- une couche de notre atmosphère située entre 60 et 1.000 kilomètres d'altitude --, la mission Ionospheric Connection Explorer (IconIcon), de passage au-dessus de l'Amérique du Sud, les a enregistrés à des vitesses de plus de 720 km/h. Tout simplement, les vents les plus violents enregistrés par la mission au-dessus de 200 kilomètres d'altitude.

    Certains des effets de l’éruption du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'apai sont résumés ici. Comme ceux détectés par les missions Icon (Nasa) et Swarm (ESA). © Mary Pat Hrybyk-Keith, <em>Nasa’s Goddard Space Flight Center</em>
    Certains des effets de l’éruption du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'apai sont résumés ici. Comme ceux détectés par les missions Icon (Nasa) et Swarm (ESA). © Mary Pat Hrybyk-Keith, Nasa’s Goddard Space Flight Center

    L’ionosphère impactée de tous les côtés

    Ces vents extrêmes ont également affecté les courants électriquescourants électriques qui circulent dans l'ionosphère. Ces courants -- classiquement alimentés par les vents de la basse atmosphère -- ont ainsi atteint cinq fois leur puissance crête normale. Ils ont aussi radicalement changé de direction. Se mettant à s'écouler vers l'ouest sur une courte période. Jusqu'alors, seules de fortes tempêtes géomagnétiques avaient pu avoir un tel effet.

    Ces travaux confirment que l'ionosphère peut être affectée par des événements qui arrivent sur Terre aussi bien que par des phénomènes qui se produisent dans l'espace -- les éruptions solaireséruptions solaires, par exemple. Parce que des modifications dans l’ionosphère peuvent avoir des conséquences sur nos signaux GPSGPS et radio, notamment, il est important pour les chercheurs de pouvoir continuer à mieux comprendre les phénomènes qui les provoquent.


    Quelle a été l'ampleur de l'éruption du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’Apai ? Décryptage

    Tout comme l'onde de choc qu'elle a générée, l'éruption du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'Apai a fait le tour du monde. Pour son ampleur d'abord, qui permet de la référencer comme une grosse éruption de la première partie du XXIe siècle. Pour les dégâts causés ensuite, même si le bilan aux Tonga est encore largement incomplet. Pour ses manifestations d'ordre planétaire enfin, jusque chez nous à l'autre bout du monde... Mais pour autant, où se classe-t-elle par rapport aux grandes éruptions de notre Planète ?

    Article de Ludovic LeducLudovic Leduc paru le 25/01/2022

    Une éruption volcanique est, par définition, un phénomène naturel impressionnant. Mais d'une éruption de faible ampleur, comme celle du Piton de la Fournaise à La Réunion qui vient de se terminer, à une éruption pouvant engendrer des perturbations climatiques mondiales, il y a une grande différence d'explosivité.

    Pour pouvoir les comparer, Newhall et Self ont créé l'Indice d'Explosivité Volcanique (ou VEI) en 1982, une échelle qui permet d'estimer la magnitudemagnitude d'une éruption à partir de différents paramètres. Cette évaluation est principalement basée sur le volumevolume de téphras émis au moment du paroxysme, ce qui correspond au magmamagma fragmenté lors de l'évènement le plus violent de l'éruption, et sur la hauteur du panache volcanique associé. Ce VEI ne résulte toutefois pas d'un calcul, mais bien d'une estimation : la démarche est donc un peu subjective. Mais cette échelle est logarithmique, c'est-à-dire que l'indice augmente d'une valeur lorsque le volume de téphras émis est dix fois plus important, ce qui permet une certaine largesse. Ainsi, deux éruptions d'un même VEI ne sont pas strictement équivalentes, mais cette échelle permet de classer assez raisonnablement les éruptions entre elles. Par exemple, celles du Piton de la Fournaise sont classiquement d'un VEI entre 0 et 1, quand l'éruption d'il y a 600.000 ans à Yellowstone aux États-Unis est de 8, le plus haut indice de cette échelle !

    Animation vidéo présentant le VEI de certaines éruptions historiques. © Taype Studios

    Du panache !   

    La colonne éruptive du 14 janvier au-dessus du volcan tongien, la veille du paroxysme, a atteint 20 kilomètres d'altitude. Cela faisait déjà de cet évènement une éruption d'une certaine ampleur, puisque la limite entre la troposphèretroposphère et la stratosphère, que l'on appelle la tropopausetropopause et qui se situe à environ 15 kilomètres d'altitude à cette latitudelatitude, demande un certain débitdébit éruptif pour être franchie. Mais le VAAC de Wellington (le centre information des émissions de cendres dans ce secteur du globe) avertit que la colonne éruptive du lendemain atteint environ 30 kilomètres d'altitude ! Les données satellitaires le confirmèrent, certaines avançant même une altitude maximum de 35 kilomètres !

    C'est comparable aux 34 kilomètres du paroxysme de l'éruption du Pinatubo aux Philippines, le 15 juin 1991, tout comme l'ombrelle formée par l'étalement du panache dans la stratosphèrestratosphère dont le diamètre atteint environ 500 kilomètres pour ces deux éruptions. Mais les quelques centimètres de cendres retombées sur l'archipelarchipel des Tonga sont incomparables à l'obscurité totale dans laquelle s'est retrouvée une bonne partie de l'île de Luçon en plein jour lors de l'éruption du Pinatubo ! Et si une grande partie des cendres de cette éruption aux Tonga est retombée dans l'océan Pacifique, annihilant ainsi l'estimation d'un volume fiable pour cette éruption, il apparaît que le VEI est ici nécessairement plus faible que le 6 du Pinatubo.

    Le peu de cendres liées à cette activité, relativement à la hauteur importante du panache éruptif, s'explique par le mécanisme à l'œuvre au niveau de la bouche éruptive. Celle-ci étant sous l'eau, le contact entre la lave et l'eau de mer engendre la vaporisationvaporisation d'une grande quantité de vapeur d'eau. Du gaz se rajoute donc à l'éruption ! En somme, les éruptions volcaniques sous une faible profondeur d'eau sont compliquées par l'eau de mer qui les rend plus explosives ! Plus explosives donc, mais pas forcément plus émettrices de lavelave...  

    En comparant cette éruption aux Tonga avec celle du Chaitén au Chili, en mai 2008, qui est d'un VEI 4, on se rend compte là aussi du déficit de cendres émises par le volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'Apai. En effet, si la hauteur du panache éruptif est légèrement moindre pour le volcan chilien, l'épaisseur du dépôt de cendres de son paroxysme est de 30 centimètres à 65 kilomètres du volcan ! Pour aller plus loin, on peut aussi estimer l'énergie déployée au moment de l'éruption. James Garvin, un scientifique de la Nasa, a ainsi estimé que l'explosion du 15 janvier 2022 avait libéré une énergie équivalente à 10 mégatonnes, l'équivalent de 500 bombes d'Hiroshima ! C'est comparable avec l'explosion du Mont Saint Helens aux États-Unis, en mai 1980, qui est estimée à un VEI 5.      

    Au regard de ces comparatifs, le VEI de l'éruption aux Tonga se situe donc très probablement entre 4 et 5, ce qui fait d'elle une éruption très violente, mais pas cataclysmique. Et si à l'échelle humaine, c'est un événement important, à l'échelle de la planète, ça l'est beaucoup moins !  

    Un impact sur une large zone

    À la différence du Chaitén ou du Mont Saint Helens, cette éruption fut ressentie à plusieurs milliers de kilomètres. Le tsunami s'est en effet propagé dans tout l'océan Pacifique et le bruit de l'explosion fut entendu jusqu'en Alaska, à plus de 8.500 kilomètres ! Cela n'est pas sans rappeler l'éruption du Krakatau en Indonésie, en août 1883, estimée à un VEI 6 avec un panache éruptif qui a atteint environ 50 kilomètres d'altitude. Le bruit du paroxysme a été entendu quasiment dans tout l'océan Indien, de l'Australie à l'île Rodrigues, une petite île proche de La Réunion. Le tsunami fut lui gigantesque, avec des vagues de plusieurs dizaines de mètres de haut sur les côtes de JavaJava et de Sumatra, ce qui explique le très lourd bilan associé à cette éruption : 36.000 victimes au minimum ! Ce tsunami est la conséquence de l'effondrement du volcan qui culminait à environ 800 mètres de haut dans l'océan, ce qui est à ce jour l'hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer les tsunamis de l'éruption aux Tonga... 

    Pour finir, il convient aussi de se demander si cette éruption pourrait être à l'origine de perturbations climatiques. Car les éruptions volcaniques d'ampleur libèrent des quantités importantes de dioxyde de soufresoufre, un gaz qui se combine à l'eau dans l'atmosphère pour former des micro-gouttelettes d'acide sulfuriqueacide sulfurique. Cet aérosolaérosol constitue une sorte de voile qui réfléchit une partie du rayonnement solairerayonnement solaire, ce qui peut modifier le climatclimat si ces quantités de gaz sont importantes. Les éruptions du Krakatau en 1883 et du Pinatubo en 1991 sont par exemple associées à des perturbations climatiques pendant quelques mois ou années. Mais dans le cas de l'éruption aux Tonga, la quantité de dioxyde de soufre émis a été estimée à 400.000 tonnes, ce qui est trop peu pour avoir des conséquences climatiques.