Une étude récente révèle que le climat est désormais le facteur principal de leur déclin, poussant les experts à appeler à des mesures urgentes pour la préservation de leur habitat et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans le but de sauver ces créatures essentielles pour l'équilibre écologique.
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Grenouilles, crapauds, salamandres... Le changement climatiquechangement climatique est devenu le principal facteur qui rapproche les amphibiens de l'extinction, selon une étude publiée mercredi dans la revue Nature, les auteurs plaidant pour la protection des habitats et la baisse des émissionsémissions de CO2. En l'absence de plumes, poils ou écailles pour les protéger, ces créatures, capables de vivre sur terre et dans l'eau, sont particulièrement vulnérables aux changements de leur environnement. Elles peuvent ainsi se déshydrater rapidement en raison du réchauffement ou souffrir de la disparition de lieux de reproduction humides. Des orages plus fréquents et intenses, des inondations et la montée du niveau des eaux menacent aussi les habitats des amphibiens.
« Dans de nombreux cas, ces changements sont trop rapides pour qu'ils puissent s'adapter », relève Kelsey Neam, spécialiste auprès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICNUICN) et coautrice de l'étude. « Le changement climatique représente une menace sous-évaluée pour les amphibiens » et qui deviendra de plus en plus « évident », pointe cette scientifique. Une vaste étude de 2004 avait déjà montré que ces animaux étaient les vertébrés les plus menacés sur la Planète.
Dans l'article publié mercredi, les scientifiques s'appuient sur une mise à jour l'an dernier de cette étude mondiale, fondée sur l'évaluation de 8 011 espècesespèces pour le compte de l'UICN. Ils concluent que la situation des amphibiens a continué à se détériorer, avec 41 % désormais classés comme « menacés » (une catégorie qui regroupe les espèces vulnérables, en danger et en danger « critique »)). Le changement climatique est responsable de 39 % de la détérioration du statut de conservationstatut de conservation des espèces depuis 2004 (affectant 119 espèces), suivi par la perte d'habitat à hauteur de 37 %.
Les amphibiens se rapprochent de l'extinction
La destruction et la dégradation des habitats -- liées à l'agricultureagriculture intensive ou à la constructionconstruction d'infrastructure -- reste la menace la plus courante, affectant 93% des espèces d'amphibiens menacées. Le rôle désormais prééminent du climatclimat dans la dynamique négative affectant ces animaux constitue une grande nouveauté, car les maladies et les pertes d'habitat étaient responsables de 91 % des dégradation de statut entre 1980 et 2004, seul 1 % étant attribué principalement au changement climatique.
Dans certaines régions de l'Australie ou du Brésil, la sécheressesécheresse causée par le changement climatique devrait par exemple menacer la reproduction de grenouilles, qui ont besoin de l'humidité des sols et des feuilles pour protéger leurs œufs. « On s'attend à ce que le changement climatique pousse certaines espèces encore plus près de l'extinction, souligne Kelsey Neam. En protégeant les amphibiens, nous protégeons les forêts et les écosystèmesécosystèmes qui représentent des solutions importantes et fondées sur la nature pour combattre le changement climatique », plaide-t-elle, soulignant l'urgence à protéger les habitats et à baisser les émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre.
Ces animaux jouent notamment un rôle essentiel dans la chaîne alimentairechaîne alimentaire, en nourrissant des oiseaux, mammifèresmammifères et reptilesreptiles. Les salamandres et les tritonstritons sont les espèces les plus affectées, avec une menace concentrée dans certaines régions comme les Caraïbes, les Andes tropicales, Madagascar ou le Sri Lanka.
Cinq espèces de salamandres ont ainsi connu une dégradation de leur statut de conservation en raison de feux et de sols moins humides en lien avec des sécheresses rendues plus fréquentes et intenses par le changement climatique. Jennifer Luedtke, coautrice de l'étude, note par ailleurs que la concentration des amphibiens dans certaines régions les rend plus fragiles mais peut aussi favoriser les efforts en vue de leur conservation. La protection des habitats a ainsi pu jouer un rôle majeur pour des espèces qui ont vu leur statut de conservation s'améliorer entre 2004 et 2022, ajoute Kelsey Neam.
Le triste sort des grenouilles
Des grenouilles aux tritons, les amphibiens voient leurs populations décroître et des espèces disparaître. Le phénomène est observé depuis une cinquantaine d'années mais les causes de ce déclin sont mal comprises. Une vaste étude vient de paraître mais elle ne simplifie pas le problème : les facteurs sont multiples et varient d'une région à l'autre. Les programmes de conservation doivent donc être ajustés localement, et de façon empirique.
Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet, publié le 28 mai 2016
Depuis les années 1960, voire 1950, les zoologisteszoologistes observent le déclin de nombreux amphibiens (grenouilles, crapauds, salamandres, tritons...), sans pouvoir déterminer de causes précises. Ces animaux marchent pourtant sur la Terre depuis le Dévonien supérieur, il y a plus de 360 millions d'années et le groupe a survécu à bien des vicissitudes.
Que leur arrive-t-il aujourd'hui ? Le phénomène est indéniable, et mondial. Parmi plus de 6.000 espèces recensées, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), dans sa Liste rouge établie en 2008, estimait que 32 % étaient menacées d'extinction ou déjà éteintes.
Une série de facteurs ont été accusés, différant selon les époques et les régions mais, pour la plupart, liés aux activités humaines. On évoque la fragmentation des territoires, les pesticidespesticides, le parasitisme ou le changement climatique. Vertébrés inféodés à l'eau, les amphibiens ont un cycle de vie complexe et une peau perméable, ce qui les rendrait fragiles.
Les causes du déclin ne sont pas les mêmes partout
Devant l'ampleur du déclin, des programmes de conservation ont été mis en place, avec des succès qui semblent limités. Ils sont inefficaces car la cause est multifactorielle, explique une méta-étude portant, pour la première fois à une échelle continentale, sur le territoire des États-Unis. Une équipe menée par Evan H. Campbell Grant, de l'USGS (U.S. Geological Survey) a scruté 61 études, qui avaient analysé 389 suivis concernant 83 espèces.
Globalement, dans ce pays, la perte du nombre d'espèces d'amphibiens serait de 3,79 % par an (ce qui confirme l'évaluation réalisée en 2013 par l'UICN, qui la situait à 3,7 %). Les chercheurs ont testé les effets de quatre des principaux facteurs incriminés aux États-Unis, dans différentes régions (voir le communiqué de l'USGS) :
- les maladies, essentiellement celles dues à un champignonchampignon (Batrachochytrium dendrobatidis) parasiteparasite des amphibiens ;
- l'extension des zones urbaines et agricoles ;
- les pesticides ;
- le changement du climat.
Conclusion des auteurs : selon la région, la cause principale varie bien plus qu'on ne le croyait. Il n'y a donc pas, expliquent-ils, de méthode globale pour contrer le déclin des amphibiens. Les actions doivent être locales et adaptées, ce qui n'est pas simple. « Il faut une double stratégie : mieux comprendre les causes du déclin à l'échelle de la région et bien suivre les effets de la gestion mise en place, malgré les incertitudes sur les facteurs », estiment en substance les auteurs dans la discussion de l'article paru dans la revue Nature. Il y a du travail pour protéger nos amies les grenouilles...