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Dans l'histoire géologique de la Terre et de sa biosphère, le Silurien succède à l'Ordovicien il y a environ 443 millions d'année. À cheval sur ces deux périodes, il s'est produit la seconde extinction massive du paléozoïque. Elle correspond à la disparition d'environ 60 % des espècesespèces marines. Plusieurs hypothèses ont été proposées pour l'expliquer, dont celle d'un sursaut gamma qui se serait produit dans la Voie lactéeVoie lactée. Malgré cette crise, les océans du Silurien vont voir se développer de façon importante les coraux pour la première fois. On assiste aussi à une diversification des poissonspoissons qui annonce celle, très importante, du DévonienDévonien.
L'évolution des espècesévolution des espèces marines pendant le Silurien présente toutefois encore des zones d'ombre et il faut s'attendre à des rebondissements dans la constructionconstruction de l'arbre phylogénétiquearbre phylogénétique du vivant. On en a vu un exemple en 2013 avec la publication dans Nature de travaux portant sur les fossilesfossiles d'un placoderme, Entelognathus primordialis, mis au jour dans la formation géologique de Kuanti en Chine. Cette découverte a ébranlé les idées en vigueur sur l'évolution des vertébrésvertébrés. Un autre article paru également dans Nature et portant sur la découverte de fossiles attribués à un autre poisson perturbe aujourd'hui la vision que l'on se faisait de la géochimie et du climatclimat de la Terre à la fin du Silurien et au début du Dévonien il y a environ 423 millions d'années.
Les mers du Silurien sont devenues célèbres grâce à la découverte de fossiles de sortes de scorpions géants. On voit ici une reconstitution d'artiste de certains de ces arthropodes appelés euryptérides. © Wikipédia, cc by 2.0
Les paléontologuespaléontologues Brian Cho et Min Zhu, déjà co-auteurs de l'article sur Entelognathus primordialis, y analysent les restes d'un tout nouveau poisson à mâchoires nommé Megamastax amblyodus (ce qui signifie en gros Grande bouche à dents émoussées). Il a été découvert là aussi dans la formation géologique de Kuanti et cela tend à confirmer que les vertébrés dotés de mâchoires se sont développés initialement dans les eaux recouvrant la partie du continent du GondwanaGondwana qui donnera naissance à la Chine. À cette époque, la terre ferme ne porteporte encore que des végétaux, comme Cooksonia qui pourrait peut-être représenter le plus ancien type de plante vasculaireplante vasculaire, et quelques rares arthropodesarthropodes.
Ce qui fait tout le prix de la découverte de Megamastax amblyodus, ce n'est pas vraiment qu'il apparaisse à ce jour comme le plus grand vertébré à mâchoires de la fin du Silurien, avec une longueur estimé à 1 mètre. Cela ne le rend d'ailleurs pas aussi impressionnant que les scorpions des mers de cette période, les euryptérides géants apparus durant l'Ordovicien, dont certaines espèces pouvaient atteindre 3 m de long. Non, ce qui rend ce fossile précieux et troublant c'est ce que nous dit sa taille sur la composition chimique des océans de l'époque et indirectement sur le climat de la Terre.
Une atmosphère plus riche en oxygène qu'aujourd'hui
En effet, un poisson d'une telle taille devait avoir besoin de grandes quantités d'oxygène. Or, jusqu'à tout récemment les informations contenues dans des archives géologiques de l'époque laissaient penser que l'atmosphèreatmosphère de la Terre devait être moins riche en oxygène qu'aujourd'hui. Tout naturellement, cela impliquait que le taux d'oxygène dissous dans les océans devait aussi être plus bas.
Il se trouve en fait que des modifications récentes de Geocarbsulf, un modèle géochimique utilisé pour comprendre le cycle du carbone, conduisent à la prédiction d'une lente augmentation de la quantité d'oxygène atmosphérique à partir de la fin de l'Ordovicien avec même un pic excédant le taux d'O2 actuel à la fin du Silurien. La découverte de Megamastax amblyodus vient donc à point nommé pour corroborer le dernier modèle paléoatmosphèrique du Silurien. Les paléoclimatologues seraient donc sur un sol plus ferme pour comprendre comment un climat global froid à l'Ordovicien a pu être suivi d'un climat très chaud au Dévonien, avec une absence de calottes polairescalottes polaires.