Dans quelques semaines maintenant, de nouvelles normales climatiques entreront en vigueur. Des normales recalculées sur les 30 dernières années. En France comme partout dans le monde. Agathe Drouin, une spécialiste de la question au département des études climatologiques de Météo France, nous détaille les enjeux de l’opération.


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    Avec la tenue de la 26e Conférence des Parties signataires de la convention-cadre des Nations unies pour les changements climatiqueschangements climatiques (COP26) à Glasgow durant la première quinzaine de novembre, cette fin d'année pourrait marquer un tournant dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais le conditionnel reste de rigueur. Ce qui est certain, en revanche, c'est que cette fin d'année -- en réalité plutôt le 1er trimestre 2022 -- marquera l'entrée en vigueur de nouvelles normales climatiques.

    Les règles sont strictes.

    Oui, ces fameuses normales dont nous parle de plus en plus régulièrement le bulletin météo. Vous les pensiez immuables ? Eh bien non. En réalité, elles sont mises à jour tous les 10 ans. « Elles sont calculées à partir de règles très strictes édictées par l'Organisation météorologique mondiale (OMM) », nous précise Agathe Drouin, spécialiste de la question au département des études climatologiques de Météo France. Des règles strictes pour des calculs qui restent toutefois simples. « Nous parlons là de moyennes arithmétiques. »

    Rappelons que l'idée d'établir des normales climatiques remonte à la première moitié du XXe siècle. Comme aujourd'hui, il était alors déjà recommandé de faire porter la période de référence sur 30 ans. « Une duréedurée prise pour norme essentiellement parce qu'on ne disposait, à l'époque, que de 30 ans de données observationnelles », signale l'OMM. Ce qui a changé depuis, c'est que d'un calcul sur des périodes de 30 ans qui ne se recoupent pas, nous sommes désormais passés à un calcul tous les 10 ans. « Pour suivre d'un peu plus près la pente du changement climatique », souligne Agathe Drouin. Ainsi les normales dont il est encore question aujourd'hui ont été calculées sur la période 1981-2010. Mais au 1er trimestre 2022 au plus tard, de nouvelles normales calculées sur la période 1991-2020 seront adoptées par les services de météorologie de tous les pays du monde.

    Plus que des normales de températures mensuelles

    « Il nous est difficile de publier ces nouvelles normales plus rapidement, nous précise Agathe Drouin. Parce que la phase de validation est longue, d'abord. Ces données doivent servir de référence pendant 10 ans. Nous n'avons pas droit à l'erreur ». Ensuite, parce que lorsque les météorologuesmétéorologues parlent de normales, ils ne parlent pas que de normales de température. « Nous publions également des normales de précipitations, de vent ou encore d'insolationinsolation. Des moyennes mensuelles, mais aussi des caractéristiques un peu plus précises. Comme le nombre de jours qui ont dépassé un seuil, de température ou de précipitation, par exemple », nous explique la spécialiste de Météo France.

    Ainsi la quantité de données à diffuser est colossale. Entre le nombre de jours où la température a dépassé -10 °C ou -5 °C ou encore 0 °C. Et le nombre de jours où il a plu plus de 1 millimètre, plus de 5 millimètres ou plus de 10 millimètres. « Nous caractérisons aussi l'humidité et la nébulosité. Et nous proposons ce que nous appelons des normales de phénomènes, qui rendent comptent de situations orageuses ou de chutes de grêle, par exemple. » Le tout calculé sur la même période de 30 ans -- avec certaines données enregistrées sur une année qui commence au 1er août, comme les données hydrologiques, par exemple -- et qui doit être publié au même moment.

    « Au même moment, pour ne pas perdre le public, nous indique Agathe Drouin. Car il faut garder des références les plus claires possibles ». D'ailleurs, lorsque les nouvelles normales seront publiées -- au 1er trimestre 2022, donc --, Météo France prévoit une série de communications pédagogiques destinées à expliquer les influences et les conséquences de ce basculement.

    Météo France publie des normales calculées à partir des données recueillies sur des postes d’observation. Mais aussi ces données spatialisées qui permettent de combler le manque de données dans les zones où il n’y a pas de poste d’observation. © PhG, Adobe Stock
    Météo France publie des normales calculées à partir des données recueillies sur des postes d’observation. Mais aussi ces données spatialisées qui permettent de combler le manque de données dans les zones où il n’y a pas de poste d’observation. © PhG, Adobe Stock

    Vers des normales climatiques en climat changeant

    « Dans le contexte de changement climatique rapide que nous vivons, deux choses sont importantes à souligner : le fait que les normales de température calculées sur la période 1991-2020 -- les nouvelles normales -- seront légèrement supérieures à celles calculées sur la période précédente (1981-2010) et le fait que même ces nouvelles normales seront porteuses d'un biais par rapport à la période actuelle », souligne Agathe Drouin. Météo France indique en effet d'ores et déjà que la nouvelle normale de température s'établira à 12,97 °C. Soit une hausse de 0,41 °C par rapport à la précédente. « Les anomalies dont nous parlerons en 2022 seront donc probablement moindres en apparence, mais elles ne devront pas pour autant faire oublier la réalité du changement climatique. »

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    Les chercheurs espèrent toutefois trouver des solutions pour proposer bientôt des références non biaisées pour le climat présent. L'OMM en évoquait le besoin dès 2007. « Plusieurs pistes sont étudiées pour établir des normales dites en climat changeant. De telles normales sont d'ailleurs déjà calculées en plus des normales plus classiques », nous apprend la spécialiste de Météo France. « Afin de pouvoir étudier en interne les différences qu'elles produisent et parfaitement les caractériser avant de les utiliser à plus grande échelle. » L'idée serait par exemple d'étudier la déformation des cycles saisonniers sous l'influence du dérèglement climatique. Pour prendre en compte les régions qui se réchauffent plus l'été, mais aussi, celles qui se réchauffent plutôt l'hiver. « Le calcul de telles normales en climat changeant est bien plus complexe. Il repose sur des méthodes statistiques avancées et parfois, sur des modèles climatiquesmodèles climatiques compliqués. »

    Pour évaluer le changement climatique sur un plus long terme, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) préconise de conserver la période 1961-1990 comme référence. Lorsqu’il s’agit de juger de l’augmentation de la fréquence des vagues de chaleur, par exemple. © Tom Wang, Adobe Stock
    Pour évaluer le changement climatique sur un plus long terme, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) préconise de conserver la période 1961-1990 comme référence. Lorsqu’il s’agit de juger de l’augmentation de la fréquence des vagues de chaleur, par exemple. © Tom Wang, Adobe Stock

    En attendant que de nouvelles normes soient établies en la matièrematière, Agathe Drouin nous rappelle que les normales climatiques classiques restent utiles. « Elles servent à caractériser des événements, mais aussi à déterminer les conditions auxquelles on peut le plus vraisemblablement s'attendre en un lieu donné, lorsque l'on souhaite y implanterimplanter une activité dépendante de la météo, par exemple. C'est un bon moyen de se faire une idée du climat local en lissant sa variabilité interannuelle. Les normales climatiques ne caractérisent pas tout à fait le temps qu'il fait aujourd'hui ou le temps qu'il fera dans les semaines, les mois, les années à venir. Parce qu'elles sont calculées sur les 30 années écoulées. Sur le passé. Et parce que nous vivons un changement climatique dont la tendance sur l'avenir dépend de l'évolution de nos émissions de gaz à effet de serre. Mais, comme ces normales sont calculées partout de la même manière et sur la même période, elles permettent au moins des comparaisons à travers le monde. »