Une nouvelle étude révèle qu’il y a environ 19 millions d’années, la calotte glaciaire de l’Antarctique a présenté des cycles de croissance-fonte bien plus courts qu’on ne s’y attendait, indiquant l’extrême sensibilité des calottes aux changements environnementaux. Des résultats qui pourraient aider à mieux anticiper les variations du niveau des océans dans le futur.


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    Alors que nous sommes bien installés sur les rails d'un réchauffement climatique, comprendre comment les glaces des calottes polaires vont répondre à cette augmentation globale des températures devient un enjeu majeur. À l'heure actuelle, les calottes représentent en effet un volume d’eau équivalent à une hausse de plus de 50 mètres du niveau des océans ! Leur dynamique a également une influence forte sur les courants océaniques qui régissent en grande partie les conditions climatiques dans différentes régions du globe. La disparition des calottes polaires pourrait donc avoir de profondes conséquences sur l'ensemble des écosystèmes terrestres... et sur nos sociétés.

    Des cycles de croissance-fonte très rapides en Antarctique durant le Miocène

    Identifier les facteurs et les causes des variations de volumevolume des calottes glaciairescalottes glaciaires au cours des temps géologiques pourrait permettre de mieux anticiper ces changements dans le futur. Les études de glaciologie montrent ainsi que la calotte Antarctique a connu des cycles réguliers de croissance et de fontefonte, en lien avec les variations des paramètres orbitaux (cycles de Milankovitch) qui contrôlent principalement, hors action humaine, le climat terrestre. Pourtant, une nouvelle étude révèle que les choses ont été bien plus complexes durant le MiocèneMiocène. Une observation intéressante, car le climat du Miocène (époque géologique récente qui s'étage de 23,03 à 5,33 millions d'années), globalement plus chaud, est considéré comme un bon analogue aux conditions que nous devrions connaître d'ici le prochain siècle.

    L'étude, publiée dans la revue Pnas, montre ainsi qu'il y a 19,2 à 18,8 millions d'années, la calotte Antarctique a connu une multitude de cycles de croissance-retrait très courts, impossibles à expliquer totalement par les cycles de Milankovitch. Ces derniers sont en effet de l'ordre de dizaines ou de centaines de milliers d'années. Or, les cycles observés durant le Miocène possèdent une duréedurée de quelques milliers d'années seulement. Le plus court aurait duré seulement 1 200 ans. La question des causes de ces variations ultrarapides du volume des glaces se pose alors.

    Les cycles de croissance-fonte observés durant le Miocène ne peuvent être totalement expliqués par les variations des paramètres orbitaux. © Paul, Adobe Stock
    Les cycles de croissance-fonte observés durant le Miocène ne peuvent être totalement expliqués par les variations des paramètres orbitaux. © Paul, Adobe Stock

    Il faut se préparer à des fluctuations du niveau marin plus rapides que prévu

    Elles pourraient être liées notamment à l'effondrementeffondrement rapide de la calotte suite à une accumulation trop importante de glace la rendant instable. Les effets de la frictionfriction entre la base de la glace et le sol pourraient également jouer un rôle. Pour les auteurs, les mécanismes semblent toutefois multiples et les interactions nombreuses. Les résultats révèlent ainsi que les calottes glaciaires seraient bien plus sensibles aux changements environnementaux qu'on ne le pensait jusqu'alors, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur le niveau des océans dans le futur.


    La calotte glaciaire de l’Antarctique pourrait s'effondrer beaucoup plus tôt qu'on ne le pensait

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 18 décembre 2021

    Dans l'espoir de mieux comprendre ce qui attend l'Antarctique pour les années à venir, les chercheurs ont une nouvelle fois interrogé le passé. Leur objectif : révéler comment la glace a réagi à des changements climatiques il y a plusieurs millions d'années. Et ils ont découvert que l'Antarctique pourrait être plus vulnérable au réchauffement climatique anthropique qu'ils ne le pensaient jusqu'alors.

    Nous avons beaucoup à apprendre du passé. Les scientifiques le savent. Et c'est pourquoi ils s'appliquent à explorer comment les systèmes terrestres ont réagi à des changements climatiques survenus, pour certains, il y a plusieurs millions d'années. Ils savent ainsi que pendant les périodes les plus chaudes du début de l'ère du Miocène -- avec des températures comparables à celles éventuellement attendues d'ici 2100 --, il y a environ 16 à 18 millions d'années, le niveau des mers du monde s'est élevé jusqu'à 60 mètres au-dessus de ce qu'il est actuellement. Ils estiment que cela correspond à l'équivalent de la fonte de toute la glace qui constitue aujourd'hui l'Antarctique.

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    Mais pour prévoir comment la région va réagir au changement climatique anthropique en cours, il faut rentrer plus dans le détail. Savoir quelles ont pu être les contributions respectives de la grande calotte glaciaire située à l'est de l'Antarctique -- notée EAIS pour East Antarctic ice sheet -- et de la petite calotte qui se trouve à l'ouest - notée WAIS pour West Antarctic ice sheet. Et des chercheurs de l’Imperial College London (Royaume-Uni) apportent aujourd'hui un éclairage à ce sujet. Selon eux, la WAIS était, pendant les périodes froides du Miocène, bien plus grande qu'ils le pensaient jusqu'alors. Elle aurait ainsi contribué de manière plus marquée à l'élévation du niveau de la mer.

    De quoi expliquer pourquoi les modèles montraient que des parties de l'EAIS avaient pu subsister, même pendant les périodes les plus chaudes de ces 23 derniers millions d'années. Alors même que les enregistrements géologiques montraient d'importants événements d'élévation du niveau de la mer. Parce qu'une WAIS plus étendue -- les chercheurs en ont trouvé des preuves loin au large -- avait elle aussi fondue. Les chercheurs expliquent que la calotte glaciaire ouest a pu ainsi s'étendre par le passé notamment parce qu'alors, une plus grande partie de la surface de la terreterre était au-dessus du niveau de la mer.

    Sur ces cartes, l’Antarctique durant les périodes froides (en haut à gauche) et chaudes (en haut à droite) du Miocène. Et l’Antarctique tel que nous le connaissons aujourd’hui (en bas). © Jim Marschalek, <em>Imperial College London</em>
    Sur ces cartes, l’Antarctique durant les périodes froides (en haut à gauche) et chaudes (en haut à droite) du Miocène. Et l’Antarctique tel que nous le connaissons aujourd’hui (en bas). © Jim Marschalek, Imperial College London

    Connaître le passé pour préparer l’avenir

    L'ennui, c'est que la partie ouest de la calotte glaciaire de l'Antarctique est considérée par les experts comme particulièrement vulnérable à la fonte des glaces qui se produit aujourd'hui sous l'effet du réchauffement climatique anthropique. Car vulnérable au réchauffement à la fois de l'océan et de l'atmosphèreatmosphère. Le fait que la WAIS se soit, au cours du Miocène, considérablement étendue et contractée, laisse entendre que même avec des surfaces émergées aujourd'hui moins importantes, la calotte ouest de l'Antarctique pourrait, à l'avenir, contribuer à une élévation significative du niveau de la mer.

    « La bonne nouvelle, c'est que les grandes calottes glaciaires sont relativement lentes à réagir aux changements environnementaux, nous pourrions donc encore être en mesure d'éviter une perte de glace majeure dans de nombreuses régions. La mauvaise nouvelle c'est que les zones basses de la calotte glaciaire présentent un "point de basculement", et nous ne comprenons pas encore pleinement où se situe ce point de non-retour », précise Tina van de Flierdt, chercheur à l'Imperial College London, dans un communiqué.

    Ce dessin donne un aperçu des conséquences d’une fonte de la glace antarctique sur le niveau des mers. Si la calotte ouest de l’Antarctique venait à fondre, l’eau monterait jusqu’à submerger l’équivalent des habitations de Londres. Si la calotte est devait disparaître, c’est l’équivalent de la Colonne Nelson qui se retrouverait sous les eaux. Si toute la glace de l’Antarctique disparaissait, l’eau monterait virtuellement presque jusqu’au sommet de Big Ben. © <em>Imperial College London</em>
    Ce dessin donne un aperçu des conséquences d’une fonte de la glace antarctique sur le niveau des mers. Si la calotte ouest de l’Antarctique venait à fondre, l’eau monterait jusqu’à submerger l’équivalent des habitations de Londres. Si la calotte est devait disparaître, c’est l’équivalent de la Colonne Nelson qui se retrouverait sous les eaux. Si toute la glace de l’Antarctique disparaissait, l’eau monterait virtuellement presque jusqu’au sommet de Big Ben. © Imperial College London

    La situation s'est déjà produite par le passé. Et les chercheurs estiment que maintenir le réchauffement en dessous de 2 °C, et idéalement même de 1,5 °C, doit rester l'objectif à viser. D'autant que leurs travaux montrent aussi que la WAIS était très sensible à l'érosion. Ainsi, plus le temps passe, plus la surface terrestre descend sous le niveau de la mer. De quoi augmenter de manière permanente la sensibilité de la calotte glaciaire de l'Antarctique occidental aux conditions océaniques changeantes.