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    Une autre perspective intéressante a été explorée par Jeff Clune et Hod Lipson, et se révèle particulièrement prometteuse pour les adeptes du « Do It Yourself ». Avec l'apparition des imprimantes 3D personnelles, chacun va pouvoir devenir le créateur de ses objets.

    Tête de squelette en 3D. © Denis Ronin, Shutterstock

    Tête de squelette en 3D. © Denis Ronin, Shutterstock
    L'impression 3D est aujourd'hui à portée de main. Certaines techniques de la vie artificielle peuvent aider à la création d'objets en 3D. © EndlessForms

    L'impression 3D est aujourd'hui à portée de main. Certaines techniques de la vie artificielle peuvent aider à la création d'objets en 3D. © EndlessForms

    Mais que créer ? Tout le monde n'a pas les compétences esthétiques nécessaires à la conception. Pourquoi donc ne pas utiliser les techniques de vie artificielle, et singulièrement l'algorithmiquealgorithmique génétiquegénétique, pour générer des objets complexes ? C'est une voie qu'a exploré une équipe de Cornell, qui a ensuite lancé un site pour le grand public, EndlessForms (vidéo). 

    EndlessForms, l'aide à la création d'objets 3D


    Le site EndlessForms propose des formes prédéfinies pour aider à la création d'objets 3D. © EndlessForms/YouTube

    Le principe d'EndlessForms est simple. On demande au système de créer une nouvelle forme. Celui-ci en suggère une dizaine, parmi lesquelles on choisit celle qu'on préfère. Puis, on demande au programme de la faire évoluer. Il en crée alors une dizaine de nouvelles variations, parmi lesquelles on sélectionne celle qu'on fera à son tour, évoluer, etc.

    Il est assez rare d'obtenir rapidement une forme intéressante en partant de zéro. Mais EndlessForms possède une dimension collaborative. Les utilisateurs peuvent publier sur le site les structures les plus pertinentes, et chacun est libre de se saisir d'une de ces créations pour la faire muter à son tour (et éventuellement publier les résultats).

    Le concept n'est pas tout à fait neuf : des logicielslogiciels 3D qui proposent de faire évoluer des objets par l'intermédiaire d'algorithmes génétiques existent depuis longtemps. Le programme freewarefreeware Lparser, par exemple, offrait cela sur des L-systems voilà plus de dix ans...

    Logiciels 3D, L-systems et simulation cellulaire

    Mais l'algorithme utilisé par l'équipe de Cornell est différent. En effet, affirment-ils dans leur papier, si des systèmes comme les chaînes de Lindenmayer sont capables de reproduire en apparence diverses formes organiques, ils ne reproduisent pas le développement de véritables plantes ou d'êtres vivants : il s'agit plutôt d'abstractions mathématiques. En revanche, il existe aussi des systèmes qui essaient de simuler la morphogénèse au niveau des cellules et des molécules, mais ceux-là sont trop complexes pour être utilisés en pratique.

    Clune et son équipe ont employé une technique intermédiaire nommée CPPN (pour Compositional pattern producing networks, c'est-à-dire Modèles de composition pour produire des réseaux). C'est un peu plus concret que les chaînes de Lindenmayer (qui reposent en fait, comme leur nom l'indique, sur de longues chaînes de caractères) et plus abstrait que la simulation cellulaire : en gros, il s'agit avec ce système d'utiliser des modules de formes géométriques capables de se combiner pour produire des structures complexes.

    Que ce soient les expériences de Pollack ou celle de Clune et son groupe, on peut arriver à imaginer à quoi ressemblera demain le processus de « fabrication personnelle » :

    • on commence par choisir un système de production de formes susceptible d'élaborer des objets d'emblée assez complexes. C'est, pour employer l'expression de Jordan Pollack, l'embryogenèseembryogenèse des machines ;
    • on applique aux formes ainsi élaborées un processus darwinien de sélection naturellesélection naturelle, dans un monde virtuel : cette sélection peut s'effectuer en fonction de contraintes diverses (gravitation, friction, comme dans les expériences de Pollack) ou des choix d'un ou plusieurs observateurs humains (EndlessForms) qui jouent alors le rôle de « jardinier » ;
    • on crée les formes sélectionnées dans le monde réel à l'aide de matériaux simples et d'imprimantes 3D.

    Voilà qui pourrait remettre en question le processus industriel actuel, qui implique l'élaboration de spécifications précises de la part d'un créateur ou d'une équipe avant sa création dans le monde réel. Une procédure traditionnelle que même les nouvelles technologies de la fabrication personnelle n'ont jamais remise en cause.

    Séduisant, mais cela peut-il vraiment fonctionner ? Après tout, les expériences mentionnées par Pollack datent du début des années 2000, et ne semblent pas avoir connu de suite importante récemment. Endlessforms est tout récent, mais se concentre surtout sur la création esthétique.

    Il est donc temps, en conclusion, de s'interroger sur le futur de la vie artificielle et d'essayer de comprendre ce qu'elle va être en mesure de nous apporter dans les prochaines années.