Une révolution en perspective pour les réseaux sans fil ? Peut-être : une équipe de chercheurs suédois et italiens vient en effet de présenter un nouveau moyen de transmettre des informations par radio, permettant d'exploiter sur une même fréquence une multitude de canaux, voire, en théorie du moins, une infinité... Comment faire ? En tordant les ondes comme des pâtes fusilli, explique à Futura-Sciences un chercheur italien membre de l'équipe.

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    L'antenne parabolique de l'émetteur. On remarque sa forme  hélicoïdale qui module l’onde selon son moment angulaire orbital, la rendant torsadée. © Fabrizio Tamburini et al. 2012 New J. Phys

    L'antenne parabolique de l'émetteur. On remarque sa forme hélicoïdale qui module l’onde selon son moment angulaire orbital, la rendant torsadée. © Fabrizio Tamburini et al. 2012 New J. Phys

    Il suffit d'essayer d'envoyer plusieurs SMS à minuit le 1er janvier pour se rendre compte du problème de l'engorgement des ondes radio. Et ce n'est qu'un début, puisqu'avec la multiplication des smartphones et la mise en place de la TNT, les bandes de fréquences radio risquent de rapidement saturer.

    Pour augmenter la capacité de transmission, le seul moyen actuellement disponible est d'élargir les bandes de fréquences. Mais la méthode trouve ses limites quand, à force d'inflation, ces bandes réservées à différents utilisateurs (3G, militaires, aéronautique...) menacent de se superposer.

    Depuis quelque temps, des scientifiques planchent sur un autre procédé pour moduler des ondes radio, un peu comme si l'on exploitait une dimension supplémentaire. Longtemps resté une possibilité théorique, l'exploit vient d'être réalisé lors d'une véritable transmission radio par une équipe de scientifiques italiens et suédois. De quoi bouleverser l'universunivers du sans-fil dans les prochaines années et, pourquoi pas, rendre possible le visionnage de vidéos en 3D et en HD sur les smartphones.

    Comment ? « En donnant aux ondes une forme torsadée, à l'aspect d'une pâte fusilli », a expliqué à Futura-Sciences, Fabrizio Tamburini, docteur à l'université de Padoue, en Italie, qui porteporte le projet. La forme de l'onde est générée par une antenne hélicoïdale parabolique. L'onde est enroulée autour de son axe plusieurs fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Au final, représentées en 3D, ces ondes ressemblent effectivement à des pâtes de bléblé torsadées, autrement dit, des fusilli.

    L'une des deux antennes de l'interféromètre du récepteur. © Fabrizio Tamburini <em>et al.</em>/2012 <em>New J. Phys.</em>

    L'une des deux antennes de l'interféromètre du récepteur. © Fabrizio Tamburini et al./2012 New J. Phys.

    Le moment angulaire orbital : clé du système

    Modeste, le chercheur précise que finalement, les scientifiques n'ont pas inventé grand-chose : « Il ne s'agit pas de techniques difficiles mais uniquement d'une autre façon de réfléchir sur les lois physiquesphysiques de base. ». Cette technique repose en effet sur un phénomène de physique quantiquephysique quantique connu. Les photonsphotons, vecteurs des ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques, peuvent présenter un moment angulairemoment angulaire supplémentaire, appelé moment angulaire orbital, ou OAM, pour Orbital Angular Momentum. Un peu comme si les ondes tournaient sur elles-mêmes. Dans un même faisceau, de fréquence unique, plusieurs photons peuvent présenter des OAM différents. Si on parvient à moduler indépendamment plusieurs ondes présentant des OAM différents, on peut encoder autant de signaux. D'où la possibilité de créer plusieurs canaux sur une même bande de fréquence.

    Découvert dans les années 1930 sur le plan théorique, cet OAM est resté longtemps hors de portée des technologies. Depuis quelques années, on commence à savoir le maîtriser et donc à le moduler.

    Pour expérimenter cette théorie, les chercheurs ont effectué une démonstration publique devant 2.000 personnes... à Venise, une ville idéale pour présenter une multiplication des canaux. L'endroit a été choisi pour des raisons historiques : c'est là que Guglielmo Marconi a effectué plusieurs expériences de radiotransmission entre Venise et son yacht, l'Elettra.

    Franchissant 442 mètres, l'émissionémission transmettait un faisceau d'« ondes fusilli » sur une unique bande de fréquence étroite, à 2,414 GHz mais avec deux canaux. L'une des ondes était « tordue » et l'autre présentait un OAM nul. Entre l'île de San Giorgio et le palais des Doges, l'antenne de réceptionréception a pu capter les deux flux d'ondes, l'une transportant l'image de barres colorées, l'autre de la baie. Il suffisait, pour passer de l'une à l'autre, de bouger la petite antenne du récepteur. On peut regarder la vidéo de l'expérience (en anglais) sur le site du New Journal of Physics, où les résultats ont été publiés.

    Lorsqu'on l'interroge sur l'avenir de cette découverte, Fabrizio Tamburini dit y croire vraiment. Il indique même qu'un brevet a déjà été déposé et que plusieurs entreprises souhaitent investir dans le développement de ces recherches.