Depuis quelques mois, des écrans tactiles dits sans contact ont fait leur apparition sur le marché. Leurs capteurs permettent de détecter à distance la position d'un doigt au-dessus de l’écran. Des chercheurs allemands viennent de mettre au point un tout nouveau système d'écran sans contact reposant sur… la transpiration des doigts.

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    Dans notre environnement quotidien, les écrans tactiles sont partout, de nos smartphones aux distributeurs automatiques de billets en passant par les écrans d'informations dans les centres commerciaux. Et ils sont extrêmement pratiques. Ils affichent cependant aussi quelques inconvénients parmi lesquels, surtout en cette période automnale, le fait de représenter un vecteur de transmission de virus et de bactériesbactéries non négligeable. Des chercheurs allemands de l'Institut Max Planck de Stuttgart et de l'université Louis-et-Maximilien de Munich se sont donc posé la question de savoir s'ils pouvaient concevoir un système qui réagirait à la simple approche d'un doigt. Une sorte d'écran tactile, mais sans contact. Ils ont ainsi développé des matériaux nanostructurés, dont les propriétés électriques et même optiques changent avant même que le doigt ne les touche.

    Un écran tactile sans contact, comment ça marche ? Dans les quelques versions déjà présentes sur le marché, le système repose sur une combinaison de détecteurs de mouvementsdétecteurs de mouvements. Les chercheurs allemands ont quant à eux choisi d'exploiter une caractéristique humaine universelle : le simple - et souvent non désiré - fait que nous transpirons ! Ainsi notre corps, par les pores de notre peau, émet en permanence des moléculesmolécules d'eau. Et les scientifiques sont parvenus à visualiser la transpiration d'un doigt grâce à un capteur d'humiditécapteur d'humidité dernière génération. Un capteur qui réagit dès que l'objet s'en approche - le doigt en l'occurrence. L'augmentation d'humidité ainsi enregistrée est convertie en signal électrique ou transformée en changement de couleurcouleur.

    Une nanostructure qui change de couleur

    Au cœur du dispositif, de l'acideacide phosphatoantimonique de formule chimique HSbP2O8. À température ambiante, ce composé se présente sous la forme de cristaux solidessolides capables d'absorber l'eau. Dans le processus, les cristaux gonflent de manière assez spectaculaire. C'est cette propriété qui a été exploitée par les chercheurs pour modifier les propriétés optiques de leur dispositif. Mais ce n'est pas tout. La conductivité électrique de l'acide phosphatoantimonique augmente également en même temps que la quantité d'eau stockée (et ce de manière particulièrement localisée). Une caractéristique qui permet d'utiliser l'acide phosphatoantimonique pour mesurer l'humidité ambiante et, surtout, pour la conception d'écrans tactiles sans contact.

    Grâce à une nanostructure à base de couches d’acide phosphatoantimonique, de dioxyde de silicium et de nanoparticules de dioxyde de titane, le système détecte, avec précision, un changement d’humidité ambiante, et la couleur de l’écran change lorsqu’un doigt s’en approche à quelques millimètres. © Advanced Materials 2015, Max Planck Institute for Solid State Research

    Grâce à une nanostructure à base de couches d’acide phosphatoantimonique, de dioxyde de silicium et de nanoparticules de dioxyde de titane, le système détecte, avec précision, un changement d’humidité ambiante, et la couleur de l’écran change lorsqu’un doigt s’en approche à quelques millimètres. © Advanced Materials 2015, Max Planck Institute for Solid State Research

    C'est donc à partir de nanofeuilles d'acide phosphatoantimonique que les chercheurs allemands ont développé une nanostructure plus complexe, qui réagit à l'humidité en changeant de couleur. Ils ont en fait réalisé un empilement de nanofeuilles chimiquement stable de seulement un micromètremicromètre d'épaisseur (soit 10-6 mètre). Un empilement qui alternealterne de l'acide phosphatoantimonique, du dioxyde de siliciumsilicium (SiO2) et des nanoparticules de dioxyde de titanedioxyde de titane (TiO2). De quoi, finalement, offrir un retour visuel du mouvement du doigt au-dessus de l'écran. Car l'augmentation du volumevolume de l'acide phosphatoantimonique en présence d'humidité - et uniquement en présence d'humidité - provoque un changement de couleur, à l'image de ce qui se passe sur les ailes d'un papillon.

    Un matériau qui réagit en quelques millisecondes

    Autre caractéristique intéressante du système proposé par les chercheurs de Stuttgart et de Munich : la capacité de la structure nanométrique à réagir à un changement d'humidité en seulement quelques millisecondes là où ses concurrentes ne répondent qu'au bout de plusieurs secondes parfois. Une caractéristique essentielle, bien sûr, en vue d'une applicationapplication pratique sur un écran tactile sans contact.

    Mais avant que les écrans tactiles sans contact à base d'acide phosphatoantimonique n'inondent le marché, les chercheurs vont encore devoir résoudre quelques difficultés. La rentabilité économique, par exemple, doit encore être améliorée. Et le système devra être recouvert d'une couche protectrice contre les attaques chimiques ou mécaniques mais laissant passer l'humidité. Les scientifiques allemands assurent avoir déjà une idée de solution...