Un nouveau détecteur d’explosif s’inspire de la structure des antennes du bombyx du mûrier, un papillon de nuit. Les performances obtenues en utilisant un microlevier de silicium et des nanotubes de dioxyde de titane repoussent d’un facteur mille les seuils de détection atteints jusque-là. Elles s'approchent même de celles d'un chien entraîné. 

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    Vue d'ensemble du microlevier nanostructuré par des nanotubes alignés de dioxyde de titane. La fixation de molécule de TNT sur ces tubes modifie la fréquence de résonance du dispositif, trahissant ainsi leur présence. © Fabien Schnell, NS3E

    Vue d'ensemble du microlevier nanostructuré par des nanotubes alignés de dioxyde de titane. La fixation de molécule de TNT sur ces tubes modifie la fréquence de résonance du dispositif, trahissant ainsi leur présence. © Fabien Schnell, NS3E

    La détection efficace d'explosifs tels que le trinitrotoluène (TNT) constitue un défi en matièrematière de sécurité. Car ces composés, très peu volatils, ne peuvent être détectés à distance qu'avec des capteurscapteurs extrêmement sensibles. Les systèmes actuels détectent des concentrations de l'ordre de 1 partie par milliard  (ppb, parts per billion, soit une moléculemolécule pour 109 molécules d'airair), performance qui peut se révéler insuffisante pour assurer la sécurité d'un aéroport, par exemple.

    Or, de nombreux animaux ont un odoratodorat pouvant descendre bien en dessous de ce seuil. Parmi ceux-ci, le bombyx du mûrier (Bombyx moriBombyx mori), un papillon de nuit capable de réagir à la capture de seulement quelques molécules de phéromonephéromone. Ses antennes sont composées de brins d'une longueur proche du millimètre sur lesquels sont placées un grand nombre de sensillessensilles, de tout petits brins de taille micrométrique directement reliés aux neurones sensorielsneurones sensoriels. C'est cette structure qu'ont voulu imiter les chercheurs de l'unité « Nanomatériaux pour systèmes sous sollicitations extrêmes » (CNRS, Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis, ISL), en collaboration avec le laboratoire des Matériaux, surfaces et procédés pour la catalysecatalyse (CNRS, Université de Strasbourg).

    Leur système est constitué d'un microlevier en siliciumsilicium de 200 micronsmicrons de long pour 30 de large. Ce support a été nanostructuré par environ 500.000 nanotubesnanotubes de dioxyde de titanedioxyde de titane alignés verticalement. Ces nanostructures multiplient d'un facteur cent la surface du microlevier, augmentant d'autant les chances de capturer les molécules recherchées. C'est la mise en vibrationvibration de ce microlevier qui indique la présence de traces de TNT. En effet, sa fréquence de résonancerésonance est modifiée de façon spécifique lorsqu'il fixe des molécules d'explosif. Ce nouveau dispositif a été présenté dans la revue Angewandte Chemie.

    La forêt de nanotubes de TiO<sub>2 </sub>captant les molécules de TNT en suspension dans l'air. © Fabien Schnell, NS3E

    La forêt de nanotubes de TiO2 captant les molécules de TNT en suspension dans l'air. © Fabien Schnell, NS3E

    Une sensibilité approchant celle d'un chien entraîné

    Pour tester ses performances, les chercheurs ont libéré de façon contrôlée de très faibles quantités de TNT. Ainsi, ils ont pu établir que la sensibilité de ce dispositif était de 800 molécules pour 1015 molécules d'air. Aucun dispositif actuel ne peut détecter d'aussi faibles concentrations d'explosifs. De telles performances s'approchent de celles des chiens entraînés.  

    Un travail de recherche et développement est encore nécessaire avant d'obtenir un appareil facilement utilisable à partir de ces leviers nanostructurés. L'une des prochaines étapes est de concevoir un dispositif capable de reconnaître de manière spécifique le type d'explosif absorbé. Les scientifiques souhaitent d'ores et déjà adapter ces microleviers pour la détection d'autres explosifs, tels que la pentrite.

    Par ailleurs, cette méthode pourrait aussi servir à détecter diverses droguesdrogues, qui, tout comme les explosifs, sont très peu volatiles. En matière environnementale, ce dispositif bio-inspiré permettrait de mesurer d'infimes traces de polluants tels que les composés organiques volatils (COVCOV), devenus un problème sanitaire majeur.